Chapitre 9

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-Mademoiselle Uemura? Tout va bien? 

Cette voix, celle de Naomi Tanizaki, l'extirpa en sursaut de ses pensées tumultueuses, tandis qu'un frisson courait le long de sa colonne vertébrale et que son esprit fonctionnait à plein régime.

Elle s'en voulait de ne pas avoir réalisé plus tôt ; il était évident, désormais, que Dazai Osamu avait jadis été un membre influent de la Mafia Portuaire, et qu'une raison, quelle qu'elle soit, l'avait poussé à s'en départir.

Elle ne pouvait pas totalement exclure la possibilité qu'il avait intégré l'Agence en tant qu'espion pour le compte de Mori Ougai, mais elle était persuadée que cette éventualité était erronée. Dans tous les cas, il restait un ancien mafieux, l'un de ceux qui l'avaient emprisonnée, en prenant au passage une ville tout entière en otage.

Elle devait rester rationnelle. Si Dazai Osamu semblait si peu enclin à dévoiler son ancienne profession, c'était sûrement par envie de prendre un nouveau départ. Elle devait, dans tous les cas, agir avec précaution, et surtout rester prudente.

Ne pas accorder sa confiance au premier venu, se rappela-t-elle une fois de plus, tandis qu'elle se levait gracieusement de son siège.

-Je vais bien, ne vous inquiétez pas ; mais je me suis souvenue avoir laissé Aiko sans double des clés de notre appartement. Je vais devoir m'éclipser avant qu'elle ne doive revenir ici pour, très certainement, me faire des remontrances en bonne et due forme.

Elle savait qu'Aiko ne serait jamais suffisamment à l'aise pour ne serait-ce qu'élever la voix envers elle. Mais ses désormais collègues n'avaient pas à le savoir ; aussi, elle profita de cette petite excuse montée de toutes pièces, avec une fluidité naturelle, pour s'esquiver de cette situation particulièrement tendue. Les seuls détectives qui auraient pu la démasquer étaient Edogawa Ranpo ainsi que Dazai Osamu, mais ils s'abstinrent de dire quoi que ce soit sur le sujet, fort heureusement.

Profitant du fait que Yosano Akiko s'était levée pour la laisser passer, Yui remercia ses camarades ainsi que le patron de l'établissement, plaçant quelques pièces sur le comptoir afin de payer sa consommation.

Sa canne en main, Yui s'engouffra ainsi par la porte de sortie, tenant son chapeau de l'autre main afin qu'il ne s'envole pas à cause des bouffées d'air chaud qui balayaient les rues de temps à autres.

Elle comprenait à présent pourquoi Albert semblait vouloir fuir Dazai Osamu comme la peste. Quoi de plus normal, après tout? Si elle en croyait ses déductions, Camus avait sans nul doute vu sa liberté lui être dérobée par nul autre que l'ancien membre de la Mafia aujourd'hui reconverti en détective. Elle pouvait avancer cette hypothèse en considérant, également, le pouvoir d'annulation de Dazai Osamu ; étant immunisé au pouvoir d'Albert, le capturer avait dû être bien plus simple qu'en faisant appel à quelqu'un d'autre.

Ses chaussures claquant légèrement sur le trottoir, Yui se dirigea d'un pas résolu dans la direction de son appartement provisoire, assommée à la fois par la chaleur qui s'était de nouveau abattue sur Yokohama mais également par la nouvelle qu'elle venait d'apprendre.

Elle ne savait même pas pourquoi elle était aussi déçue qu'elle l'était actuellement ; Dazai Osamu ne lui devait rien, et il était maître de cette existence qui était la sienne, peut-être au grand désarroi du concerné lui-même.

L'ancienne appartenance de Dazai Osamu à cette organisation de l'ombre la faisait constamment repenser à ce que la Mafia lui avait fait subir, juste dans le but de mettre la main sur son pouvoir et sur l'entreprise de sa famille adoptive. Mais elle ne devait pas aller trop vite dans sa réflexion.

Il fallait qu'elle obtienne le fin mot de cette histoire d'elle-même, en prenant le temps de considérer le moindre élément à sa disposition. Comme elle l'avait toujours fait.

Bungou Stray Dogs x OC // Alter Ego (Tome II)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant