Prologue

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Toute peinture a une histoire. Toute histoire mérite d'être peinte. 

Les visiteurs étaient nombreux au Metropolitain Museum of Art de New York, bien que l'on soit au milieu de la semaine. Parcourant les galeries où ont été exposées des millions d'œuvres d'art, touristes et new-yorkais, experts ou amateurs, chacun d'eux s'extasiaient devant ce que l'Homme avait créé de plus beau. 

Peintures, sculptures, mobilier, trésors de toutes époques et des quatre coins du monde ravissent la foule, les visiteurs, seuls, en famille, en groupes guidés par des employés du musée qui répétaient inlassablement leur texte et demandaient aux plus distraits de suivre le rythme en passant de salle en salle. 

Dans un coin reculé de la Robert Lehman Wing, abritant la collection des grands Maîtres de la peinture européenne, des impressionnistes et des post-impressionnistes, ceux qui lisaient les panneaux de description pouvaient s'étonner de l'intitulé de l'un d'entre eux: 

"La muse endormie", 1918, peintre inconnu. 

Donation anonyme au Metropolitain Museum of Art, style post-impressionisme anglais.

Plus encore que cette description avare de détails, c'est le tableau en lui-même qui attirait le regard: dans un tourbillon de couleurs chaudes, une femme était allongée sur le ventre, un drap blanc froissé la couvrant jusqu'à la taille, la courbe de ses seins se dessinant contre le matelas. Ses cheveux étaient d'un blond éclatant, comme les blés, et ses yeux clos ainsi que son visage détendu étaient témoins du sommeil apaisé dans lequel elle était plongée. 

La plupart des personnes restaient quelques instants à contempler le tableau ses détails, le visage doux de cette muse mystérieuse, avant de continuer leur visite. La plupart, mais pas Mary Galloway. 

Porte-documents et manuels d'art sous le bras, Mary observa la toile en plissant son nez et en fronçant les sourcils, comme si regarder fixement la peinture lui permettrait d'en découvrir tous les secrets. Ah, quelle bonne blague ! Voilà trois semaines qu'elle venait tous les jours la voir, observer avec minutie chaque coup de pinceau, chaque courbe, chaque nuance de couleur pour tenter de comprendre ce qui s'y cachait derrière. Et à chaque fois, elle se sentait un peu plus stupide d'avoir choisi cette œuvre comme sujet d'étude. 

Dans son élan obstiné, elle avait même promis à son professeur de découvrir l'histoire derrière La muse endormie et de trouver l'identité de son peintre ! Mais plus les jours passaient, plus l'incertitude la rongeait, alors que le peu d'information qu'elle avait pu trouver semblait terriblement anodin. Et si elle s'était emballé un peu trop rapidement ? Si elle avait choisi un mauvais sujet ? 

Elle ne pouvait pas se permettre d'avoir une note catastrophique ! Il ne manquerait plus que ça... 

Un bras entourant sa taille la fit sursauter, la faisant sortir de ses pensées pessimistes, alors qu'un rire qu'elle reconnaissait entre mille résonna dans la salle d'exposition. 

- Mei, tu m'as fait peur ! 

- Désolée, mais en te voyant si pensive je n'ai pas pu m'empêcher de te surprendre, t'es tellement chou avec ta petite mine surprise ! S'excusa la jeune femme en déposant un baiser sur sa joue, avant de tourner la tête vers le tableau. Encore en train de torturer tes méninges avec cette toile ? Tu as découvert quelque chose ? 

- Rien, si ce n'est la demande du donneur anonyme, qui a demandé à ce que le tableau ne quitte jamais le musée. Oh, si ! Elle fouilla ses documents, sortant un registre. Le tableau a été peint en 1918, mais il a été offert au musée uniquement en 1923. Puisqu'il s'agit d'une peinture post-impressionisme anglaise, je suppose qu'elle a dû être apportée d'Angleterre. 

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