III

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Une robe laide et qui sent le tissu d'une autre époque, un corset si serré que sa petite poitrine paraît assez plaisante pour le Comte, un voile en dentelle accroché à ses cheveux, Honorine avait tout l'air d'une mariée, excepté la joie qu'une future Comtesse devrait avoir. La cérémonie a été longue, la jeune femme peinait à respirer tant son fiancé sentait fortement l'alcool et le manque d'hygiène.
Honorine suffoquait intérieurement, seule dans un coin de la pièce tandis que tous les invités dansaient, les mères cherchant un époux pour leur vieille fille traînassant à leurs pieds.
Elle voyait au loin sa mère se vanter d'être de la famille d'un Comte, son père boire avec des Ducs, mais elle fut interrompue par sa petite sœur, Diane.

- Comtesse, vous allez bien ?
- Je t'en pris, Diane. Traites moi comme avant.
- Alors chère soeur, je te conseillerais de trouver ton époux. Les chuchotements et rumeurs vont très vite ici, et si les hautaines femmes de cette pièce ne te voient pas vite en compagnie de ton mari, elles vont ruiner ta réputation.
- Je n'en ai rien à faire de ma réputation. Elle ne me sauvera pas de ce mariage.
- Il est trop tard pour penser à ton mariage, mais crois-moi, ta réputation te sauvera de la solitude et de ta routine sinistre avec ton époux.

Elle avait beau être très jeune, Diane avait une vision très claire du monde et Honorine n'a jamais douter de ses pensées. Elle se met alors en direction du premier étage, cherchant son mari sûrement trop saoul pour venir de lui-même.
En marchant plus loin dans le couloir, elle tombe nez à nez avec un homme marchant dans sa direction. Elle le reconnu aussitôt.
L'homme au portrait.

- Votre Grâce. Veuillez m'excuser de me présenter si tard à vous, je suis Louis, Duc de Nice et frè...
- Frère de mon mari. Je suis au courant, votre portrait est affiché dans notre demeure. Je suis ravie de vous rencontrer Votre Grâce.
- Alors, vous plaisez vous en Cornouaille ?
- Oh, je n'ai pas encore eu le plaisir de visiter cette région, mais disons qu'il fait... plus froid.
- Effectivement ! Peut-être allez-vous vous y habituer, mais j'ai entendu dire que leur cidre vous réchauffe assez pour une journée entière.

La spontanéité de Louis fit rire Honorine de plus belle, chose si rare que cela l'avait rendue rougissante. Le sens de l'humour et le charme évident de Louis rendait son célibat encore plus étonnant. Honorine ne pouvait s'empêcher d'admirer son costume impeccable et ses yeux qui rappellent l'océan de ses terres.

- Nice doit vous manquer.
- Oh, vous n'avez pas idée.
- Comment est-ce ?
- Chaud. Les paysages sont somptueux, rempli de montagnes vertes, de laurier et de maisons provençales.
- Ce serait une joie de m'y aventurer.
- Vous serez la bienvenue, mon frère ne voyage jamais malheureusement, j'espère que vous le ferez changer d'avis.
- En parlant du Comte, l'avez-vous aperçu ?
- Non, je suis navré. Voulez-vous que je vous accompagne dans vos recherches ?
- Votre compagnie est plaisante, mais je vous en prie, amusez-vous avec mes convives. Votre humour les fera patienter de leur hôte !

Un sourire chaleureux se dessinait sur les lèvres de Louis, qui malgré leur hauteur, Honorine adorait les admirer. Elle continuait son chemin dans le couloir jusqu'à entendre un bruit sourd venant d'une pièce. En s'approchant, le bruit devient un grincement, puis un autre, et encore un autre. Honorine ne comprenait pas et se demandait si ce n'était pas son époux qui avait besoin d'aide.
Elle a ouvert la porte si doucement que personne dans la pièce n'avait entendu.

Et heureusement. Elle y vit le Comte, fraîchement marié avec elle, culbutant une jeune femme si violemment qu'elle en gémissait comme une professionnelle. Honorine était si écœurée, les larmes montaient seules. Non pas de tristesse, mais cela l'a fait réalisé pour de bon que ce mariage allait être son enfer sur terre. Elle n'allait jamais en être heureuse.
Elle avait refermé la porte aussi doucement que ses tremblements le pouvaient avant de rebrousser chemin vers les escaliers, où elle trouve Louis, admirant les portraits.
Il se retourne vers elle, son regard bleuté se transformant en profonde inquiétude quand il vit que la jeune femme pleurait. Mais Honorine ne le laissa pas s'approcher, trop bouleversée par la vision qu'elle venait d'avoir, et s'enfuit en courant en prenant soin de ne croiser aucun invité.
La honte était déjà bien trop grande.

    Arrivant dans une pièce qui semblait être le bureau de son mari, Dieu qu'elle détestait ce mot, elle laissait échapper ses sanglots lorsqu'elle fut enfin isolée de tout. De sa famille hautaine, des mères la toisant au moindre frôlement, des domestiques peinés pour elle et encore plus, isolée de sa nouvelle vie. Blottissant son visage entre ses mains, elle tentait de se calmer mais le chagrin cumulé était bien trop large. Sans s'être rendu compte de quoique ce soit, elle senti une main douce sur son épaule.
Séchant vite ses larmes, Honorine s'est brusquement retournée, faisant retirer la main de celui qui avait accouru derrière elle pour la consoler. Le visage de la demoiselle était d'autant plus chagriné de voir que c'était son beau-frère, Louis, qui était venu à son secours.

- Je suis navrée... de mon état..
- Quiconque dans votre situation serait dans cet état.
- Ce n'est tout de même pas convenable...
- Je ne suis pas convenable. Pensez-vous bien qu'un Duc de 28 ans célibataire n'a rien des convenances habituelles.

    Un sourire parvenu aux lèvres d'Honorine qui avait réussi à faire arrêter ses larmes de couler, regardant désormais l'homme devant elle qui ne l'avait pas quitté du regard.

- Mon frère ?
- Comment vous... ?
- Je le connais, malheureusement. Et je suis navré de voir que même marié, il ne fait pas du bien aux femmes.
- Je suppose que ce n'est qu'une habitude que je dois prendre pour ne pas finir aigrie et vieille fille.
- Pour le moment, oubliez cela. Allez redonner à votre visage un coup de je-ne-sais-quoi que vous utilisez habituellement les femmes, et revenez en bas. Je vous promets de vous faire aimer votre soirée.

    Honorine le salua avant d'accourir à sa chambre pour poudrer les rougeurs que ses sanglots lui ont fait, hâte de retrouver le seul qui arrivait à la faire rire en ces lieux.
Impatient également, Louis s'était empressé à son tour d'aller dans la grande salle de bal pour y attendre la jeune femme, mais il n'y croisait que son frère qui s'approchait pour le saluer.
Le regard d'un bleu glacial perçait Le Comte de façon si cinglante qu'il se refusait alors à terminer son chemin, se dirigeant plutôt vers le buffet.

HonorineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant