Je sursautai et reculai violemment, comme expulsée par une force invisible. J'ouvris la bouche, mais je ne pus rien dire. Un étau de terreur m'enserrait le cœur et les poumons, si bien qu'un violent vertige me fit perdre l'équilibre. À deux doigts de m'effondrer, je pris appui sur un siège.
- Oh... ça va ?
Étonnée par l'étrange calme et empathie de sa voix, je m'exclamai avec une hystérie mal contenue :
- Si ça va ? Mais oui, bien sûr, à merveille ! Je pète le feu !
J'attendis que mes tournis se tassent puis me redressai juste assez pour laisser l'air pénétrer de nouveau mes poumons. Et même si je retrouvai rapidement la stabilité de mes jambes, mon esprit continuait à se balancer dans un vide intersidéral d'incertitudes, cherchant un moyen de s'adapter au changement de situation. Je clignai des paupières plusieurs fois avec le faible espoir de les voir réapparaître, mais en vain. Je ne parvenais pas à chasser cette réalité improbable qui me brûlait les yeux, celle où une vingtaine de passagers venaient de se volatiliser sous notre nez. Le wagon était vide. Notre simple présence semblait de trop dans ce silence mortuaire, l'air devenait de plus en plus compact et irrespirable, comme s'il était prêt à nous engloutir pour nous faire disparaître à notre tour.
J'inspirai un grand coup.
Tu délires, ressaisis-toi, bouge toi, fais quelque chose.
Je laissai glisser mon sac à terre afin de m'alléger d'un poids inutile, le sentant de plus en plus peser sur mes épaules, et ouvris la petite pochette décousue dans laquelle se trouvait mon portable. Le réseau ne passait que rarement ici, mais je n'avais pas envie de prendre ce hic en considération. Lorsque mon pouce s'écrasa de frustration contre le bouton, l'écran ne daigna même pas s'allumer.
- Bah bien sûr ça aurait été trop facile, bougonnai-je.
Une seconde solution me vint, alors je me dirigeai vers la poignée d'alarme.
Bien évidemment, me dit ma conscience, les gens de ce wagon sont les seuls à avoir disparus. Il doit y avoir des gens, à l'extérieur. Sans jeter un soupçon de regard à mon frère, je saisissais la poignée d'une main que je voulais solide, puis l'enclenchai. Elle s'évapora dans la seconde, et je manquai de chuter une nouvelle fois. Heureusement, un second ami - le siège - m'offrit un appui avant de tomber. Je mordillai ma joue pour éviter de jurer : cette impression que la situation m'échappait me rendait furieuse. Comment tout cela pouvait être réel ?
Je pivotais sur moi-même, observant ce décor qui m'avait toujours été aussi familier et auquel pourtant je n'avais jamais porté autant d'attention qu'aujourd'hui, puis m'arrêtai devant les portes.
Je me tournais vers mon frère que j'avais soigneusement ignoré jusqu'ici :
- Nat..., je soupirai en voyant sa tête déconfite. Quoi encore ?
Son visage avait un drôle d'air, ses traits s'étaient affaissés sous le poids d'un choc trop violent, ses yeux emplis d'une lueur pâle et inquiète. Après quelques instants de silence, il se décida enfin à parler d'une voix hésitante :
- On devrait pas... juste... attendre ?
- Attendre ! Qui ça ? Ou quoi ? Que le soleil se lève ? On ne le voit même pas d'ici, donc ne compte pas sur moi ! T'as qu'à rester assis là, à te tourner les pouces, mais moi je ne vais pas attendre qui que ce soit, ou quoi que ce soit.
Il prit une mine boudeuse d'où transparaissait malgré lui un sentiment de tension. Il est peut-être plus terrifié que toi, il les a tous vu disparaître, lui, songai-je en prenant un léger recul sur mes paroles.
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L'arrêt Des Mondes
ParanormalPendant quinze minutes, le monde s'est arrêté. Ensuite, il y a eu une perturbation. Et si ce monde ne résultait en fait que d'une pensée, modifiée par l'inconstance d'un souvenir ?