𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝟑 : 𝑃𝑟𝑜𝑑𝑖𝑔𝑒

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Entre deux sanglots humiliants, je remarquai alors ce qui avait poussé les autres à courir dans le sens opposé : quatre individus s'avançant, entourés de flammes définissant leurs silhouettes en contre-jour. Pas de quoi effrayer une foule d'étudiants, pas vrai?

Eh ben, laissez-moi vous dire que leur dégaine aurait suffi à faire déguerpir Dwayne Johnson en personne.

Déjà, leurs fringues étaient... peu communes. Ils étaient affublés de hauts chapeaux aux bords larges et au bout pointu, semblables à ceux qu'affectionnent les sorcières moches des contes de fées. Sur le coup, j'ai eu envie de me marrer (j'ai parfois de légères tendances suicidaires), mais... en détaillant le reste de leur attirail, elle m'a quitté aussi vite qu'elle était arrivée.

De lourdes robes noires à capuches et manches longues, ouvertes sur le devant, les recouvraient entièrement. Ils portaient dessous un ensemble rouge, foncé comme ce bon vieux sang cliché hollywoodien, composé d'un pantalon basique et d'un pull à col roulé d'une teinte similaire.

Puis, la chantilly sur le gâteau : leurs visages.

Des tatouages s'étendaient du bas de leurs joues au haut de leurs tempes, marquant leurs traits d'une encre assez noire pour faire frémir d'horreur mon traditionaliste de père. J'étais alors trop loin pour en discerner précisément les motifs, mais je peux néanmoins vous assurer que l'effet était déjà saisissant de mon point de vue.

Ils avançaient d'un pas décidé, dans une formation parfaite. Tout comme le dragon violet qui s'était mystérieusement évaporé à leur arrivée, ils étaient d'une grâce indéniable, bénéficiant sans doute d'une fluidité de mouvement interdite aux mortels. Je me surpris à les admirer, oubliant quelques secondes ma peur dévorante de crever ici et maintenant, brûlé vif par une créature n'étant même pas censée exister.

Lorsqu'ils furent assez près, je pus enfin les entendre.

« Ces imbéciles sont tous partis se terrer. » marmonnait l'un d'eux.

« C'est ce qu'on voulait, ça tombe bien! » jubila sa voisine.

« Mais comment peut-on être sûrs qu'ils n'ont pas une autre sortie quelque part? » releva le troisième.

« Les écailleux sont sur le coup, Eijiro. » le rassura la dernière. « Tu peux être certain qu'ils ne laisseront aucune de ces vermines s'échapper. »

J'étais si terrifié que mon cerveau défectueux m'offrit en arrière-plan une diffusion expresse de ma vie, agrémentée d'éternels choix douteux et d'échecs.

Un grand moment.

Puis, renforçant encore mon angoisse, l'une des Mangemorts s'est tournée pile dans ma direction, arrêtant quasiment mon cœur. Je me fis le plus petit possible, priant tous les dieux potentiels sur lesquels j'avais craché jusque-là de m'aider à sortir de cette mauvaise passe... De me laisser une chance de faire quelque chose de ma vie. (J'étais même prêt à accepter l'éventualité d'une calvitie précoce, c'est dire!)

« J'entends une respiration. » déclara-t-elle.

Je n'apercevais pas encore ses yeux, occupé que j'étais à tenter de calmer mon souffle de bœuf retraité.

« Tu as dû rêver, Kyoka. » la taquina l'un de ses camarades – Eijiro.

« Non, je suis sûre d'avoir entendu quelque chose. »

« Laisse tomber, on a déjà suffisamment de pièces à vérifier comme ça sans que tu–... »

« Vu le sérieux de votre inspection, je doute que vous soyez débordés. »

Cette voix...

Je vous jure que je n'abuse pas en disant qu'elle a éveillé quelque chose en moi. Une part de mon être, dont je n'avais encore jamais eu conscience. Je fis volte-face, la présence de son propriétaire nettement discernable à côté de moi, dans le coin sombre m'ayant dissimulé jusque-là.

Moi qui pensais que mon état ne pouvait pas être pire, je me trompais lourdement.

Ce fut comme si tout ce qui se trouvait autour venait de disparaître, ne laissant rien d'autre que... moi. Et lui. Pas de lumière divine, pas de chanson, pas d'angelots. Juste nous, au beau milieu de nulle part, perdus dans l'immensité d'un prodige qui nous dépassait.

Ses yeux étaient d'un mauve incroyable, aussi intense que celui que j'avais aperçu dans les prunelles du dragon. Ses cheveux, d'un indigo étonnant, semblaient embrasés de l'intérieur, parés de reflets évoquant une nébuleuse. Son expression laissait transparaître son état de choc, sans doute semblable au mien, entrouvrant ses lèvres sur une interrogation silencieuse.

Il était d'une perfection sans pareil, inhumaine. Il n'était pas de mon espèce, c'était impossible. Il était dans le camp des méchants, ceux en train de détruire mon université, qui massacraient mes congénères et parlaient d'eux comme de "vermines".

Je compris en quelques secondes que ce qui venait de nous arriver allait à l'encontre de toutes les règles élémentaires régissant nos mondes respectifs. Aussi, j'avais beau être lié à lui par ce phénomène inexplicable, je savais que celui-ci ne pourrait m'apporter que des emmerdes.


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J'ai un peu de mal à être régulière en ce moment, je suis désolée... 🥺

Shinmahō ✧ 信魔法 || 𝑆ℎ𝑖𝑛𝐾𝑎𝑚𝑖Où les histoires vivent. Découvrez maintenant