Bonjour, mon nom est...

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Vous marchez sur le trottoir, le regard fixé sur votre petit écran lumineux quand soudain quelqu'un vous aborde.

"Bonjour, dit ce dernier en vous tendant la main. Mon nom est Édouard!"

Vous serrez la main, intrigué, attendant la suite. Mais le type poursuit son chemin. Vous restez là, saisi d'une étrange sensation. Vous venez de croiser un pur inconnu qui s'est introduit à vous par son prénom et qui s'est immédiatement défilé.

Vous essayez de vous rappeler de quoi il avait l'air, de son ton de voix, mais ce fut trop bref. Le seul souvenir qui demeure, quoique vague, est son nom : Édouard.


Les personnages que l'on introduit dans notre roman sont trop souvent présentés ainsi. On leur donne un nom, ils parlent et voilà, on croit que le lecteur peut s'imaginer notre "Édouard" sans davantage d'information. Or, il n'en n'est rien.

Il faut, à l'instar des lieux où se déroule l'action, prendre le temps de rendre notre personnage vivant, moins bi-dimensionnel, de lui donner une personnae, une personnalité qui lui est propre et qui le façonne comme s'il était vraiment devant nous.

Il est très important que notre personnage principal et les personnages secondaires cotoyant ce dernier soient littéralement sculptés par des mots qui les représentent. On dit alors qu'ils sont "entiers", à l'opposé de "plats".

Un personnage entier est coloré, vivant, tridimensionnel. On n'a l'impression, après quelques paragraphes, de le connaître, qu'il pourrait être cet Édouard croisé par hasard dans la rue. Il a une âme, un profil psychologique qui lui est propre.

Un personnage plat n'a pas de visage ou de personnalité. On le croise rapidement et on l'oublie tout aussi vite.

Dans le paragraphe qui suit, identifiez le personnage plat par rapport au personnage entier. Notez ce qui les distinguent.

Roberta déplaca le meuble avec difficulté. Son surplus de poids l'empêchait de se mouvoir aussi aisément que les déménageurs. Elle soupira en voyant son visage triste dans le miroir de l'entrée. Ses traits tirés ne la rendaient certainement pas plus jolie que la veille et elle s'en voulut d'avoir choisi la veste grise parmi sa garde-robe plutôt colorée. Bob entra la dernière boîte et lui tendit le formulaire à signer : "Il va faire chaud aujourd'hui, madame" dit-il en pointant la veste de Roberta. Elle recula et trembla en songeant que cet homme allait peut-être essayer de l'agresser, lui aussi, comme tous les hommes de son pays le font, sans remord...

Dans ce court paragraphe, on en apprend beaucoup sur Roberta, sur son apparence, son état psychologique et même sur son passé. On ne sait pas tout (il ne faut pas tout dire en un seul paragraphe!) mais on en sait suffisamment pour se faire une idée du personnage. Quand à Bob, est-il grand, moustachu, collectionneur de verre à bière? Souffre-t-il d'un handicap? A-t-il un passé trouble? Ce n'est pas important, dans ce cas-ci, si le personnage de Bob ne fait que passer dans cette partie de l'histoire, sans avoir aucun impact sur l'histoire, si ce n'est que d'avoir déménagé les effets de Roberta. Par contre, si ce dernier devient son ami et l'aide à combattre un vampire tout au long de l'histoire, il faut que l'on en sache davantage, peut-être un peu plus tard dans le déroulement de l'intrigue, mais assez rapidement, afin qu'il prenne vie et qu'il fasse partie du "paysage" descriptif.

Les sources d'inspiration pour créer nos personnages sont multiples. Elles peuvent être autobiographiques (c'est-à-dire se décrire soi-même - avec quelques changements, bien entendu), biographique (s'inspirant d'un parent, un ami ou une personnalité publique), ou encore carrément un mélange des deux, pimenté de sources diverses cueillies au fil de vos expériences personnelles. Par exemple, au restaurant, vous pourriez croiser une mère de famille et ses trois jeunes enfants qui se démène pour éviter que sa marmaille ne sème la pagaille dans la salle à manger. En quelques minutes, vous pouvez faire ressortir non seulement des caractéristiques physiques évidentes mais aussi tracer un profil psychologique succinct par son ton de voix, ses paroles et ses gestes.

Comment bien écrire de la fictionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant