chapitre 9

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SATEEN ET PIERRE marchaient côte à côte au bord des quais de la Seine. C'était le dernier soir de Pierre à Rouen, il devait repartir le lendemain pour aller retrouver Charles à Monaco et ainsi passer un peu de temps avec son meilleur ami.

- Tu as hâte de retrouver Charles ? demanda Sateen en rajustant sa capuche sur ses cheveux bouclés.

- Complètement, répondit le jeune homme en souriant. Il m'a beaucoup manqué.

- C'est super alors, dit-elle d'une voix calme.

Mais à l'intérieur, Sateen était en pleine tempête. Elle était triste que Pierre s'en aille. Elle ne se faisait pas d'illusions sur la suite, il allait reprendre son quotidien d'athlète de haut niveau, la saison de Formule 1 allait commencer, et il l'oublierait probablement.

Mais pour elle qui n'avait que très rarement des amis, et qui lui avait pourtant fait confiance si simplement, c'était impossible d'oublier. Elle était heureuse pour lui qu'il retrouve ses amis, mais égoïstement elle se sentait comme presque... abandonnée.

Durant les dernières semaines, Pierre avait été omniprésent dans son quotidien. Il l'aidait dans ses recherches pour un boulot, il était allé chercher Nate à l'école plusieurs fois quand Sateen ne pouvait pas,il l'emmenait faire des tours dans sa voiture Alpine, et avait passé plusieurs soirées à regarder la télévision avec lui.

Quand Nate partait se coucher, Sateen et Pierre se retrouvaient dans le salon pour se raconter ce qu'ils ignoraient l'un de l'autre. Pierre parlait parfois de sa carrière en F1, la brune voulant toujours en savoir plus. Sateen parlait de Nate, de sa passion pour le cinéma et de son enfance qui n'avait pas été si mauvaise avant le collège.

- Si c'est si super, je peux savoir pourquoi tu fais la gueule depuis cet après-midi ? demanda Pierre qui avait remarqué l'air pensif de la brune.

- Je ne fais pas la gueule ! protesta-t-elle.

- J'ai fait quelque chose de mal ?

- Non !

- Alors quoi ? insista le brun.

- Je vais m'ennuyer si tu pars, marmonna Sateen.

Pierre la regarda d'un air surpris. Il ne s'attendait absolument pas à ce qu'elle lui dise ça. C'était mentir si il disait qu'elle n'allait pas lui manquer à lui aussi, mais la fierté prit le dessus et il ne voulut pas l'avouer dans l'instant.

- Enfin je veux dire, on s'amusait bien et là tu repars à Monaco, l'endroit où tu dois être évidemment, vu que c'est le milieu riche et élégant, où les gens qui ont de l'argent vont généralement... et puis après tu seras occupé à conduire ta voiture et tu ne pourras pas venir me voir. Non pas que je veuille absolument te voir à tout prix, mais euh... tu vas sûrement manquer à ta famille et.. et je crois que tu plais bien à mon frère alors.. bref, oublie ça. T'as raison de partir, moi-même j'aimerais bien me casser de ce trou à rats.

- Eh, parle pas de Rouen comme ça ! plaisanta Pierre.

Elle esquissa un petit sourire.

- Tu vois bien ce que je veux dire.

Il hocha la tête. Ils continuèrent de marcher en silence pendant quelques mètres, avant qu'il ne prenne la parole.

- C'est sûr que ma famille va me manquer. Mais je reviendrai vite les voir, ils le savent.

Sateen resta muette, hochant simplement la tête.

- Et toi... enfin, ton frère, corrigea-il avec un sourire. Tu sais, on se dit pas adieu non plus.

Sa curiosité piquée à vif, la brune leva les yeux vers Pierre qui lui souriait.

- Vous viendrez à Milan. Chez moi.

- Mais... mais... balbutia Sateen.

- Mais ?

- Je n'ai absolument aucun travail en vue Pierre. J'ai à peine de quoi nous nourrir moi et Nate, je ne peux pas me payer un vol pour Milan.

- Qui t'as demandé de payer quoi que ce soit ? demanda le pilote.

- Non, je ne peux pas te demander ça, dit-elle d'un ton catégorique.

- Tu ne demandes rien princesse, c'est moi qui offre.

- Quel preux chevalier, ironisa Sateen.

- Pour vous servir ! s'exclama Pierre en lui faisant un baisemain.

Heureusement, le froid avait déjà fait rougir les joues de la jeune femme, alors son embarras ne se remarqua pas.

- Alors, tu acceptes ? lui demanda-t-il.

- Je vais y réfléchir.

- Youhou ! s'écria Pierre en sauta dans les airs. Elle va y réfléchir ! C'est une splendide victoire de Gasly, le joueur français !

- Arrête de crier, les gens vont nous regarder, protesta Sateen toutefois amusée.

- Et alors ? Je ne suis plus à ça près.

- Parfois j'oublie que je traîne avec une star mondialement connue, grimaça la brune.

- Eh bien continue d'oublier s'il te plaît, demanda-t-il en entourant ses épaules de son bras droit.

La jeune femme tressaillit à ce contact inattendu, mais ne le repoussa pas. C'était agréablement réconfortant.

- Et si tu as des problèmes avec l'argent pour subvenir à vos besoins, toi et ton frère, je veux que tu me le dises.

- Tu sais très bien que je ne le ferais pas.

- Je le sais. C'est pourquoi j'ai fouillé dans ton téléphone pour choper ton RIB et je t'ai fait un virement de 1000€.

- TU AS FAIT QUOI ??? s'étouffa Sateen.

- Je ne suis pas un psychopathe, je n'ai rien piraté t'inquiètes.

- Je savais que je n'aurais pas dû te donner mon code !

- C'était facile à retenir, la date de naissance de ton frère, affirma le jeune homme en haussant les épaules.

- Mais Pierre, je ne peux pas te laisser faire ça, paniqua la brune.

- Pourquoi ? Pour une fois, arrête de réfléchir et laisse les choses se dérouler.

- Mais je n'ai pas envie de profiter de toi !

- Sateen, je ne sais pas encore toute la merde que tu as traversé, d'accord ? Mais je sais que tu as besoin d'aide. Et je sais que moi, j'ai besoin d'aider.

La jeune femme resta silencieuse, fixant le sol.

- J'ai besoin de t'aider toi, et ton frère, poursuivit-il. Alors arrête avec ta fierté à deux balles, pour une fois ai confiance et prends les choses comme elles viennent. J'ai envie que tu ne dormes plus dans cet appart', que tu aies une vraie télévision qui fonctionne, le meilleur écran qui existe. Je veux que tu aies la plus grande bibliothèque possible pour ranger tous tes bouquins à l'eau de rose. Je veux que ton frère puisse aller à Disneyland et qu'il rencontre Spider man. Je veux que tu n'aies plus besoin de te taper des boulots de merde. Parce que vous méritez mieux. Et je veux vous offrir mieux.

Les larmes coulaient à présent sur les joues de Sateen, qui avait écouté Pierre lui dire les choses les plus gentilles qu'elle avait pu entendre à son égard. Voyant son visage inondé par les larmes, celui-ci l'attira contre lui pour la prendre dans ses bras. Elle entoura le torse musclé du brun de ses bras fins et continua de pleurer.

- Je voulais pas te faire pleurer, murmura Pierre à son oreille.

Sateen laissa échapper un petit rire.

- Merci Pierre.

- Merci à toi.

- Pourquoi ?

- Parce que je crois qu'il était temps que je fasse de nouvelles rencontres dans ma vie.

- Alors on est deux.


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