On s'entendait sur presque tout, même quand on n'était pas d'accord sur un truc. On avait passé tellement de temps à se battre pour jouer qu'on ne savait plus faire autrement.
Mais je me sentais tout le temps comme cette gamine, celle qui s'était endormie dans ses bras il y a plus de dix ans. Pourtant, lui, il vivait sa vie d'adulte à fond. Et quel adulte !
Alors que j'avais décidé de ne pas renouveler mon contrat et de quitter mon ancien travail parce que j'avais le projet un peu flou de créer une boutique en ligne pour vendre mes créations numériques, mes peintures, mes dessins et tout ce que j'étais capable de créer avec un crayon, Noah m'avait soutenue sans douter. Il avait promis de m'aider à me faire un magnifique site internet dès que je serais prête à me lancer. Et je m'étais retrouvée du jour au lendemain sans emploi, avec le vide devant moi. Et mon éternel boulet du quotidien, mon angoisse, qui n'était jamais bien loin.
Je le regardais partir tous les matins, dans un jean foncé et une chemise blanche, sa sacoche sur l'épaule, comme un grand, pendant que je mangeais mes céréales dans un bol Hello Kitty. Il déposait toujours un baiser sur mon front, de plus en plus bref à mesure que les jours passaient, et il partait pour ne rentrer que le soir, après 19 heures la plupart du temps.
S'il n'avait pas été mon Noah, le garçon joueur qui me faisait toujours rire, je me serais sentie comme une enfant qui voit son père aller travailler.
Ma vie avait changé si vite, mais pas moi. Et parfois ça me faisait peur.
Et puis il me regardait.
Il me souriait.
Il me touchait.
Et tout était à sa place.
Ce matin-là, je ne traînai pas devant mon bol de céréales. On se retrouva dans la salle de bains, chacun devant une vasque, à se préparer en même temps. Et, alors que je me brossais les dents, je le vis sourire en me regardant dans le miroir.
— Quoi ? dis-je, amusée.
Je voyais dans ses yeux qu'il avait envie de me dire quelque chose.
— Rien, répondit-il alors que les coins de ses lèvres touchaient presque ses oreilles.
— Qu'est-ce qui te fais sourire comme ça ?
— Toi. Ici. Avec moi.
Je pris le temps de me rincer la bouche avant de lui faire face pour lui rendre son sourire, les joues brûlantes.
— Vous êtes trop chou, monsieur Pisse-Partout.
— C'est que je me sens bien , madame Chicot.
— Mademoiselle, repris-je avec une voix guindée. Nous ne sommes pas mariés.
— Attention, tu pourrais me donner des idées.
Il me fit un clin d'œil avant de quitter la pièce et je me fixai dans le miroir, un peu troublée. Il plaisantait, il plaisantait forcément ! J'avais l'habitude qu'il rigole de tout, on le faisait tout le temps. Mais alors pourquoi...
Pourquoi j'avais la trouille tout à coup ?
Quelques minutes après, il revint dans la salle de bains, habillé et prêt à partir. J'étais toujours face au miroir, j'avais eu le temps de me faire des milliers de films dans ma tête. Noah passa son bras autour de ma taille et m'embrassa sur la joue.
— À ce soir, j'essaye de rentrer tôt.
— OK, dis-je, un peu distraite.
— Tu vois Louise aujourd'hui ?
— Oui, on mange ensemble à midi.
— On peut peut-être aller au resto tous les quatre ce soir ?
— Je te tiens au courant dans la journée, dis-je en l'accompagnant jusqu'à la porte.
Puis, une fois seule dans notre appartement, je sentis que la petite boule d'angoisse était toujours là, au creux de mon ventre. C'était insensé. J'étais là où je voulais. Avec l'homme de ma vie. Dans un appartement génial, qu'il payait seul parce que j'avais à peine les moyens de m'acheter une paire de chaussures.
C'était ma peur qui parlait, elle finissait mes phrases, elle me faisait douter.
C'était logique : on sort ensemble, on s'installe, et parfois on se marie. Mais je ne pouvais pas m'empêcher de me dire que je n'étais pas ce genre de fille. J'avais déjà du mal à m'engager sur douze mois pour un forfait de téléphone. Alors la vie entière ?
Et, alors que ma trouille applaudissait le drama naissant et gigantesque que j'étais en train de fabriquer de toutes pièces à partir d'une simple blague, mon cœur décida de participer au débat.
Il ne s'agissait pas de savoir si je le voulais pour la vie. Il s'agissait de savoir si j'avais l'intention de passer chacun des jours qu'il me restait à vivre avec Noah.
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Même pas en rêve #2 (à nouveau disponible)
RomanceAnciennement édité chez Édition BMR, à nouveau disponible gratuitement en intégralité. Après des années à se courir après et à se chamailler comme des enfants, Dany et Noah entament une toute nouvelle relation. Finis le yo-yo, les oui et non, le cha...