Concessions lunaires

Chapitre premier

Elle continuait sa route, bousculant les danseurs chevronnés sur son passage, personne ne semblait lui prêter attention. Son capuchon couvrait son visage ainsi que ses nombreux tatouages prophétiques. Ils auraient sûrement attiré l'attention.

Son allure était saccadée, sa respiration également. Sol l'avait fait sommée très tard dans la journée, sans doute en avait-il eu assez d'écouter les discours incessants et les blablas que l'on débitait à la cour. Ou peut-être leurs ébats habituels peu ordinaires lui manquaient à un point où son absence lui était devenue impensable.

Tout compte fait, la vie à la cour ne devait point être si attrayante que ça.

Sol devait la retrouver dans une vieille et jolie auberge. De vieux alcooliques y faisaient généralement la fête jusqu'au petit matin, ce qui était de mise lorsque l'on célébrait la lune.

Los marchait vite cette fois-ci, sa capuche avait peine à contenir l'entièreté de ses cheveux qui semblaient vouloir à tout prix s'en échapper.

Elle enterra son sourire niais et commença à marcher avec désinvolture afin de mieux se fondre dans le dédale.
Lorsqu'elle eut enfin atteint le miteux établissement elle laissa échapper un bref soupir avant de s'enfoncer parmi les fêtards.

L'auberge était grande et plutôt bien meublée. Des guirlandes en forme de lunes ornaient le plafond ainsi que des plantes grimpantes dont elle ne connaissait pas le nom.
Ces décorations mettaient parfaitement en valeur la jolie charpente en bois qui soutenait la construction.

Cet établissement lui rappelait la vieille boutique apothicaire dans laquelle elle avait grandi, sans la grande bibliothèque malgré tout. Cette antiquité était ce qu'elle chérissait le plus depuis qu'elle avait grandi.
Cependant, lorsqu'elle était plus jeune, elle n'y voyait que le micmac de potions et bouquins que son père entreposait et dont l'accès lui était refusé.

Elle avait désiré garder la vieille antiquité lorsque son père mourut.
Malgré tout, avec la quantité de dettes dont il avait écopé, elle et sa sœur Lai avaient été contraintes de la vendre. Une fortune cela dit.

Malheureusement, la bibliothèque n'eut pas suffit pour s'acquitter des dépenses extravagantes de leur paternel.

Il était un joueur or pair, le précieux temps qu'il ne passait pas à la boutique ou dans ses bouquins de sorcellerie, il le passait à plumer les imbéciles qui osaient se mesurer à lui dans les tavernes. Quelquefois, il lui arrivait de perdre, souvent contre des tricheur, enfin c'est ce qu'il disait.

Ainsi les jours suivant une diète générale était imposée et les filles ne mangeaient pas à leur faim.

Los pensait à ces disettes, auparavant elle en riait aux éclats, car son père grommelait et traitait sans respect les joueurs d'abrutis sans cervelle.

Il s'agissait d'ailleurs de la première insulte qu'elle ait apprise.

Elle resta un moment au dans l'entrée, elle cherchait Sol. Il avait été le seul homme qu'elle n'ait jamais désiré, il était beau et fort, athlétique, et surtout un beau charmeur avec qui elle s'était permise de faire des galipettes très souvent.

Elle l'avait rencontré très jeune, elle avait 8 ans et lui en avait 10, à l'époque elle ne connaissait pas encore son statut et l'avait frappé à la tête lorsqu'elle avait aperçu qu'il se permettait de voler à sa guise sur les étals de nourriture durant le marché de la lune.
Elle avait été par la suite contrainte de s'excuser platement, ce que le prince avait fort apprécié. Elle avait également obtenu une baffe en supplément. Cette dernière s'était pavanée avec son ignoble balafre pendant des semaines, ce qui avait bien entendu fait jubiler le prince.