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OMNISCIENT

La nuit est déjà tombée sur la ville pourtant, il ne fait pas si tard que ça. L'Automne commençait doucement à laisser sa place à l'Hiver, silencieusement, sans omettre qu'il était pourtant celui qui s'accordait parfaitement aux ondes pesantes de cette population. Mais l'hiver est successible, il peut être parfois violent et impulsif, alors sans le provoquer, elle lui accorde sa place et souhaite bon courage aux habitants déjà bien trop éprouvés.

Au milieu de la ville, seul ce bâtiment refusait de s'éteindre ne serait-ce qu'une heure. Ici, les âmes faibles s'y retrouvent enfermées avec l'espoir d'un jour s'en aller et ce, sans jamais avoir à y remettre les pieds. Le personnel est fatigué, pour ne pas dire épuisé, le soir, c'était tout de même plus calme qu'en matinée mais comme chaque personne, leurs envies ne se résumaient qu'à retirer leur blouse et rentrer chez eux afin de plonger dans un sommeil profond.

Au milieu de ce monde, l'un était allongé dans son lit d'hôpital depuis un temps bien trop long. L'état stable, les proches aussi peu soient-ils, pleuraient secrètement leur désespoir face à son réveil.

Chariot en main, l'infirmière habituelle rentre dans la chambre du patient où raisonnait faiblement les "bip" de la machine cardiaque.

Ici, l'atmosphère n'avait rien de semblable au reste de l'hôpital. Depuis que Kemine habitait ce lit, elle se sentait mal à chaque fois qu'elle traversait le bas de la porte. Des frissons parcouraient son corps et une boule au ventre venait directement s'installer lorsqu'elle sentait l'odeur de Isaiha envahir ses poumons.

Ce garçon qui avait laissé son empreinte à force de passer le clair de son temps ici.

Parfois, elle croisait également la mère et la petite sœur du propriétaire de la chambre. Ce qui rendait son cœur plus lourd, remarquant qu'elles avaient l'air de mieux tenir que ce garçon au visage épuisé qui lui parlait avec une familiarité comme s'il l'avait accepté comme faisant partie des siens.

Une sensation d'appartenance qu'elle détestait, ne supportant pas l'idée d'avoir un quelconque lien avec l'un des patients. Elle refusait être l'espoir d'un des proches des personnes aux bords de la mort...

Refusant de supporter leurs peines.

Mais Isaiha ne lui avait pas vraiment laissé le choix... Il l'avait accepté, qu'elle le veuille ou non.

Iris- Bonsoir Kemine...

Elle n'attend pas de réponse, sans vraiment jeter un regard sur le corps allongé dans la même position depuis plusieurs semaines, elle soupire intérieurement en se baissant légèrement afin de récupérer des gants stériles.

Isaiha n'est pas venu depuis plusieurs jours, seules sa mère ainsi que sa petites sœur lui ont rendu visite. Une absence qu'elle ressentait au point d'en être touchée. Isaiha n'avait lui aussi pas l'air stable, elle savait qu'il pouvait lui aussi finir dans le même lit que Kemine à tout instant. Alors même si sa présence lui était lourde, elle avait cette angoisse qui lui murmurait qu'il valait mieux le voir ici, en face du lit de Kemine que de ne pas le voir tout court.

Calmement, dans un bruit de mort, elle commence ses tâches de façon mécanique bien trop habituée à répéter les mêmes gestes durant ses longues journées de travail.

Iris- Voila...

Elle retire ses gants, dépose son regard au niveau du visage de Kemine, là où même plongé dans un coma, une colère immense s'y dégageait. Elle ne le connaissait pas, n'a jamais entendu sa voix, son rire ou même aperçu une expression sur son visage. Mais elle pouvait voir que l'homme allongé en face d'elle, n'avait pas fini de vivre. Il avait encore tant de chose à exprimer... Une haine qui lui était inconnue se devait de se faire entendre.

CaméléonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant