XV- L'Ombre

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Salut!

Le second chapitre is there! J'espère qu'il vous plaira!

dans l'épisode précédent : Mika a une gay panic sur une fille dont l'ombre n'est pas tout à fait comme les autres. En effet, celle-ci est orange — ce qui est très malvenu dans un monde où les gens ne sont que des silhouettes grises et ternes et où, bonus point la discrétion est de mise.

XXX

On sonna à la porte à l'aube. Elle s'était endormie la veille sur le canapé, dans l'espoir que sa mère rentre. Elle avait attendu longtemps, avant de s'égarer dans ses songes. Le sommeil gagnait toujours contre les enfants.

Takeshi avait vingt ans. Mika en avait huit. Il bâillait tandis qu'il se dirigeait vers l'entrée. Elle s'étira ; un sentiment de soulagement envahit sa poitrine. Leur mère avait oublié ses clés, comme elle le faisait parfois. Ces derniers temps, elle était agitée. Mika le voyait bien, mais ne disait rien. Elle avait compris qu'il ne fallait pas en parler. Son frère faisait quelques réflexions grinçantes, mais ça n'allait jamais plus loin — lui aussi savait, au fond.

Les histoires se faisaient rares et lorsqu'elles étaient murmurées tard le soir, elles étaient plus confuses qu'avant. Sa mère ne disait plus rien du passé, mais narrait un avenir nébuleux de mauvais augure. Mika pensait qu'elle s'essayait à quelque chose de nouveau, lasse de toujours dépeindre la même chose.

Peut-être est-elle devenue comme le reste, avait songé Mika. La foule l'a avalée et la mélancolie n'a fait qu'une bouchée de son cœur.

Les rues n'étaient pas encore bondées, mais quand elles le seront, le même silence demeurera. Les vendeurs du marché non loin de chez eux ne crieront pas pour alpaguer les clients. Ils attendront, appuyés sur leur comptoir en soupirant. Les élèves iront en classe, la tête baissée, l'esprit vide ou trop égaré dans des soliloques inaudibles.

Mika était à genoux sur le canapé, le dos droit et les oreilles tendues vers le corridor. Elle entendit la serrure cliqueter. Elle avait hâte d'enlacer sa mère — ça aussi, ça s'estompait. Personne ne vint. Des voix résonnèrent : un homme et une femme. Le soulagement se dissipa.

— Elle a encore fait quelque chose, c'est ça ? demanda son frère avec agacement.

Sa mère qui rentrait tard, sa silhouette qui tanguait et ses phrases risibles, parfois douloureuses. Takeshi qui à défaut de pouvoir passer une main dans ses cheveux, chuchotait des mots pour l'apaiser.

— Pourriez-vous nous laisser entrer ? Il faut que nous discutions avec vous et votre sœur, si elle est là.

Cela ne sonnait pas comme une proposition. La porte grinça alors que Takeshi se dégageait pour qu'ils puissent passer. Mika eut un mouvement de recul à leur vue.

— Vous êtes qui ? les questionna-t-elle, méfiante.

Ils prirent place en face d'elle. Son frère resta adossé contre le mur du couloir, pas tout à fait dans le salon. L'homme et la femme étaient debout, le port très droit. Ils ressemblaient à des statues. Leurs silhouettes laissaient percevoir leur allure athlétique.

— Des policiers, répondit la femme d'un ton impassible.

— Que s'est-il passé ? Elle a encore merdé, pas vrai ? intervint son frère en croisant les bras.

Mika détestait que Takeshi parle de la sorte. Ça lui donnait l'impression que leur mère était une étrangère.

— Madame Yamaka est décédée, déclara le policier.

Il annonça cela comme s'il remarquait qu'il allait pleuvoir aujourd'hui — comme tous les jours depuis des siècles.

Elle les dévisagea sans comprendre. Ce qu'ils racontaient ne voulait rien dire. Une mère est éternelle. Elle crut entendre la femme réprimander son coéquipier sur sa manière de procéder.

L'Épopée du seuilOù les histoires vivent. Découvrez maintenant