Chapitre - 7

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"GAÏA !"

Ce cri retentit dans toute la maison et me sort de mes innombrables pensées, le relève la tête de mon bureau, me retrouvant face à mon miroir, mes cheveux roux sont tous ébouriffé dans mon reflet. Je sais que si je ne descends pas immédiatement, ce cri pourrait se répéter une deuxième fois, puis une troisième fois. Je me lève précipitamment et descends les escaliers deux par deux tout en veillant à ne pas louper une marche. Lorsque j'aperçois enfin ma mère, elle est en train de prendre une grande inspiration pour hurler mon nom une seconde fois.

"Je t'en supplie, ne crie pas à nouveau, je suis là !

- Encore plus rêveuse que ton père, tu ne réponds qu'au bout de la quatrième fois !

- Tu avais besoin de lui téléphoner, je te rappelle, à partir du moment où il entrait dans sa cabane, plus rien n'existait, c'est comme si le temps avait été mis en suspens !

- Mais lorsqu'il était dans la maison, deux fois simplement suffisait."

Elle me regarde avec un air de défi, mais je ne tenterai pas ma chance, je ne gagne pas souvent à ce jeu-là, elle finit par me tendre un tablier, que j'attrape. Je regarde les aliments que nous avons sur le plan de travail, j'aperçois des légumes, légèrement bleuté, il est rare que nous mangions ce genre d'aliments qui sont souvent trop cher et très rarement livré près de chez nous.

"Je ne me souvenais pas qu'il nous restait quelques légumes, ils n'ont pas l'air d'avoir trop bougé depuis le temps qu'ils sont là.

- Ils ont tellement muté que je reste étonné qu'ils soient même encore mangeables. Je me souviens de l'époque où ils abordaient une jolie couleur verte, lorsque ma mère nous préparait des plats... Quoi qu'il en soit, je suis contente de pouvoir en manger aujourd'hui.

- Cela change des rationnements, je commençais à en avoir marre de toujours manger des graines.

- C'est vrai que cela faisait assez longtemps."

Ma mère continue de découper les légumes dans le silence, elle sourit tristement, elle n'aime pas être seule dans cette grande maison, alors même si je ne lui suis pas vraiment utile à ce moment présent, je reste quand même avec elle, mais lorsque nous vivons tous les jours sous le même toit, nous finissons par n'avoir plus rien à nous dire.

"As-tu regardé les infos du gouvernement aujourd'hui ?

- Non, je ne supporte pas d'entendre les mêmes choses, je prends une voix de journaliste, aujourd'hui nous recensons encore 200 nouvelles morts aujourd'hui, ne sortez pas de chez vous et prenez soin de vos proches, si vous êtes malade, rendez-vous immédiatement dans les centres de derniers soins, bonne journée et à demain !

- Ce n'est pas toujours ça, et puis aujourd'hui, ils ont parlé d'une application que le gouvernement a mise en place !

- Pour dénoncer les malades ?

- Pour trouver un partenaire adéquat !

- C'est-à-dire ?

- C'est-à-dire que tu entres ton profil, tu te décris, tu remplis un questionnaire et il te trouve la meilleure personne qui te conviendrait, cela permet d'éviter que les couples s'entretuent.

- Où se contaminent délibérément !

- C'est une super nouvelle pour toi !

- Pour moi ?

- Oui, tu pourrais te trouver un compagnon !"

Un compagnon ? C'est bien la dernière personne dont j'ai besoin, je n'ai jamais vraiment côtoyé les hommes, sauf mon père, je ne me suis jamais posé la question d'avoir un compagnon, et de procréer encore moins.

"Tu devrais t'inscrire !
- Je ne suis pas sûre, cela ne m'intéresse pas !
- C'est ce que tu penses, mais tu as 22 ans et tu finiras par te sentir seule à un moment ou un autre !
- Je ne me sens pas seule, je préfère être seule en fait, je peux vivre comme je l'entends, personne ne me dicte comment je dois vivre et ce que je dois faire et cela me conviens bien. En plus, je vis déjà avec toi !"

Là, je sais que je viens de mettre les pieds sur un terrain dangereux.

"Encore une fois Gaïa, on ne sait pas ce qu'il peut se passer, j'ai connu la misère, la destruction, j'ai vécu dans la pollution toute ma vie, je ne sais pas si je ne vais pas tomber malade et mourir dans quelques années, et puis nous ne sommes pas à l'abri d'attraper la maladie de Sivirilus, qu'est-ce que tu vas devenir si je meurs ?"

J'ai horreur que nous arrivions à cette conversation, mais comme à chaque fois, elle se sent obligée de me rappeler, que, elle aussi peut mourir.

"Je n'ai pas envie de vivre avec un inconnu, je n'ai pas envie de vivre dans cette espèce de "mariage" qui n'existe pas, je n'ai pas envie de faire des enfants que je ne saurais pas élever, parce que je ne suis pas une bonne mère, ni même une bonne épouse, je ne veux pas penser que tu puisses mourir parce que ce n'est pas le cas aujourd'hui, je ne suis pas prête à cela, et je ne le serais peut-être jamais, mais ça ne m'empêchera pas de vivre ma vie. Si jamais tu viens à mourir, alors je vivrai seule, à mon rythme, il n'y aura que moi."

Elle n'aime pas entendre non plus ce discours, je pense qu'elle s'imagine que je peux lui donner un enfant, qu'elle serait grand-mère et que cela serait comme une renaissance, mais je trouve ça égoïste, parce que je ne suis pas prête, mais aussi parce que je ne vois pas l'intérêt d'élever un enfant dans un monde qui aujourd'hui n'a plus aucun espoir. Cet enfant vivra toute sa vie enfermé dans une maison, sans connaître l'extérieur, pour qu'à son tour, je lui dise qu'il sera plus heureux en prenant un mari ou une femme et en faisant un enfant... Pendant combien de temps continuera cette supercherie sans savoir si notre espèce va pouvoir un jour sortir de cette pandémie, ou si simplement nous allons survivre.

Je n'aime pas avec ce genre de discussion avec ma mère, mais je ne suis pas prête à faire ce genre de choses et personne ne pourra me forcer.

Souffle d'espoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant