Honorine était de nouveau dans une calèche mais cette fois-ci pour quelque chose qui la rendait heureuse. Elle était seule, avec sa dame de compagnie, Dorothea, qui lui racontait des histoires toutes aussi passionnantes les unes que les autres. Les jeunes femmes aimaient beaucoup la compagnie l'une de l'autre, étant du même âge et peu importe leur différence de rang, Dorothea était une amie pour la jeune Comtesse qui n'en avait aucun.
- Dorothea, as-tu déjà participé à un bal ?
- Ma mère était la dame de compagnie d'une duchesse alors je n'y ai pas participé, mais j'en ai préparé un.
- Les gens sont-ils comme on le dit ? Mesquins, toujours en quête de quelque chose...
- Si vous vous inquiétez de votre réputation Ma Dame, je tiens à vous dire que ce que l'on dit de vous est élogieux.
- Vraiment ? Je n'en savais rien. Que dit-on ?
- Que malgré votre mariage peu somptueux, vous rayonnez et attirez une bonne attention sur vous. Toujours âpreté, mais votre beauté si naturelle. Vous plaisez énormément, aux hommes comme aux femmes mais elles vous jalousent également beaucoup.
- Pourtant je ne cherche en rien à attiser cela.
- Je le sais, Votre Grâce, c'est pour cela qu'être la dame de compagnie d'une telle Comtesse est une pure joie.Honorine touchait la main de Dorothea en guise de remerciement, elle qui n'avait jamais entendu ces dites éloges sur elle, n'en voyant que des regards méprisants. Mais elle faisait confiance en sa dame de compagnie, toujours à l'affût des ragots sans en donner de sa Comtesse. Une vraie amie.
Au bout de deux jours de trajet avec des pauses plus fatigantes que les secousses de la calèche, Honorine apercevait enfin le manoir du Duc de Nice. Allures romaines, provençales et lumineuses, tout l'inverse de là où elle vivait. Le soleil était haut dans le ciel, lui tenant bien chaud avec sa tenue de Cornouaille, les cigales chantaient et les lauriers étaient en fleurs. Elle adorait cette vue, mais elle adorait surtout apercevoir au loin une chemise blanche avec un pantalon à pinces beige, une chevelure noire et au fur et à mesure qu'elle s'approchait, elle voyait ses yeux bleus perçants comme le ciel de sa région.
Il attendait qu'Honorine descende de sa voiture pour admirer ses cheveux roux attachés en un chignon tressé, laissant deux mèches bouclées parcourant son visage tacheté de rousseur qui lui allait à merveille.- Votre Grâce, merci de m'accueillir en vos lieux.
Elle le saluait en pliant légèrement ses genoux, tandis que Louis préférait la saluer en retour d'un baiser sur la main.
- C'est moi qui vous remercie d'être venue.
- Vous n'aviez pas à m'attendre, je vous aurais salué de moi-même.
- C'est un meilleur plaisir de vous voir en premier. Vous êtes ravissante.Honorine sentait ses joues chauffer et baissait la tête honteusement. Ce n'était pas convenable que son beau-frère la complimentait ainsi, ou du moins elle se le demandait. Mais il avait l'air si sincère qu'elle rougissait seulement de timidité.
Ils avançaient tous deux vers l'intérieur du manoir où Louis prit soin de faire visiter à la jeune femme les parties communes. Lorsqu'ils arrivaient dans le jardin, Honorine avait laissé échappé un hoquet de surprise, éblouie par la beauté des lieux.
Des fontaines remplies de nénuphars, des chemins en pierre claire, des grands buissons de laurier roses et fuchsias parcouraient les sentiers. Honorine apercevait des lys et s'empressait d'aller les admirer de plus près.- Ces lys sont... magnifiques. Je suis épatée par votre jardin, Votre Grâce.
- Je suis ravi qu'il vous plaise, vous y êtes libre de vous y aventurer autant qu'il vous plaira.
- Je sens que je vais aimer votre région, tout est si clair et chaleureux. Je m'y sens à ma place.
- Vous pourriez rester un peu plus longtemps si cela vous fait du bien. Connaissant mon frère, il n'y verrait aucun inconvénient, vu que votre mariage a été consommé.
- Et bien...Honorine avait chuchoté ces mots, ne sachant pas quoi dire, mais le regard de Louis portait à croire qu'il avait entendu et surtout compris. Il se mit à regarder son invitée avec inquiétude.
- Comment..
- Je... il ne vaudrait mieux pas que je parle de cela, demandez-lui directement ce serait plus prudent pour moi.
- Pour vous ? Il vous fait du mal, Madame ?
- Oh, non, je.. non, je n'ai pas voulu... ne vous en inquiétez pas je vous prie. Continuons notre chemin s'il vous plaît.Honorine continuait d'avancer d'un pas plus pressé, mais Louis ne la suivait pas au même rythme. Il connaissait son frère par coeur et surtout sa violence, il en avait fait les frais toute son enfance jusqu'à ce qu'il riposte, et n'ayant pas la même carrure que son alcoolique de frère, Joseph avait compris qu'il n'avait plus de pouvoir sur son petit frère. Mais Honorine n'avait pas la force de Louis, et si leur mariage n'était pas consommé, cela voulait dire que son frère allait en être fortement contrarié.
Il regardait la jeune femme avancer, admirant avec dévotion chaque fleurs et chaque oiseau qui passait sur son chemin, ce qui ne rassurait pas Louis qui la trouvait bien trop pure pour vivre cette vie que son frère lui promettait.- Comtesse, j'aimerais vous montrer mon endroit préféré de ce jardin. Vous me suivez ?
Il l'emmenait devant un kiosque blanc aux poutres ornées de lierre et le parterre de rosiers roses. Il lui fit mine de s'y avancer, et une fois qu'elle arrivait au bout du kiosque, elle pouvait apercevoir une jolie marée avec des cygnes majestueux. Ses yeux se remplissaient encore plus d'étoiles et elle se mit à sourire de plus belle.
Louis l'admirait. Il voulait voir ce sourire.- Votre Grâce, votre jardin est la plus belle chose que j'ai vu en ce monde.
- Ce kiosque est assez caché, seuls les employés savent où il se trouve, et maintenant vous. S'il vous plaît, sentez-vous à l'aise d'y venir.
- Comptez sur moi, je vais y lire mes livres préférés !
- Votre enthousiasme me ravi, madame.Louis n'avait pas l'habitude de sourire régulièrement et encore moins aux femmes, mais celle-ci le rendait heureux de le faire. Son sourire radieux était contagieux, il devait l'admettre. Son frère ne se rendait pas compte de la pierre précieuse qu'il négligeait.
Le regard doux de Louis se faisait ressentir et Honorine se sentait gênée d'être ainsi observée, elle baissait sa tête et regardait à l'opposé de son hôte.
Il passait sa main sous le menton de la jeune femme pour qu'elle le regarde, plongeant leurs yeux les uns dans les autres, faisant ainsi un mélange d'eau cristalline et de noisette aux couleurs du soleil. Il avait du mal à retirer sa main, et elle ne le voulait pas bien qu'elle était honteuse de cette envie.- Votre Grâce, nous devrions y aller, mon mari ne va pas tar...
- Ne parlez pas de lui.Elle fut troublée par ces paroles, ne comprenant pas ce que Louis pensait. Elle avait beau apprécier cet instant, sa morale lui disait que ce n'était pas sain ni loyal. Son coeur se rempli de peur lorsqu'elle repensait à ce que son mari lui avait fait pour bien moins que cela, et se reculait brusquement pour se retirer de l'étreinte de Louis.
- Je suis navré, madame, je n'aurais pas dû vou...
- Oui, vous n'aurez pas dû. Je suis mariée à votre frère.
- Je le sais bien.
- Que je le veuille, ou non...Ses yeux se remplissaient de larmes mais elle ne voulait pas que l'homme en face d'elle le voit, pressant le pas pour sortir de ces jardins. Ils étaient beaux, fabuleux, mais bien trop pour qu'elle s'y retrouve seule avec lui.

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Honorine
Romance1850, en France. Honorine était née dans le but de sauver sa famille de la faillite, promue à un mariage dépourvu d'amour et de tendresse avec un vieil ami de son père. Mais jamais elle n'aurait pu penser que ce mariage sombre allait amener dans sa...