Chapitre 14

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Je baissai les yeux, je regardai ce chat endormi sur mes genoux. Je le savais. Je l'avais toujours su. J'étais fuyante et peu fiable. Distante, sur mes gardes, toujours en attente du pire. Tout l'inverse de l'homme que j'aimais.


— C'est peut-être pour ça que j'ai peur, peut-être que je sais que je ne vais pas tenir la distance.

— Dany, vous vous aimez, ça va marcher, tu verras.

— Vous vous aimiez aussi, maman et toi.


Je vis son visage changer, ses expressions discrètes révélaient que repenser à ma mère le blessait.


— On s'aimait oui, on s'aimait beaucoup.

— Et tu es parti.

— Et je l'aime toujours, avoua-t-il.

— Papa.

— Tu sais, je ne suis pas quelqu'un de méchant, je ne voulais pas lui faire mal exprès. Je suis juste... un trouillard. J'ai manqué de courage.


Il s'était adossé contre le dossier du canapé, les mains jointes sur ses cuisses, il regardait dans le vide. Je remarquai ce qui avait changé depuis la dernière fois, ses cheveux devenaient gris, les rides étaient plus marquées, il avait l'air fatigué.


— Je n'ai pas d'explication, Dany, tu sais, je voudrais donner du sens à tout ça et t'aider, te rassurer. Mais je suis parti parce que ça devenait trop grand.

— Trop grand ?

— Oui, trop grand. J'aimais ta mère, puis toi et ta sœur. Et je voulais être un bon mari et un bon père. Mais je savais à peine m'occuper de moi alors...


C'était ça, c'était exactement ça.


— Tu t'en sortais bien, pourtant, quand tu le voulais, dis-je comme pour le pardonner.

— Tu ne sais pas tout, ma chérie, je n'ai pas été un bon mari, je n'ai pas été...

— Fidèle, dis-je pour finir sa phrase et lui faire comprendre que j'étais au courant.


Il secoua la tête en rigolant, gêné.


— OK, alors peut-être que tu sais tout.

— Je sais pas pourquoi c'est à toi que je ressemble et pas à maman.


Il se pencha vers moi, il attrapa ma main.


— Parce que tu es ma fille, parce que je t'ai quittée aussi et que je t'ai brisé le cœur à l'âge où une enfant décide si elle va faire confiance à la vie ou pas. Parce que je ne me suis jamais excusé d'être parti en te laissant croire que ça ressemblait à ça, d'aimer.


Je pleurai encore, je ne savais plus rien faire d'autre je crois.


— Ce n'est pas ça, aimer, j'espère que tu le sais. Ça ne veut pas dire avoir mal, ça ne veut pas dire avoir peur. Dany, aimer, c'est facile, c'est savoir qui tu es et où tu vas, c'est ne même pas te poser la question de savoir si tu fais confiance à l'autre ou non. Tu le fais c'est tout, c'est évident.

— Je croirais entendre Noah, dis-je en souriant gentiment.


J'avais toujours peur.

J'avais toujours des doutes.

Mais je voulais rentrer chez moi et retrouver Noah. Car je n'étais pas mon père ni ma mère. Et lui n'était aucun des deux non plus. Noah savait me parler, il savait m'écouter et me comprendre. Il remplissait chaque vide que j'avais creusé. Et je devais faire l'effort d'être aussi parfaite pour lui qu'il l'était pour moi. Rien ne semblait plus insurmontable quand je m'imaginais le faire avec lui.

Avant de partir, je promis à mon père de revenir, je promis à mon papa qu'il ferait partie de ma vie, de celle de la famille que j'espérais construire.

Même pas en rêve #2 (à nouveau disponible) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant