YOUR STUPID BLUE EYES

chapitre 2

SATEEN SOUPIRA devant son vieil ordinateur. Elle cherchait désespérément un nouveau travail, sans grand succès. La jeune femme s'était faite virer de la bibliothèque où elle travaillait jusqu'à maintenant.

Tout ça pour quoi ? Parce qu'elle avait remis à sa place un homme un peu trop à l'aise avec elle. Il n'avait pas apprécié, s'était plaint d'elle à ses supérieurs, elle avait pris la porte, fin de l'histoire. La routine habituelle quand on s'appelle Sateen Osterfield.

C'était con, parce qu'en y repensant, elle aimait vraiment cette bibliothèque. Elle s'y sentait presque chez elle. Elle adorait l'ambiance qu'il y avait dans ces lieux calmes et tamisés, remplis de bouquins qu'elle aimerait tous lire jusqu'au dernier si elle le pouvait.

- Sateen ? fit une petite voix.

- Qu'est-ce que tu fais ici ? s'exclama la brune en se levant du canapé.

Nate apparut dans l'entrée, un air penaud sur le visage.

- Il a été renvoyé à la maison, annonça une voix plus grave.

A l'entente de celle-ci, la brune ferma les yeux. Elle savait très bien qui c'était. Mathieu apparut, un air grave sur le visage. La jeune anglaise se passa une main sur le visage. La dernière fois qu'ils s'étaient vus, ça n'avait pas été dans de super conditions.

- Tu ne répondais pas à ton téléphone, alors ils m'ont appelé, expliqua le jeune homme.

Évidemment, se dit Sateen. Mathieu était son ex, datant de quelques mois seulement. C'était très récent, et aucun des deux n'avait vraiment tenté de garder le contact après leur histoire. Ils étaient sortis ensemble pendant trois longues années, ce qui n'était pas rien.

Mais le garçon avait fini par partir, comme presque toute personne entrant un jour dans la vie de la jeune femme.

- Je suis dans les numéros à appeler en cas d'urgence, alors..

- J'ai compris, le coupa Sateen. Nate, va dans ta chambre jouer un peu. On en reparlera après.

Le petit garçon fila, laissant les deux adultes dans un silence embarrassant pour l'un, tendu pour l'autre.

- Sateen, il s'est fait renvoyer parce qu'il s'est battu, annonça Mathieu.

La concernée ouvrit la bouche pour dire quelque chose, puis la referma. Elle se rassit sur le canapé, et posa ses mains sous son menton, fixant un point invisible devant elle.

- Je sais qu'il n'est pas du genre à se battre, continua la jeune homme en venant s'asseoir face à elle. Mais sa maîtresse m'a dit qu'il avait quelques difficultés avec certains de ses camarades.

Sateen n'eut pas de réaction. Elle enregistrait tout ce que lui disait Mathieu, sans vraiment en prendre compte.

- Je sais qu'en ce moment c'est compliqué, dit celui-ci en jetant un coup d'œil à l'ordinateur affichant une liste de postes vacants. Mais je pourrais peut-être aider..

- Je n'ai pas besoin de ton argent Mathieu, trancha la brune sans pour autant le regarder.

- Mais il ne s'agit pas que de toi là, c'est aussi pour Nate. Il ne va pas super bien en ce moment, et c'est...

- Je n'ai pas besoin de ton argent, Mathieu ! répéta la jeune femme plus fort en se levant. Je n'ai pas non plus besoin de tes analyses brillantes pour me dire comment va mon frère. Tu n'as jamais cherché à t'occuper de lui par le passé, alors ne me fait pas croire que tu comptes l'aider aujourd'hui !

Elle avait dit tout cela en le pointant du doigt d'un œil accusateur, et Mathieu avait baissé les yeux, comme s'il s'attendait à ce genre de réaction.

- Je sais que j'ai fait des conneries par le passé, mais...

- Mais arrête ça, s'il te plaît ! s'exclama la brune en levant les bras au ciel. Arrête ton petit numéro de bon saint maritain, quand on était ensemble tu te foutais bien des galères que je pouvais traverser. Tout ce qui comptait pour toi, c'était de me faire des cadeaux que je ne voulais même pas. Moi, la seule chose que je te demandais, c'était d'être là pour Nate et moi, mais tu t'en fichais, tant que tu avais l'impression de me gâter. Depuis le putain de lycée, t'as toujours agis comme ça.

- Je sais, je..

- Je ne veux même pas qu'on ai encore une fois cette discussion, cracha Cleya en le fusillant du regard. Merci d'avoir ramené Nate, au revoir.

Elle alla jusqu'à la porte, et l'ouvrit. Le jeune homme comprit qu'il n'avait pas le choix, et sortit. Parfois, il valait mieux ne pas pousser Sateen à bout si on tenait à la vie.

La brune en question referma la porte d'un coup sec, et se laissa glisser le long du mur. Le jeune femme passa ses mains dans ses cheveux, en soupira. Elle avait désormais deux problèmes à régler. Nate, et son travail.

Comme à chaque fois qu'elle sentait un trop gros poids sur ses épaules, Sateen tripota son bracelet du bout des doigts. En réalité, qualifier cette petite tresse colorée de bracelet était bien optimiste.

Les supposées couleurs qui le composait étaient complètement délavées, du fait que la jeune femme ne l'avait jamais ôté de son poignet droit depuis que sa grand-mère Olla lui avait offert il y a trois ans de cela. C'était quand son cancer avait débuté, et que Sateen se retrouvait souvent seule à la maison à s'occuper de Nate.

Au début, elle avait eu du mal à se faire à ce nouveau rythme, et au final elle s'y était habituée. Mais il arrivait encore qu'elle perde pied. Et dans ces moments-là, sentir ce cadeau de sa grand-mère la réconfortait assez pour relever la tête.

C'est donc avec un petit sourire courageux que Sateen se rendit dans la chambre de son frère, qui lisait une BD assis sur son lit. La brune lui prit l'exemplaire de TINTIN des mains, et s'assit face à lui.

- Alors raconte-moi champion, lui demanda-t-elle calmement.

- Lucas s'est moqué des tresses de Nila, raconta Nate. Alors je lui ai dit qu'il ferait mieux de travailler sur ses notes en dictée, plutôt que de critiquer sa coiffure. Et là, il m'a poussé. Mais je lui ai fait un croche-patte et il a été dire à la maîtresse que je l'avais frappé.

Sateen soupira. Au moins, elle savait que son frère n'avait rien fait de mal. Elle connaissait Nila, c'était une petite Congolaise qui venait d'arriver à Rouen. Ses parents venaient souvent à la bibliothèque où elle travaillait avant d'être renvoyée.

Elle discutait souvent avec sa mère, qui était une grande passionnée de livres, comme elle. Elle était fière de Nate pour avoir défendu cette petite fille.

- Quel enfoiré ce Lucas.

- C'est sûr, dit le petit garçon en hochant la tête. A cause de lui, la maîtresse m'a puni pendant une semaine au moins.

- J'irais voir ta maîtresse.

- C'est vrai ?

- Tu crois que Spider-man aurait laissé passer une injustice pareille ? s'étonna la jeune femme.

- Bien sûr que non ! s'exclama le brun.

- Et bien on fait une bonne équipe de super-héros. Toi, tu as pris la défense de Nila, et moi je vais aller faire retirer cette punition débile.

- Merci Sateeeennn ! fit Nate en enlaçant sa grande sœur.

La jeune femme échappa un petite rire. Même si en ce moment, les choses n'étaient pas faciles, elle ferait tout pour conserver le sourire de son petit frère. Il était tellement précieux à ses yeux, valant tout l'or du monde.