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(*Koïnobori : Au Japon la coutume veut que les maisons soient ornées de Koïnobori, un mât auquel sont accrochés des manches à air en forme de carpes colorés qui symbolisent les valeurs que les japonais souhaitent inculquées aux enfants.)


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Aujourd'hui c'est le dernier jour de la Golden Week, je suis toujours avec Izuku mais on ne va rien fêter du tout. En principe je ne devrais même pas être là, mon contrat avec la famille Midoriya stipule qu'ils n'ont pas besoin de moi ce jour-là. Je reste parce que j'en ai envie.

Je m'applique à rouler des boules de dango entre mes mains pour aller avec le thé que j'ai préparé lorsqu'Izuku me rejoins en traînant des pieds. Je sais que ce n'est pas ce qu'on mange le jour de la célébration des enfants, mais comme il a l'air complètement déprimé par cette journée je me suis dit qu'on pouvait envoyer la tradition se faire foutre.


- Tomura...


Il se laisse à moitié tomber contre mon dos et m'enserre la taille de ses bras. Je peux sentir sa tête reposer contre mes omoplates. La proximité qui s'est installé entre nous depuis hier me provoque une avalanche de sentiments que j'ai encore du mal à déterminer.
Je souris, ce qui n'arrive quasiment jamais avec moi, et glisse ma main par-dessus les siennes.


- Je sais, je lui réponds, sur un ton doux très inhabituel, j'arrive...


Il ne me lâche pas. Je termine de rouler les dango puis je nous emmène, mon parasite et moi, jusqu'au salon. On s'installe sur l'immense canapé, noyés dans toujours plus de luxe, et je lance notre film.


- J'ai essayé de mourir une fois.


Je tourne la tête. La désinvolture avec laquelle il vient de se confier me fascine. Tout est toujours simple avec lui. Imperméable à ce genre de confidences, je reste impassible et me contente de lui demander :


- Pourquoi ?

- Etre humain ce n'est pas facile, répond-il en soupirant. Pas toujours en tout cas. Moi je suis né ici, homme et avantagé. Contrairement à toi on m'a presque tout donné. Dans le principe, je n'avais plus qu'à vivre... et pourtant je n'avais pas cette impression. J'ai beaucoup déçu mes parents. J'ai fait de mon mieux mais c'était pas suffisant, je suis pas ce qu'ils espéraient. J'aurais dû être plus fort, plus courageux, plus imposant, plus impitoyable encore que mon père. Quand j'ai compris que j'étais tout l'inverse j'ai commencé à me sentir coincé, alors j'ai arrêté de feindre et ils n'ont plus jamais accroché un seul Koïnobori* à la résidence le jour de la célébration des enfants. On m'a reproché d'être faible. Un bon successeur n'aurait jamais dû apprendre à pleurer, ni même à sourire ou à se montrer généreux et bienveillant. Moi, je voulais juste qu'on m'accepte comme ça... Je voulais des amis aussi, beaucoup d'amis. Des gens avec qui je me sentirais bien. Mais je n'ai jamais créé aucun lien et je n'ai jamais compris pourquoi. Personne ne me voit jamais. On m'approche, on glisse sur moi quelques temps pour prendre ce que j'ai à donner mais on ne creuse pas plus loin. Et si je m'attarde auprès de quelqu'un je finis toujours par le rendre mal à l'aise. Je suis jamais comme il faut mais je ne peux pas être quelqu'un d'autre. J'avance automatiquement dans un monde qui me dépasse, en décalage constant avec les autres quels qu'ils soient et d'où qu'ils viennent. Parfois, je me sens vraiment seul...

- Seulement parfois ?

- Tout le temps. Mais c'est différent depuis que tu es là, et rien que pour ça je suis content de m'être loupé ce jour-là. Merci de m'avoir laissé pleurer hier soir.


Il me sourit tristement et me prend la main. Je laisse faire, les yeux rivés sur lui, et me rend compte que j'avais les poings serrés de colère. Il a pleuré pour moi la veille, aujourd'hui je me révolte pour lui.

A côté des autres, nous - OS découpéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant