°•°•🩵Chapitre deux💙•°•°

66 9 22
                                    

Samedi matin

Donc c'est ça l'enfer. Enfin, c'est l'idée que je m'en fais vu l'image qui se trouve devant mes yeux. Et, qu'on se le dise, c'est pas franchement joli joli.

Des files interminables de voitures arrêtées, moteur coupé, en train d'attendre de pouvoir embarquer. Ils abusent de nous faire venir si tôt. C'est comme si on te dit que tu as rendez-vous à dix heures mais qu'on t'oblige à arriver avec quarante minutes d'avance.
Enfin non j'exagère pas mal.

Je suis sur ma moto, dans une des files, des véhicules de part et d'autre de mon corps. Je transpire sous ma lourde veste et ma peau s'accroche à mes gants au niveau de mes doigts. J'ai beau avoir l'impression que mon épiderme est imbibé de Carambar extra collant et que mes membres sont partis en RTT dans un sauna, j'adore cette sensation.
Lorsque je suis sur ma moto, je me sens plus libre que l'air. Cette expression est peut-être démodée, dénuée de sens pour certains mais pour moi, elle représente tout ce que je recherche depuis presque toujours. Je ne pense pas que ceux qui n'ont pas d'échappatoire à une vie aussi minable que la mienne puissent comprendre ce que je ressens. Je ne traite pas mon véhicule comme un animal de compagnie, un membre de famille ou un ami. J'en prends soin car c'est MA moto. Je la retape, je l'astique.
Un ami à moi possède un garage dont il me permet de faire l'usage afin de faire toutes les réparations quand cela est nécessaire.

Je tourne brièvement la tête. Une jeune femme, peut-être même plus juvénile que moi m'indique qu'elle file prendre. Il est cinq heures quarante six du matin et les lumières du port m'éblouissent. On dirait que des guirlandes de néons ronds ont été accrochées de part et d'autre du paquebot.

Avançait à, à peine quelques kilomètres heures, je coupe le moteur. Quitte à être enfermé dans ces files un moment, autant ne pas crever de chaud. Une femme brune avec une frange, plutôt élancée dans sa tunique bariolée et un homme aux cheveux tellement clairs que je ne parviens pas à distinguer s'il est blond ou vieux passent à côté de moi.
Lost de Linkin Park résonne dans une radio quelque part non loin de ma moto. Je tourne de nouveau la tête. Des voitures bleues, noires, kaki, de travail, avec ou sans coffres de toit ou remorques en tout genre, Volkvagen, Honda, Mercedes, Renault, remplies d'enfants ou non, de couples ou de personnes solitaires, m'entourent.

Là sur ma moto, je les vois tous ces gens. Et la scène qui se déroule devant moi, elle me plaît. Ceux qui sortent de leurs véhicules.
Les taties courageuses qui ouvrent un coffre bondé de bagages pour chercher un bien perdu de leurs nièces ou neveux chéris. Les cousins qui jouent ensemble à l'arrière de la voiture avec des Playmobils rangés la veille. Des couples de parents qui discutent avec d'autres couples de parents, dehors, les hommes appuyés au capot pour faire style. Les ados qui restent collés à leurs géniteurs, trop timides pour oser faire quelques pas ou, au contraire, ceux qui se connaissent depuis cinq secondes et se checkent déjà en s'échangeant des Insta. Je vois les grands frères qui fouillent des sacs de nourriture pour donner le petit déjeuner, ou des Lays 3D pour ceux qui l'ont oublié dans le coffre, à leurs cadets et les grandes sœurs, avec leur capacité incroyable à retrouver un doudou en moins de deux sur une banquette arrière jonchée de jouets. Sans oublier ces incroyables femmes que sont les mamans, marchant courageusement entre les voitures la main d'une petite fille dans les leurs, un garçon encore plus petit dans les bras. Elles se tiennent droites, une expression déterminée sur leurs visages fatigués mais néanmoins souriant à leurs enfants.

Our summer ʸᵉᵒⁿᵍʸᵘOù les histoires vivent. Découvrez maintenant