Vendredi. Réveillé en sursaut par l'horrible bouquant qui provient du rez-de-chaussée, la faible lumière du soleil qui filtre à travers ma fenêtre, je grogne, soupir d'agacement.
Je déteste cette période de l'année. Tous les nouveaux étudiants débarquent, leurs yeux remplis de rêves et d'espoir, comme si entrer à l'université allait rendre leur pathétique petite vie plus palpitante, allait les faire devenir de meilleures personnes.
Ma première année, j'ai tout fait pour intégrer cette fraternité remplit de fils à papa qui claquent leur argent de poche dans l'organisation de soirée plus démentes les unes des autres, avant de supplier leurs parents de leur en donner encore un peu plus.
Heureusement, en seulement trois mois, Mason, qui devient officiellement notre président cette année, m'a pris sous son aile et je n'ai jamais eu besoin de faire d'effort pour gagner le respect des autres membres. Leurs regards de travers quand j'ai franchi la porte pour la première fois ont vite été balayés lorsque Mason leur a fait comprendre que je devenais intouchable, mon tempérament froid et impassible à finit de les convaincre qu'il était préférable de ne pas se mettre en travers de mon chemin.
Grâce à lui, je n'ai jamais eu à faire les corvées, on m'a aussitôt attribué une chambre, normalement réservée aux deuxièmes années. Évidemment, je me suis attiré les foudres de certains, mais personne n'a osé s'en plaindre ouvertement. Avec le temps, j'ai tout de même réussi à en apprécier quelques-uns, très peu en réalité, quand la plupart mériteraient que je les remette à leur place pour qu'ils redescendent sur terre.
Les gens comme moi font des conneries pour se sortir de la rue, pour survivre. Eux le font pour prouver au monde qu'ils existent, qu'il y a autre chose derrière leur nom de famille et la fortune de leurs parents. Et finalement, nous ne sommes pas si différents. Nous portons tous un masque pour parfaire notre image et noyons notre mal-être dans les soirées, l'alcool et les nanas torride qui franchissent le pas de la porte de cette foutue fraternité, rêve que l'un de nous les entrainent dans un coin sombre.
Pour ma deuxième année, installé confortablement sur le canapé en cuir brun du petit salon, j'ai observé les nouveaux arrivants, leurs grands yeux émerveillés, remplis d'espoir et de rêve. Et cette année, je m'attends déjà au pire. Dans quelques heures, cette maison Kappa Alpha Oméga, va se remplir de lèche-bottes qui supplieront pour en faire partie ainsi que de petites pétasses qui ne rêverons que d'une chose : s'enticher de l'un de nos membres pour asseoir leur nouvelle popularité. J'ai vraiment hâte d'y être !
Je repousse ma couette, sors lentement de mon lit, réveillé par le bordel de mes autres « frères » qui déménagent les meubles et rangent la maison pour accueillir cette nouvelle fournée d'étudiants en mal de sensation.
Assis sur le bord de mon ridicule lit une place collé contre le mur dans toute sa longue, je me frotte le visage pour effacer les dernières traces de sommeil et récupère mon paquet de clopes et mon briquet sur ma table de nuit en bois noir que les années n'ont pas épargné. Je me contorsionne quelques peu pour tirer d'un coup sec sur l'épais rideau noir et plisse les yeux, râle du soleil qui m'éblouit. J'ouvre ma fenêtre au-dessus de mon lit pour laisser entrer une imperceptible brise avant de me rallonger, une main derrière la tête. J'allume ma clope, tire dessus avec plaisir, puis recrache lentement la fumée qui se déverse dans ma chambre avant d'être happée vers l'extérieur.
La pièce est dépourvue de chaleur et de décoration, possède pour seuls agencements mon lit, ma table de nuit, un bureau collé contre le mur près de la porte, en face de moi, un placard qui me serre de dressing et petit meuble à tiroir où trône une minuscule télé dont je ne me serre absolument jamais. Les meubles sont en bois noire, contrastent nettement avec mes murs blancs ternis par le temps quand le parquet relativement claire. Mais ici, je me sens bien.
Je profite pleinement de ces quelques minutes de répit, observe les volutes de ma fumée qui s'écrasent sur le plafond, s'échappent par la fenêtre, avant de plonger dans toute cette agitation, même si je n'ai pas l'intention d'aider en quoi que ce soit. Les gars le savent et n'essaient même plus de me demander de l'aide. Au moins, je suis tranquille.
— Ouvre cette putain de porte ! hurle-ton contre celle-ci avant d'y tambouriner violemment.
Et oui, hier, avant d'aller me coucher, j'ai pensé à la fermer à clé pour une fois, un imperceptible sourire satisfait se dessine sur mon visage.
— C'est bon, laisse-moi cinq minutes ! je gueule par-dessus tout ce raffut.
— Ouvre, bordel !
À contrecœur, je me lève avec ma clope pincée entre mes lèvres et actionne le verrou avant de retourner m'asseoir sur le bord de mon lit. Mason entre à la volée, la claque derrière lui, non sans faire trembler les murs fins, comme d'habitude. Je me demande même comment cette foutue porte est encore debout, depuis le temps.
— Tu ne vas pas les aider ? je lui demande, tire une nouvelle taffe sur ma clope.
— Les avantages de la présidence ! déclare-t-il avec un large sourire et un air hautain.
Il tire la chaise de mon bureau qu'il pose devant moi dans un désagréable raclement contre le parquet, s'assoit face au dossier, arrache la clope bloquée entre mes lèvres sans rien me demander, et fume quelques taffes dessus avant de me la tendre de nouveau.
— On a des choses à faire, tu te souviens ? En plus, ce soir, c'est la fête et nous devons nous réapprovisionner. déclare Mason avec un sourire malicieux aux coins des lèvres, je souffle.
— Laisse-moi au moins le temps de prendre une douche. Il est quelle heure ?
Je regarder mon portable posé sur ma table de nuit. Midi, il est déjà midi et j'arrive à peine à émerger de la nuit précédente. Mason se redresse et me jette un petit sachet d'herbe que je rattrape sans mal d'une main, le balance dans mon tiroir de table de nuit que je referme sans délicatesse.
— Petit rappel, il est interdit de fumer dans les chambres ! déclare-t-il avec désinvolture, se dirige vers la sortie, repart comme il est venu.
Il ricane, fier de lui, puis se retourne pour me faire face, avec un petit sourire malicieux. Je ne manque pas de lui tendre mon majeur sous le nez avant qu'il claque de nouveau la porte derrière lui, me plonge dans un agréable silence.
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1. Et après ça, se relever.
RomantikCarter entre à l'université de Cleveland avec un objectif clairement établi et pour lequel il s'est entrainé pendant une année complète. Pendant deux ans, il joue parfaitement son rôle, même s'il a déjà commencé à franchir certaines limites en se li...