Chapitre 9 : Noirceur et douceur

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- Mais qu'est-ce qu'il vous faut de plus pour comprendre que la situation va devenir critique ? s'énerva Lavio.

Incapable de rester à une place fixe, mon chevalier faisait les cent pas autour de la table où étaient assis les membres de l'estimé Conseil d'Hylia. Pendant ce temps, je repassais en boucle les évènements de ces dernières semaines.

Après l'apparition des monstres dans le Marais des Anges, mon garde du corps et moi avions filé en direction du château pour avertir l'assemblée avec qui nous étions à l'instant réunis. Mais ils n'avaient rien voulu entendre : tant qu'il n'y avait pas atteinte à leur petite personne, cela ne les concernaient en rien. Seuls Huvora et le Duc Escampe avaient compris le danger qui nous menaçait tous. Malheureusement, la jeune femme avait préféré revenir auprès des siennes dès qu'elle avait appris la nouvelle, et je la comprenais : moi aussi je voulais protéger mon peuple.

Les jours suivants, l'arrivée de créatures démoniaques venues d'on ne savait où s'était manifesté aux quatre coins de Lorule. Qui étaient-elles ? Que nous voulaient-elles ? Le mystère demeurait complet. Pour l'instant, ces étranges troupes s'étaient placés stratégiquement à plusieurs endroits de la carte, mais évitaient du mieux qu'ils pouvaient les civiles et les voyageurs. (Ce qui n'était pas très compliqué, car aucun être normalement constitué n'irait attaquer seul une patrouille de monstres.)

De mon côté, la démarche à suivre m'apparaissait très clairement : il fallait de ce pas mettre à l'abri la population, puis surveiller de près ces régiments - sans rien tenter qui pourraient les mettre en rogne -, et enfin, une fois que tous nos propres soldats seraient prêt au combat, les éliminer meute par meute. À mes yeux, il n'y avait aucune hésitation possible : ces étranges animaux étaient démoniaques, le doute n'était pas permis.

J'avais éveillé mes sens lorsque nous nous étions retrouvés face à eux, Lavio et moi, et j'avais nettement ressenti toute la noirceur de leur être. Ils étaient pourris jusqu'aux tréfonds de leur âme.

Un des marquis présents autour de la table prit la parole suite à la tirade de mon meilleur ami :

- Écoutez jeune homme, ne nous apprenez pas notre métier, nous dirigeons Lorule depuis des dizaines d'années au côté de feu Sa Majesté. Nous connaissons la marche à suivre. Tant que personne n'est blessé, il n'y a aucune raison de lancer nos pauvres soldats à leurs trousses.

- Non mais vous vous entendez ? s'exclama Lavio en haussant un peu plus le ton, outré. On vous parle de monstres. De monstres infernaux ! Avez-vous déjà combattu contre de la magie ? Moi oui, et nos soldats sont entraînés pour depuis des lustres. Ne pas agir serait de l'inconscience pure !

- Du calme, ordonna le régent de Lorule.

Malgré sa voix posée, son ton était intransigeant, et le brouhaha cessa aussitôt. Alors que je me massai les tempes pour rester tranquille face à l'incompétence des sujets choisis par mon père, le Duc Escampe se tourna vers ma mine soucieuse :

- Qu'en pensez-vous Votre Altesse ? Vous qui avez vu ces monstres de près, avez-vous une idée de ce que nous devrions faire ? m'interrogea-t-il.

À l'intonation de sa question, je devinai sans peine qu'il s'agissait là d'un énième exercice de prise de parole. Je m'autorisai quelques secondes de réflexion avant de me lancer. D'une voix claire et forte, je récitai :

- Je suis entièrement de l'avis de Lavio, commençai-je avant d'être aussitôt coupée.

- Donc, vous suggérez d'envoyer nos troupes à la mort ? rétorqua sèchement un des nobles les plus anciens.

- Je n'ai pas terminée, répliquai-je froidement, merci de ne plus m'interrompre.

Après avoir gagné haut la main mon duel de regard - avoir des yeux rouges pouvaient être pratique quelques fois -, je repris calmement :

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