chapitre 28

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Deux mois s'étaient passés depuis la course à Melbourne. Pierre avait été transféré à l'hôpital de Londres, à la demande de Sateen. Pascale et Jean-Jacques, les parents de Pierre, étaient venus l'aider eux-même à déménager dans l'appartement de leur fils. Nate lui aussi était enfin arrivé en Angleterre, et il adorait le pays.

Sateen avait d'abord refusé que les parents de Pierre se déplacent uniquement pour elle, mais elle avait compris assez vite qu'elle ne les ferait pas changer d'avis. Elle s'était très vite bien entendue avec Pascale, et le père de Pierre avait une attitude si paternelle à l'égard de Nate qu'elle n'aurait pas pu rêver mieux.

- Chérie, tu peux me passer la farine s'il te plaît ? demanda Pascale en train de s'agiter dans la cuisine.

Sateen obtempéra, en souriant. Elle était en train de confectionner des petits gâteaux avec la mère de Pierre, tout en chantant sur de la musique française. Jean-Jacques avait pris l'initiative d'emmener Nate se promener, mais connaissant le frère de Sateen ils devaient probablement être perdus dans les tréfonds de Londres à cette heure-là.

Je ne suis qu'un soulman

Écoute ça baby

Je suis pas un superman

Loin de là

Juste moi, mes délires

Je n'ai rien d'autre à offrir

Mais je sais qu'en vrai c'est déjà ça

La chanson qui résonna à l'instant dans la cuisine provoqua un flashback violent à Sateen. Elle et Pierre. Dans sa petite cuisine étroite à Rouen. En train de cuisiner en chantant et en riant. Cette-fois là, il manquait Pierre. Et Sateen ne riait plus.

- Sateen ?

Ce ne fut qu'en remarquant le regard inquiet de Pascale que la jeune femme se rendit compte qu'elle pleurait. Encore. Elle essuya bien vite la larme qui avait coulé, et fit un petit sourire pas très convaincant à la maman de Pierre.

- Viens par là.

Et elle l'enlaca doucement. La douceur d'une mère. Aussi idiot que cela puisse paraître, cette sensation qu'elle n'avait plus connue depuis des années fit redoubler les pleurs de Sateen.

- C'est lui qui m'avait fait découvrir cette musique, articula difficilement la brune. Il me manque.

Pascale la regarda d'un air inquiet. Elle était tellement compatissante et patiente avec Sateen que celle-ci se demandait souvent pourquoi. Ces derniers temps, elle avait tenté le plus possible de se montrer forte sur tous les plans.

Elle avait dû rassurer Nate pour sa rentrée dans sa nouvelle école, prendre ses repères dans une nouvelle ville, faire bonne impression auprès des parents de Pierre. Et c'était sans compter son nouveau travail qu'elle commençait tout juste à prendre en main.

Bien sûr, elle accompagnait Alpine à tous les Grands Prix, excellant à son poste de responsable de communication chaque weekend. Cependant, Pierre manquait sur le paddock, bien que Jack Doohan, le pilote de réserve, ait rapidement pris sa place et se débrouille plus que bien.

Alex et Lily, elles, faisaient de leur mieux pour rester disponibles pour leur amie, même si elles n'étaient pas aussi souvent qu'elle aux courses. Elles tentaient de s'appeler presque tous les jours pour prendre des nouvelles. Au début, elles avaient tenté de faire passer ça pour de simples racontages de potins, mais Sateen savait que c'était surtout un moyen de garder un œil sur elle.

Lando lui, rendait visite à Sateen à Londres chaque fois qu'il se rendait en Angleterre, et Charles mitraillait la brune de messages presque chaque jour. Bref, Sateen était bien surveillée. Mais quoiqu'elle fasse et où qu'elle soit, il manquait toujours une paire de jolis yeux bleus au tableau.


- Et donc tu penses qu'il va t'emmener au ski pour une surprise ? demanda Lily à Alex qui souriait comme une enfant.

Les trois amies étaient en facetime depuis une heure environ maintenant.

- J'en suis sûre ! Antoine a presque vendu la mèche l'autre jour, c'était trop drôle de voir le regard agacé de Charles. Il n'est pas très fort en surprises.

- C'est adorable, geignit la golfeuse en se morfondant sur le canapé. J'aimerais qu'Alex fasse la même chose.

- Il est irréprochable avec toi, intervint Sateen. Je rêve littéralement d'avoir un copain comme les vôtres.

- Qui sait, peut-être bientôt, sourit Lily.

La brune ne répondit pas et baissa les yeux. Le sujet de Pierre la rendait souvent triste, mais elle décida que cette fois, elle ne pleurerait pas. Elle aborda donc un immense sourire coupable. Elle ne leur avait toujours pas dit.

- J'ai comme l'impression que tu ne nous as pas tout dit sur toi et Pierre, soupçonna Alex.

- Euh... on s'est embrassés une fois, mais bon...

- QUOIIII ?! hurla Lily.

- J'en étais sûre ahahaaah ! jubila Alexandra.

- Non mais calmez-vous, c'était la veille de son accident... et je lui ai plus ou moins demandé de partir après alors... avoua Sateen.

- Tu as quoi ?

- J'ai paniqué. En fait je me suis mise à pleurer sans savoir pourquoi, et du coup je lui ai demandé de me laisser seule... j'ai merdé je sais, j'ai honte.

Alex et Lily se regardèrent avant d'exploser de rire.

- T'es pas croyable Sateen, articula Alex en se calmant.

- Moui, bon bah ça va hein, marmonna celle-ci rouge de honte.

Les trois filles terminèrent leur soirée à rire et à faire de nombreux sous-entendus sur la relation entre Pierre et Sateen. Mais même si elle tentait d'en rire, le cœur de la brune n'y était pas. Elle avait presque l'impression qu'il ne se réveillerai jamais, et qu'elle pouvait dire adieu aux sentiments qu'elle ressentait à son égard.


Sateen alluma son téléphone en soupirant. Trois heures du matin. Elle devait prendre l'avion demain pour le Canada en vue de la prochaine course, mais impossible pour elle de trouver le sommeil. Les départs pour les Grands Prix se faisaient de plus en plus douloureux avec le temps, car cela rappelait sans cesse à la brune que Pierre aurait dû être là.

Il aurait dû prendre l'avion à ses côtés, faire des blagues pour la distraire, lui lançer des regards moqueurs et prendre sa main sans raison apparente. Car elle s'était habituée, malgré sa volonté, à toutes ces petites marques qui faisaient qu'elle aimait Pierre Gasly. Plus qu'elle ne l'aurait voulu.

Les larmes lui montèrent encore une fois aux yeux, et un gémissement de frustration sortit de la bouche de Sateen. Elle se leva brusquement de son lit, enfila un sweat à capuche par-dessus son maillot de foot -qui appartenait à Pierre-, chaussa ses baskets et sortit en silence de l'appartement.

Marcher dans les rues de Londres était devenu un bon remède pour son anxiété, qui n'avait jamais été aussi présente qu'en ce moment. Chaque jour, elle s'attendait à recevoir un nouvel appel de l'hôpital qui lui annonçera qu'il fallait débrancher Pierre pour de bon, et elle avait fini par en faire des cauchemars, rapidement transformés en insomnies.

Sateen resserra fébrilement sa veste autour d'elle. Il faisait quand même froid, pour un mois de Juin. Les larmes qui dévalaient ses joues et qu'elle s'empressait d'essuyer tous les dix mètres n'aidaient pas. "Tu fais pitié ma fille", se dit-elle en reniflant.

Elle se rendit alors compte, que dans ce sketch dramatique qu'était sa vie, Pierre avait été comme une bouée de sauvetage. Sans cette bouée, Sateen coulait. Et dieu sait ce qui allait avoir le pouvoir de la sauver si Pierre n'était pas là.


YOUR STUPID BLUE EYESOù les histoires vivent. Découvrez maintenant