On continue l'exploration de Tyrnformen avec des bestioles que j'avais hâte de vous présenter. On oublie trop souvent que Tyrnformen n'est pas un endroit pour les bisounours <3
LE CHANT DE L'OISEAU SOLITAIRE
Chapitre 24 : La morsure
Je me réveillai à l'aube pour remplir les dernières tâches qu'il me restait à rembourser avant mon voyage. Je devais pêcher quelques poissons et aider une vieille dame à récolter des légumes, un programme léger en apparence mais à la réalisation plus complexe que ce qu'il parait. La place du marché avait été vidée et plusieurs elfes et centaures s'activaient déjà pour monter les bûchers funéraires. J'avais entendu dire que la cérémonie aurait lieu vers midi, quand le soleil serait haut dans le ciel. Les elfes vénèrent Dame Nature, et ce serait à cette heure-là que le passage entre le monde des vivants et des morts s'ouvrait pour laisser passer les morts.
L'ambiance du camp avait radicalement changée. De nombreuses femmes silencieuses étaient habillées des vêtements blancs du deuil, et tout le monde semblait s'être tu pour leur apporter respect et soutien. J'en dénombrai vingt-quatre au total. Vingt-quatre familles détruites.
Je m'installai sur le petit ponton qui donnait sur le Lac Filmiur pour commencer la pêche, lorsque j'eus la surprise de voir Iphranir s'asseoir à côté de moi. Il avait dormi dans ma tente et sa présence m'avait empêché de dormir d'un sommeil profond. La désagréable impression qu'il puisse me tuer pendant la nuit ne m'avait pas quittée une seconde et j'avais sursauté à chaque bruit étrange trop proche.
Je sentais déjà la sueur se former sur mon front au fil que les minutes passaient. Il ne disait rien. Il se contentait de fixer l'horizon, le regard vide et ses longs cheveux noirs dans le vent. Ses vêtements de voyage abîmés laissaient entrevoir des bandages sur sa peau. Mais le plus impressionnant restait cette balafre sur son visage. La cicatrice était épaisse, profonde, comme si ce qui avait fait ça avait arraché la chair à l'intérieur. La marque démarrait à son sourcil gauche et traversait son visage jusqu'à son menton, à droite. Sur sa bouche aux lèvres roses, elle était plus visible : une traînée blanche et gonflée, qui me donnait l'impression de pouvoir exploser à tout instant.
Il n'y a pas à dire, malgré toutes les blessures, il dégageait un niveau de virilité que je n'atteindrais sans doute jamais. J'avais beau avoir survécu à de nombreuses créatures mortelles, cet elfe les ridiculisait toutes. Il me terrifiait sans la moindre explication logique et je dus produire un effort considérable pour détourner mon regard de lui avant qu'il ne me remarque.
Il ne dit rien pendant une heure trente. Seul le bruit de l'eau et les rares poissons qui mordaient à la canne à pêche venaient troubler la quiétude qui s'était installée. De temps en temps, j'osai un regard dans sa direction. Il restait simplement... là. Je voyais bien dans son regard qu'il réfléchissait à quelque chose, mais tout comme moi, il n'avait pas le cran d'ouvrir la bouche pour exprimer le fond de sa pensée.
Un nouveau poisson mordit l'hameçon. Je tirai légèrement sur la corde, mais la résistance paraissait plus importante. Je me levai pour avoir un peu plus de recul. Grave erreur : la canne à pêche fut brutalement tirée en avant et je me vis tomber dans l'eau sans rien y faire. Je me souviendrais longtemps de la rencontre que j'y fis : deux yeux lumineux verts sur un visage angélique et à la queue de poisson de la même couleur. Elle bondit sur moi. Alors que je croyais qu'elle allait m'aider, elle se métamorphosa. Son visage devint ridé. Elle me saisit brutalement le bras et m'entraîna dans le fond. Je me mis à me débattre, bien sûr, mais le manque d'oxygène commençait à se faire sentir et la douleur de ses serres dans mon bras envoyait l'ordre de crier à mon cerveau. Mes ailles s'étant repliées au contact de l'eau, je ne pouvais strictement rien faire.
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Le chant de l'oiseau solitaire | Tyrnformen
FantasíaIl existe un lieu, dans les vastes contrées de Tyrnformen, qui ne connaît ni âges, ni époques. Sa position se communique de légende en légende, de génération de bardes, d'aèdes et de trouvères à une autre. Elles parlent toutes d'une caverne, au delà...