Chapitre 33 : La Tour de la connaissance
Le lendemain, nous reprîmes la route. Lorette tenta en vain de m'arracher quelques mots. Perdu dans mes pensées, je ne faisais plus vraiment attention aux paysages luxuriants de la forêt de Qerod. J'aurais dû, pourtant, car nous nous aventurions à présent dans une zone bien plus fournie en végétation, où il était impossible de voir arriver les prédateurs. Lorette veillait pour nous deux.
Je ne cessais de penser à notre conversation de la veille, à ses mots mystérieux sur le fait que je n'étais pas humain. J'avais passé en revue tous les peuples de Tyrnformen que je connaissais, et pourtant, aucun d'entre eux ne semblaient coller parfaitement avec les étranges dons que j'avais développé. Il restait bien le terrain des mutations, ces hommes qui au contact de la magie finissaient par être comme contaminés par celle-ci et développaient des pouvoirs, mais je n'avais pas été au contact de la magie lors de ma première mort.
J'essayais d'être rationnel. Quelqu'un dans cette région devait forcément avoir vécu une histoire similaire, peut-être reprise par des bardes voyageurs. L'unique académie des bardes se trouvait fort loin d'ici, à la frontière du désert de Snivelak. Le voyage me parut désespéré. Il faudrait traverser les terres humaines avec deux ailes sur le dos, alors même que, comme à Mornepierre, quelque chose me disait que l'accueil ne serait pas bienveillant.
Je ne pouvais que m'en remettre à l'idée de Lorette.
— Où allons-nous déjà ? demandai-je, en me baissant juste à temps pour éviter une branche sur le passage.
— À la Tour de la connaissance. C'est l'équivalent de vos académies de magiciens, mais pour les scientifiques. Ce sont eux qui ont conçus le grand arbre que tu as visité, au coeur de mon village, y compris les Endos.
Je frissonnai au souvenir désagréable de cette créature de métal qui m'avait conduit dans bien des ennuis.
— Ils forment aussi les messagers, les observateurs et les espions, trois classes d'élite qui voyagent sur tout le continent pour collecter ou transmettre des informations à notre peuple sur ce qui se passe dans le monde.
— Je vois. C'est eux qu'on va voir ?
— Oui et non. Nous allons effectivement les rencontrer, ne serait-ce que pour voir s'ils ont déjà eu affaire à une personne comme toi, puis nous irons voir les biologistes. Peut-être qu'ils pourront nous en dire plus sur tes ailes et tes pouvoirs. Nos outils d'analyse sont très puissants, les mieux développés que tu trouveras sur le continent.
Je ne sus comment prendre la nouvelle. J'avais échappé de peu à un destin de sujet de laboratoire à Lothariel, et j'avais l'impression de l'embrasser à présent à deux mains. Je gardai toutefois mes doutes pour moi. Lorette ne cherchait qu'à m'aider, je ne souhaitais pas heurter ses sentiments en critiquant sa décision.
Alors que je réfléchissais à ses paroles, nous passâmes subitement... Quelque chose. Je n'eus pas le temps de comprendre ce qui venait de se passer. Un instant, nous étions dans une forêt tropicale, la suivante dans une grande plaine verte.
— Un champ d'énergie, m'expliqua Lorette en apercevant mon expression dubitative. Il masque la Tour des yeux des indésirables.
— Je vois...
Je me penchai sur le cerf pour mieux voir l'immense structure qui se détachait du paysage à courte distance. Il s'agitait d'une immense tour blanche, aux murs faits de la même matière qui composait les Endos que j'avais croisé à mon arrivée chez les elfes. Des anneaux gigantesques en métal tournaient paisiblement autour du toit du bâtiment, sans jamais le toucher. À son pied, un village de taille conséquente, hyper technologique, semblait abriter les habitations des scientifiques qui travaillaient dans la Tour de la connaissance.
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Le chant de l'oiseau solitaire | Tyrnformen
FantasyIl existe un lieu, dans les vastes contrées de Tyrnformen, qui ne connaît ni âges, ni époques. Sa position se communique de légende en légende, de génération de bardes, d'aèdes et de trouvères à une autre. Elles parlent toutes d'une caverne, au delà...