𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝟒 : 𝐹𝑎𝑡𝑎𝑙𝑖𝑡𝑒́

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« C'est une blague? »

Les mots étaient sortis d'eux-mêmes, franchissant la barrière bancale de mes lèvres sans que j'en sois réellement l'initiateur.

« Tu te moques de moi, c'est ça? »

Un courage à la fois inédit et stupide me donna suffisamment de force pour confronter ce foutu violet. Cependant, d'emblée, un avertissement tacite me stoppa, m'incitant vivement à ne pas lui faire de mal. Je sus d'instinct que la moindre blessure occasionnée resurgirait sur mon propre corps et, bien sûr, je plongeai dans une colère noire.

Un réflexe sain et mature, comme à mon habitude.

« Explique-toi. Maintenant. » grognai-je sans baisser les yeux malgré sa taille supérieure.

Ses pupilles reptiliennes, en plus de confirmer qu'il s'agissait bien du dragon observé plus tôt, me fusillèrent. Ses sourcils se froncèrent en prime, signe évident de son mécontentement.

« Calme-toi. » m'ordonna-t-il.

À nouveau, sa voix me fit frissonner. Mais, qu'est-ce que j'en avais à foutre?

« Je t'emmerde. » le rembarrai-je en m'approchant.

« Tu as conscience que je pourrais te tuer en un claquement de doigts, n'est-ce pas? » grogna-t-il en laissant dépasser ses longues canines.

« Tu le feras pas. Si je meurs, tu meurs. »

J'étais sûr de moi. Rien ni personne n'aurait pu me dévier de cette certitude absolue.

« Tu te sens con, hein? » poursuivis-je. « Tu viens pour buter les humains, mais tu te retrouves lié par une... magie à la con à l'un d'eux. »

« Hitoshi? » l'interpella Kyoka. « Tu es uni à lui? »

Je me détournai de lui et la confrontai à son tour. Pourquoi? Aucune idée. J'en avais juste marre de cette journée moisie, si vous réclamez mon analyse.

« Qu'est-ce qu'elle nous veut, la méchante sorcière de l'Ouest? » lui balançai-je.

« Ferme-la, blondinet! » intervint Eijiro en me menaçant du poing. « Tu parles beaucoup trop! »

« Oh, voilà qu'il se la joue boxeur professionnel! Tu sais te débrouiller sans ta baguette magique, Weasley? »

« Je t'en prie, tais-toi. » souffla alors le lézard à mon oreille. « Tu risques non seulement ta peau, mais aussi la mienne. »

« J'hallucine! » s'exclama l'autre femme du quatuor en partant dans un fou rire terrifiant. « L'héritier du trône draconique, uni à un mortel! »

« Pas la peine d'en rajouter, Himiko. » l'interrompit le dernier membre en la faisant reculer. « C'est indépendant de sa volonté, tu le sais très bien. »

« Eh, pas la peine de te la jouer médiateur, le corbeau... » râla-t-elle sans pour autant insister.

J'ignore toujours d'où provient la haine monstrueuse qui s'est répandue en moi à cet instant. Je ne songeais même pas au nombre colossal de victimes, qui n'avait sans doute pas cessé d'augmenter entretemps, ni au fait que mon existence venait d'être réduite à celle de Hitoshi.

Non, j'imagine que c'est plutôt le renversement de tous mes principes, de mes croyances rationnelles et de mon système de pensée, qui m'a fait péter un câble aussi... fort.

« Je vous déteste. » assénai-je soudain.

Je me tendis à un tel point que mes ongles entrèrent dans ma peau, occasionnant une douleur intense en prime dans mes phalanges. Tandis que de nouvelles larmes coulaient sur mes joues déjà barbouillées de sel, une violence verbale qui m'était jusqu'alors inconnue se déversa sur ma langue.

« Je vous déteste!! » hurlé-je.

J'accordai mon attention au mauve derrière moi et, dans un élan libérateur, le giflai sans retenue.

« Surtout toi, connard! Comment t'as pu m'infliger ça? Ça te suffisait pas de cramer mon monde, il fallait en plus que tu me prennes en otage? »

Les cendres qui virevoltaient partout me piquaient atrocement les yeux.

« Vous êtes des putains de dégénérés, d'accord? T'as intérêt à annuler cette merde avant que je trouve un moyen de te faire bouffer tes écailles une par une! »

La seconde gifle résonna encore plus, provoquant des hoquets choqués chez les rougeâtres. Si je m'étais écouté, je leur en aurais aussi collé une chacun. (Pas de jaloux, OK?)

Puis, brusquement, la dure réalité m'a rattrapé : mes joues se sont mises à cuire, me renvoyant l'exacte douleur éprouvée par Hitoshi. Celui-ci n'ajouta rien, se contenta de détailler le désespoir qui fleurissait progressivement sur mon visage. Je pris toute la démesure de ce qui m'arrivait.

Moi, Denki Kaminari, étudiant paumé de dix-neuf ans, je me retrouvais lié à l'une de ces créatures fantastiques auxquelles j'avais toujours catégoriquement refusé de croire. Les rumeurs, les contes, les légendes... Rien à battre, seuls les faits comptaient! Aucun savant, quel qu'il soit, n'avait pu prouver leur véracité.

C'était tellement injuste, tellement dingue, que je m'effondrai à genoux sur le carrelage fissuré du hall. Mon quotidien ennuyeux, mon manque d'ambition, mes erreurs passées? Je les aurais endossés multipliés par dix juste pour que ces conneries disparaissent!

« On doit l'emmener. » annonça le dragon d'un ton neutre.

« I-il t'a frappé... » constata bêtement Kyoka.

« Peu importe. »

Il glissa ses paumes sous mes bras, m'obligeant à me relever. Il se saisit ensuite de mon menton de ses doigts chauds et, avec cette même expression désespérée que sous sa forme initiale, il murmura :

« Je suis désolé. À partir d'aujourd'hui, tu n'es plus libre. »


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Shinmahō ✧ 信魔法 || 𝑆ℎ𝑖𝑛𝐾𝑎𝑚𝑖Où les histoires vivent. Découvrez maintenant