Eagle Mountain Academy Tome 1 : Cry Little Bird

Chapitre 8 : une histoire de prédateur

La réaction de la boursière lorsqu'elle nous aperçoit est assez amusante pour chasser la douleur qui élance mon poignet. Alors que nous nous installons à la place que nous occupions hier, je l'observe jeter un coup d'œil légèrement paniqué en direction de ses collègues derrière le comptoir. À défaut de parvenir à capter leur attention, elle se dirige vers ce dernier à grande-enjambée et se plante face à la nana au cheveux rouges qui doit être un peu plus âgée que nous.

Puisque le bar est relativement vide et la musique basse, je parviens à capter quelques bribes de la conversation.

— C'est toi qui t'occupe de la salle habituellement, gronde Kaia.

— On échange si tu veux ! Tu dérouilles du genou, tu boites à ma place et en échange je m'occupe du peu de personne en salle.

Le petit oiseau ronchonne comme le ferait un enfant en plein caprice, si bien que je suis étonné de ne pas la voir taper des pieds en prime. Je ne parviens pas à entendre le reste de la discussion, mais la serveuse nous jette un regard sombre qui m'arrache un sourire. En guise de provocation, je lève la main et agite mes doigts. Comprenant qu'elle a été vue, elle se tourne de nouveau vers Kaia et articule des paroles qui semblent motiver cette dernière. J'observe son port de tête ainsi que son dos se redresser alors que ses épaules se carrent. Une seconde plus tard, elle nous fait derechef face et avance dans notre direction.

— Pense au PC pour ton frère, gueule sa collègue.

La boursière ne prend ni la peine de lui répondre ni de l'observer. Son pas est lent, mais enclin au courage. J'aimerais dire qu'elle est laide mais ce serait un mensonge. De sa queue de cheval se dégage, sans doute volontairement, deux mèches d'un brun profond encadrant son visage et mettant en valeur sa peau lumineuse. Ses traits sont délicats bien que tirés par la rancœur, avec des pommettes légèrement saillantes. Cependant, ce qui attire le plus le regard, ce sont ses yeux verts émeraude, étincelants tels des joyaux précieux. Ils reflètent à la fois une colère envoûtante et une faiblesse intéressante. Ils sont aussi francs que fuyants. Audacieux qu'hésitants.

Ma génitrice m'a toujours dit qu'on apprenait beaucoup d'une démarche. Toutefois, j'imagine celle de la boursière mensongère, à l'instar des paroles qu'elle a dû prononcer pour intégrer Eagle Mountain. Chacun de ses pas est empreint de confiance avec une touche de grâce. Sa silhouette élancée, avec des courbes subtiles, attirent discrètement l'attention. Sa posture est impeccable, sans la moindre imperfection, comme si elle s'était entraînée des années pour ce jour. Sa tête est haute, avec une allure fière. Ses épaules sont légèrement rejetées en arrière, soulignant sa prétendue confiance en elle qu'il me tarde de détruire.

Le balancement harmonieux de ses hanches ajoute une touche de sensualité à sa façon de se mouvoir. Ses jambes nues sont longues et galbées, le tout lui conférant une allure élégante et athlétique.

Quand elle arrive enfin devant nous, elle ne prend même pas la peine de me jeter le moindre coup d'œil, cherchant immédiatement le regard d'Easton, comme si ce dernier était mille fois meilleur que moi. Ou bien qu'elle avait mille fois moins peur de lui. Ce comportement me fait légèrement sourire, une seconde seulement. S'il y a bien une chose que je déteste plus que tout au monde, c'est d'être ignoré. Rien n'est plus frustrant que de passer inaperçu, comme si je n'avais aucune importance. Cette sensation d'être relégué au second plan, de ne pas être pris en compte, je la connais que trop bien et j'ai toutes les raisons du monde de l'abhorrer. J'ai une soif insatiable de reconnaissance, certainement pour justifier ma valeur et mon existence même.