Après les gros dramas du chapitre précédent, un peu de légèreté ! Nous retrouvons Adrick dans une drôle de situation.
LE CHANT DE L'OISEAU SOLITAIRE
Chapitre 19 : Nouveau fardeau
Je m'éveillai dans le grenier d'une vieille grange, l'esprit embrumé et les mains bleuies par le froid, sans savoir ni où je me trouvais, ni comment j'y avais accédé. Derrière moi, le mur était partiellement effondré, comme si quelque chose avait cogné à l'extérieur et s'était vautré ensuite à l'intérieur. Puisque les morceaux de briques m'entouraient, je ne tardais pas à comprendre que c'était moi qui avait traversé la roche. Le choc aurait dû me broyer les os, puisque j'étais toujours nu, mais je n'avais pourtant pas l'ombre d'une ecchymose sur ma peau. Maladroitement, je me redressai. Quelque chose me tirait dans le dos. Je crus d'abord à des crampes, avant de réaliser qu'il y avait un poids supplémentaire non-négligeable, comme si l'on m'avait accroché un sac rempli de cailloux à l'arrière.
Je me retournai et poussai un cri de terreur. Deux ailes enflammées se tenaient derrière moi, j'étais attaqué ! Poussé par la peur, je me mis à courir en rond pour échapper à ce monstre emplumé qui me collait d'un peu trop près aux fesses... avant de réaliser, en voulant voir la tête de la bête, qu'elle n'en avait pas. Les ailes étaient accrochées dans mon dos, à deux excroissances qui prolongeaient mes épaules. Gigantesques, elles me tombaient jusqu'en bas du dos et dégageaient une lueur semblable à celle d'un feu de camp. Je ne parvenais pas à les regarder trop longtemps, elles me brûlaient les yeux. En revanche, malgré leur aspect enflammé, elles ne brûlaient pas. La sensation était même plus qu'étrange : à la fois doux comme le poil d'un chat et rugueux comme les écailles d'un serpent.
Persuadé dans un premier temps qu'on me les avait enfoncé dans le dos, je cherchais à les retirer, sans succès. Je ne savais pas ce que j'étais supposé en faire et ces deux nouvelles excroissances m'effrayaient plus qu'autre chose : je voulais m'en débarrasser au plus vite, retrouver Clodomir, et reprendre ma vie là où elle s'était arrêtée... Sur le bûcher. Comment avais-je pu oublier que j'étais mort ? La terreur s'abattit sur moi. Les dieux m'avaient-ils jugés indignes et renvoyés sur Tyrnformen avec ce cadeau empoisonné ? Etais-je censé y voir un cadeau ? Un don spécial ? La vérité était que je n'en voulais absolument pas. Les histoires d'élus, les aventures, c'était bon pour ceux qui avaient de l'argent et des aïeuls prestigieux. Je n'étais qu'un apprenti épicier sans épicerie, coincé dans une ville envahie par la Peste et qui avait été exécuté pour haute trahison.
— Par l'barbe de Balgrüm ! rugit une voix en bas, à l'extérieur. Primates dégénérés et leurs catapultes à l'con !
— Père, nous sommes à la campagne, où voulez-vous que les hommes trouvent des catapultes ?
— Alors c'est quoi c'trou dans m'grenier ?! C'est pas l'intervention d'leur esprit païen quand même !
Je tressaillis. Il ne manquait plus que ça. Dépassé par les événements, je trainais mes ailes derrière un ballot de paille. Ma panique ne fit que s'accroître en entendant les propriétaires des lieux grimper les marches pour me rejoindre. Avez-vous déjà essayé de vous cacher alors que vous brillez comme un feu de joie pendant les fêtes nocturnes estivales ? Les deux intrus me trouvèrent en quelques secondes. Je tentai de fuir, mais ils me barrèrent la route. Je n'eus plus qu'à lever mes mains en l'air face à deux nains au visage rougi par l'alcool, armés de fourches.
— Nom d'un pet de chèvre, il a l'saucisse de Kazadröm à l'air !
Je plaçai instantanément mes mains devant mes parties génitales, mal à l'aise. Le nain qui avait pris la parole avait de l'embonpoint et une moustache blanche tressée qui lui tombait jusqu'en bas des pieds. Dans sa salopette bleue trop grande, il me faisait penser à ces poulets déplumés vendus à la pelle sur les marchés de Mornepierre, trop vieux pour servir à quoi que ce soit. Son fils lui ressemblait beaucoup : la même moustache blanche tressée, mais plus courte, et le visage un peu moins ridé.
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Le chant de l'oiseau solitaire | Tyrnformen
FantasíaIl existe un lieu, dans les vastes contrées de Tyrnformen, qui ne connaît ni âges, ni époques. Sa position se communique de légende en légende, de génération de bardes, d'aèdes et de trouvères à une autre. Elles parlent toutes d'une caverne, au delà...