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Quand vous êtes face à quelque chose que votre cerveau n'est pas en mesure d'appréhender dans son entièreté, vous avez (selon votre humble informateur) deux réactions possibles :
1. chercher tout ce qui peut vous rattacher à ce que vous connaissez, afin de potentiellement rationaliser ce qui se passe ;
2. (la plus plausible dans mon cas...) vous évanouir, de peur de faire surchauffer la machine.Or, là, à l'extérieur, ce à quoi j'assistais me donnait envie de disparaître. La solution 1 était juste hors-concours, et pour cause : le ciel était noir de créatures immenses crachant du feu.
Je vous arrête de suite : non, je ne suis pas stupide au point de les avoir confondues avec les gros jouets en ferraille de l'armée. Croyez-moi si vous voulez : j'avais sous les yeux des dragons. Comme ceux dans Game Of Thrones, ouais! En chair et en os, en train de flinguer le campus, leurs battements d'ailes attisant les incendies déclenchés dans quasi tous les édifices.
J'imagine que c'est à ce moment-là que j'ai fondu en larmes? Je vous assure que c'était pas le plus agréable des spectacles, autant à jouer qu'à regarder.
Tout en chouinant, je me suis empressé de me mettre à couvert, loin des baies vitrées de l'entrée susceptibles d'exploser à leur tour. Je me suis glissé dans un coin sombre du grand hall, camouflé par une rangée de casiers noyée de sacs lâchement abandonnés, observant tant bien que mal le dehors au milieu des gens hurlant et se bousculant. Le temps d'analyser le contexte avec le peu de raison qui me restait... Un silence interminable s'est créé dans mon esprit.
Un des dragons s'était posé dans la cour située entre le bâtiment où je me trouvais et la bibliothèque universitaire. Son immensité me laissa sans voix – béat d'admiration. Sa masse était telle qu'il faisait voler en éclats les pavés ; sa queue si longue et puissante qu'il en brisait les murs trop proches. Sa cuirasse d'écailles violettes, brillant à la lueur des flammes furieuses qu'il crachait, me rappela la couleur de ces crépuscules au cours desquels les premières étoiles teintent le ciel de nuances bleutées.
Jusque-là, je m'étais imaginé ces bestioles, sombres et déformées par la rage de consumer ceux qui osaient se présenter devant elles. Même si celle-ci semblait effectivement bien décidée à tout cramer, elle n'en restait pas moins étonnamment magnifique et gracieuse. À chaque mouvement, ses grandes cornes blanches en spirales luisaient de reflets nacrés, comme si elles étaient sculptées dans deux immenses coquillages. Ses yeux reptiliens, aussi gros que ma tête, étaient d'un mauve profond, tirant davantage sur l'indigo que le rose.
C'est là que j'ai songé à me pincer une première fois (il faudra qu'on fasse le point sur ce réflexe débile, d'ailleurs) afin de vérifier si je rêvais : il était capable de moduler l'expression de son énorme crâne, déclenchant de ce fait dans le mien un début de compréhension.
Il était désespéré. Les orbites profondes abritant ses yeux se crispaient de telle sorte, sa gueule formait un tel rictus, que le doute n'était... simplement pas permis.
J'étais sous le choc. Bien sûr, en tant que végétarien et militant de longue date, j'avais déjà conscience que les autres animaux endurent également la douleur et la peur... Mais là, c'était autre chose. Cet écailleux, en admettant qu'il soit issu de mon imagination dérangée (chose que je m'efforçais encore de croire), éprouvait une émotion suffisamment forte pour qu'elle déforme son visage... Qu'elle le pousse à détruire sans état d'âme ce qui l'entourait.
Malgré mon effroi, j'ai ressenti une profonde empathie envers cette bête majestueuse.
J'étais toujours fixé sur elle quand je me suis aperçu que le flot de personnes coincées dans l'entrée se précipitait de nouveau à l'intérieur. J'étais tellement étonné que je n'ai rien dit, même si ce n'était pas l'envie de les engueuler qui me manquait : retourner s'enfermer dans un lieu ravagé par les flammes en tournant le dos à la sortie? Bien joué, les gars!
Cependant, je n'étais pas mieux loti qu'eux ni plus ingénieux, au final. J'étais peut-être le seul dans le hall, prêt à foncer, mais il y avait quand même un dragon en face de moi, armé d'un feu suffisamment puissant pour faire fondre ce qu'il touchait.
J'admets que j'ai déjà connu des ambiances plus sympas.
J'étais en train de céder à la panique : mon pouls s'emballait, ma gorge se serrait, mon ventre se tordait et, par-dessus le marché, je transpirais comme si j'avais participé à un foutu triathlon. Il ne me fallut que quelques secondes avant de taper une crise de larmes monumentale, qui me donna certainement l'air glamour d'un morveux de six ans lamentablement échoué au sol.
Je ne vais pas vous mentir : mon cerveau venait de se mettre en mode off, et je perdais peu à peu tout espoir de survivre.
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Shinmahō ✧ 信魔法 || 𝑆ℎ𝑖𝑛𝐾𝑎𝑚𝑖
Fanfiction// 𝐄𝐍 𝐂𝐎𝐔𝐑𝐒 // « Ceux qui ne croient en rien sont voués à disparaître. » Denki Kaminari, étudiant blasé parmi tant d'autres, ne croit qu'en ce qu'il voit. Magie, créatures fantastiques ou livres enchantés : tout ça, il s'en moque allègrement...