Chapitre 12

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Noah rentrait aujourd'hui. Et, plus l'heure se rapprochait, plus j'angoissais. Je ne trouverais jamais le courage de lui dire ce qui nous attendait.

J'avais quitté Louise après des heures à discuter de tout et de rien en faisant semblant que j'allais bien. Je m'en voulais de ne pas être capable de parler à ma meilleure amie. Et puis, j'avais pris rendez-vous pour confirmer le résultat des tests de grossesse. Sans surprise, la conclusion était la même. Là, au creux de mon ventre, se lovait un petit grain de riz qui allait devenir un bébé. Ma gynécologue m'avait expliqué en image qu'il était encore tout petit, qu'il ressemblait à une crevette de deux millimètres. Je trouvais que sur la photo le fœtus ressemblait plus à un mini T-Rex enroulé sur lui-même. J'avais rigolé, nerveusement, j'avais pleuré aussi. Je regrettais d'avoir fait ça toute seule alors qu'il y avait toutes ces personnes aimantes autour de moi, à commencer par Noah.

Surtout que je savais ce que les mensonges et les non-dits pouvaient faire, ou défaire...


*

Je repensais à ma mère, au jour où elle avait su qu'elle attendait Sacha. J'avais 11 ans et je n'ignorais rien de sa relation avec mon père. Elle avait d'abord eu besoin de s'asseoir et puis elle avait souri. Puis pleuré. Puis souri encore. Je m'étais assise à côté d'elle pendant qu'elle appelait papa. Je me souviens d'avoir essayé d'imaginer notre vie avec le futur bébé. Et, même si la logique voulait que mon père fasse partie du tableau, je ne l'avais pas inclus. Comme si je savais su, comme si j'avais toujours su.

Il était rentré aussitôt.

Appuyé contre le plan de travail de la cuisine, dans notre ancienne maison, il n'avait pas trouvé les mots. Le visage fermé, comme toujours, incapable de laisser entrevoir l'ombre d'une émotion.


Dis quelque chose, l'avait supplié maman, au bord des larmes.


J'étais dans le couloir, j'écoutais en douce. Je voulais être là quand il lui briserait le cœur.


Je sais pas ce que tu veux entendre.

Ce que tu penses, ce que tu ressens. Est-ce que t'es heureux ?

Oui, évidemment, j'aime Dany plus que tout au monde, j'aimerai cet enfant aussi.


Il y avait eu un long silence. Il avait su dire qu'il m'aimait parce qu'il pensait que je n'étais pas là pour l'entendre. Autrement, je crois qu'il n'aurait même pas réagi, même pas dit un mot malgré le regard suppliant de sa femme.


Et moi, tu m'aimes ?


Il avait bougé, je devinais qu'il avait croisé les bras sur sa poitrine. Comme s'il plaçait un bouclier devant lui. Et il n'avait jamais répondu. L'incapacité à avouer ses sentiments était apparemment héréditaire...

Maman avait abandonné, elle était partie dans sa chambre. Et moi, de loin, j'avais regardé mon père et j'avais compris.

Il fallait que je me détache maintenant, parce que je savais qu'il partirait plus tard. Il était déjà distant, comme préparé à fuir. Il avait un baluchon imaginaire constamment posé sur son épaule. Papa n'était jamais complètement là, jamais complètement ailleurs.

J'avais appris, ce jour-là, une leçon que je n'oublierais jamais.

*


L'adolescente que j'étais s'était accrochée à cette idée, garder ses distances et ne rien risquer pour ne rien perdre. Mais l'adulte que j'étais devenue avait tout à perdre maintenant. Alors, j'avais peut-être besoin d'une nouvelle leçon ?

J'attrapai mon téléphone pour appeler mon père, après des années de silence. Il décrocha dès la première sonnerie. Je devinai qu'il était en train de conduire.


— Danielle ? s'étonna-t-il.

— Salut, papa.

— Tu m'appelles vraiment, c'est pas une erreur ?

— Je sais pas si c'est une erreur, mais oui, je t'appelle vraiment.


*


Assise dans ma voiture devant son immeuble, j'étais là depuis trente bonnes minutes, sans bouger. J'avais emmené les tests de grossesse dans mon sac pour que Noah ne tombe pas dessus s'il rentrait avant moi. Et je ne savais pas si je devais monter ou repartir. Je fixais ces petits bâtonnets comme s'ils allaient tout à coup afficher un message du style : « Fausse alerte, c'était une blague ! LOL ! »

Et en même temps, j'espérais, je crois, que ces deux barres ne s'effacent jamais. Peut-être qu'elles réveillaient une envie enfouie aux tréfonds de mon être, une envie à laquelle je ne m'étais jamais autorisée à penser ? Peut-être que ces deux petits traits inséparables nous représentaient, Noah et moi ? Peut-être que c'était justement pour ça que je réagissais aussi bizarrement ? J'avais eu peur que ça ne m'arrive jamais et maintenant j'avais peur que ça ne se passe pas comme je l'avais rêvé ?

Même si c'était le bon mec, est-ce que c'était le bon moment ? Est-ce que moi, j'étais la bonne ?

Alors que je cogitais toujours, un SMS arriva.


Noah : « T'es où ? Je suis rentré <3 »


J'avais le souffle coupé. La boule au ventre. Ma peur écrasait tout, m'empêchant de ressentir quoi que ce soit d'autre.

Je décidais de laisser mon téléphone dans la voiture avant de descendre. 

Même pas en rêve #2 (à nouveau disponible) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant