Allongé dans le lit de Lorette, je contemplais le plafond, perdu. Qui étais-je vraiment ? Pourquoi personne n'était-il capable de m'indiquer ne serait-ce que l'once d'une information sur ma nature ? Que cachaient ces ailes d'or qui alourdissaient mon quotidien ? Tant de questions, et toujours aucune réponse.
Le chemin du retour s'était fait sans complication, si ce n'était le sermon d'Iphranir à la seconde où nous avions passé le pas de la porte. De toute évidence, la décision de Lorette de se faire passer pour le consul n'avait pas tardé à lui parvenir aux oreilles. Et à celles du gouvernement, qui lui avait demandé des comptes. Dans sa grande bonté, le père de Lorette nous avait couverts, mais avait été particulièrement vocal sur le fait que c'était la dernière fois, et que nous devions arrêter de nous mêler de choses qui ne nous regardaient pas.
Quand bien même elles me regardaient puisque j'en étais le sujet principal.
Épuisés par notre petite excursion, Lorette et moi étions directement montés nous coucher. Plutôt que de me laisser dormir seul dans la chambre d'ami, Lorette m'avait invité à partager son matelas. Je suspectais que ce soit uniquement pour contrarier son père plus que par plaisir de partager un moment intime. Je me souviendrais longtemps du regard noir d'Iphranir lorsque Lorette, guillerette, m'avait poussé dans son antre. Si j'étais plus brave, je lui aurais dit que ce n'était pas parce qu'un homme et une femme, enfin, une elfe, partageaient leur couche qu'il allait forcément se passer quelque chose. Ou peut-être espérai-je secrètement qu'il se passerait quelque chose, qui sait. Les limbes du subconscient me sont inatteignables parfois.
À mes côtés, mon rossignol dormait profondément. Elle serrait mon bras contre elle, probablement inquiète à l'idée que je disparaisse une nouvelle fois. Elle bavait aussi. Et beaucoup. Mais son visage d'ange endormi m'avait tant manqué que je ne lui en tins pas rigueur.
En revanche, le sommeil ne me vint pas. J'eus beau tourner et me retourner, impossible de fermer les yeux plus de quelques secondes. Ma tête était remplie de pensées parasites sur mon passé et mon futur, si bien que je craignais de pouvoir un jour retrouver le repos. Quand je réussissais à m'assoupir quelques secondes, les immenses ailes dans mon dos me rappelaient douloureusement qu'il me serait presque impossible de dormir à plat désormais. Alors je patientais.
Lorsque les ronflements de Lorette me furent insupportables, quelques heures plus tard, je décidai de me lever pour explorer un peu la maison et ses environs. Je voulais tout connaître du lieu où Lorette avait grandi, d'autant plus que nous embarquerions peut-être bientôt pour un grand voyage, si l'elfe refusait d'écouter la raison. Elle était toujours malade. L'embarquer dans mes aventures, même si j'en mourais d'envie, m'inquiétait. Son père était trop protecteur, c'était un fait, mais... s'il lui arrivait malheur, dans les terres humaines ou dans le désert ? Assumerais-je le choix de l'avoir encouragée à suivre ma route ? Les chances de pouvoir la soigner convenablement s'amenuiseraient à mesure que nous nous éloignerons de la citadelle protectrice de son enfance. Je ne voulais pas être responsable de sa déchéance.
Ce soir-là, l'idée de fuir comme un voleur me traversa l'esprit. J'y renonçais bien vite. Après tout, Lorette était une adulte. Qui étais-je pour lui interdire de venir si elle en exprimait l'envie ? Ne jouais-je pas au jeu de son père en l'abandonnant derrière moi ? Et qui plus était après tant de temps et d'efforts pour la retrouver. Je ne le pus. Inconcevable. Elle était tout pour moi ces derniers mois. Je m'étais battu pour arriver là où je me trouvais.
Perdu dans mes pensées, je ratai la porte d'entrée d'un bon mètre et m'encastrai dans un énorme vase. L'objet se balança dangereusement et malgré une tentative maladroite pour le rattraper, s'écrasa dans un boucan de tous les diables sur le sol, éparpillant non seulement les jolies fleurs sauvages qu'il contenait, mais cinq kilos de terre humide sur le parquet immaculé de mes hôtes.
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Le chant de l'oiseau solitaire | Tyrnformen
FantasyIl existe un lieu, dans les vastes contrées de Tyrnformen, qui ne connaît ni âges, ni époques. Sa position se communique de légende en légende, de génération de bardes, d'aèdes et de trouvères à une autre. Elles parlent toutes d'une caverne, au delà...