Chapitre 1 : Le prince de l'aberration

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A genoux sur l'herbe mouillée, une exclamation sort de sa bouche, extirpant sa plus grande bouffée d'oxygène. Son corps tremble, ses bras le lâchent et son corps est rapidement au sol, recroquevillé sur lui-même. Son souffle crée un infime nuage de fumée sur lequel il se concentre. Pour la première fois depuis si longtemps, son souffle n'est plus si froid, mais plein de vie. Ses paupières brûlent mais il a bien trop peur de les fermer, de découvrir que ce n'est qu'une illusion et qu'il est toujours là bas. Une larme coule sur sa joue sans geler sur son visage. Ses doigts encore tremblants attrapent la terre qu'il disperse entre son pouce et son index avant de rouler sur le dos, la bouche ouverte, se forçant à de grandes inspirations et expirations. La terre, l'air. Il est vraiment là.

Le dieu celeste finit par trouver le courage de se redresser. Son premier réflexe est de dépoussiérer ses robes laissant la cendre s'évaporer dans l'air. Des minces filets noirs et visqueux tombent sur le sol, faisant pourrir l'herbe et sécher la terre. Ming Linxuan a tellement rêvé de cet instant, ce moment où il pourra revenir parmi les siens. Et maintenant ? Cela lui a paru pourtant si impossible et désespéré qu'il s'est interdit de penser à un "après." Oh bien sûr, les premiers temps, tout son plan était clair : revenir se venger, faire éclater la vérité et rétablir ce qui doit l'être. Mais aujourd'hui ? Est-ce que toute cette ambition a encore son importance ? Non. Non, il est beaucoup trop fatigué.

Avalant sa salive de travers, désemparé, il regarde autour de lui. Ming Linxuan se trouve au milieu d'une colline, au sommet d'une montagne. A cette hauteur, il peut distinguer un village à son pied. Peu importe ce qu'il compte faire ou ne pas faire, la première étape est de descendre. La tâche s'avère plus ardue qu'il le pensait. Ses jambes tremblent et sa force d'autrefois l'a abandonné. Obligé de s'aider d'un bâton, ça ne l'empêche pas de chuter à plusieurs reprises, dégringolant et atterrissant lourdement sur le sol. Le corps parsemé de petites plaies, les vêtements sales et sa coiffure à faire hurler toutes les jeunes maîtresses, Ming Linxuan arrive enfin devant le village, exténué, cramponné à son bâton. Il attire des regards différents à chacun de ses pas tremblants. Compassion, pitié, mépris. Figure méconnaissable au milieu de ce village, Ming Linxuan prend tout de même la peine de draper son visage avec un châle aussi sale que le reste de sa tenue, déniché sur une charrette contenant des restes de pommes de terre écrasées et immangeables. Il se doute que ce n'est pas dans un petit village qu'on peut le reconnaître, mais il vaut mieux être prévenant. Il n'est pas en état d'assumer un face à face avec une personnalité connue.

Son estomac se creuse, son ventre émet un grondement des plus désagréables. Ming Linxuan est partagé entre grimace et soulagement. Ca fait si longtemps qu'il n'a pas eu faim, mais maintenant que c'est le cas, qu'il en prend conscience, il sent ses forces l'abandonner et son ventre en être douloureux. Ajoutons à cela sa marche interminable, sa soif et ses blessures ... L'oiseau de feux qu'il a été à perdu ses ailes. Mais il est vivant. C'est le meilleur état où il s'est trouvé depuis ... Depuis quand au juste ? Il a perdu la notion du temps là bas.

De toute sa vie ... Sa première vie, Ming Linxuan n'a jamais souffert de la faim et au grand jamais il n'a eu besoin de mendier pour pouvoir manger. Aujourd'hui, il n'est rien d'autre qu'un prince en disgrâce, même s'il ignore encore ce que ça veut dire.

Un des marchands le pousse lorsqu'il essaie de réclamer un radis. Il tombe sur les fesses.

一 Va mendier ailleurs, allez dégage, tu fais fuir les clients, misérable !

Le mépris qu'il reçoit est déstabilisant. Ming Linxuan est regardé comme s'il était une petite chose hideuse et qu'il emmenait la maladie avec lui. L'homme s'éloigne de lui avec dégoût. La seule chose qu'il peut faire, c'est le foudroyer des yeux, son regard rubis, dûr, plus impressionnant qu'avant. C'est la seule prestance qu'il lui reste.

The Celestial Bird of FireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant