"Moony"

1.

La tour d'astronomie. Elle était souvent déserte à cette heure de la journée, en ce début de soirée ou les couleurs du ciel tirent vers l'orangé, tandis que le étoiles se lèvent à peine, trop impressionnées par le coucher de soleil. A ce moment précis ou la lune commence à apparaître, suspendant le temps entre jour et nuit, à ce simple instant ou l'on ne distingue plus très bien les rêves de la réalité.

Les cours n'y commençaient que plus tard, et les élèves en quête d'un peu d'air était déjà installés dans leurs salles communes respectives, bien loin des hauteurs et de la brise fraiche qui y régnait. C'était à ce moment précis que Sirius Black venait s'y réfugier, et enfreindre au passage un bon nombre d'articles du règlement.
En effet, le couvre-feu était en général passé. Il délaissait son uniforme au profit de vêtements moldus, protégé du vent par une veste en cuir noir. Puis Il s'allumait une cigarette, s'appuyait à la balustrade de pierre, et contemplait l'immensité qui s'étendait devant lui. Il y avait le parc, bien sur, et le lac. Mais aux terrains de l'école succédait la forêt, puis les plaines, d'autres forêts et encore d'autres lacs, les lumières des villages, ici et là, et tout au fond, à l'horizon, les montagnes dont les sommets déjà blancs paraissaient roses, éclairés par le soleil à la fin de sa course.
Là, le jeune sorcier pouvait enfin respirer. Il se sentait seul, il se sentait libre, il se sentait confiant. Il se sentait lui-même. Il se débarrassait pour un moment de ce masque qu'il revêtait chaque matin depuis... depuis bien trop longtemps pour qu'il ne s'en souvienne. Le gars populaire. Aimé de tous. Le gars qui passe de fille en fille, avec un air désabusé. Le gars qui s'en fout des règles, qui s'en fout des autres, qui ne regarde pas plus en arrière que loin de loin devant. Le gars que tout le monde veut fréquenter, même si au final personne ne sais vraiment qui il est, même si au final tout le monde à un peu peur de lui. Parce qu'il n'est pas comme James. Parce qu'il vient d'une famille crainte par tout le monde, parce qu'il y a cette rage qui apparaît parfois dans ses yeux quand on parle de la grandeur de Serpentard, parce qu'il fume et boit plus que de raison, parce que c'est lui qui est capable de faire rentrer à peu près n'importe quoi sous le nez de Rusard. Le coup du rebelle, ça les éblouit les premiers temps, et sans que tu comprenne pourquoi, il y a une distance que rien ne peut combler. Mais ça, c'est les autres, bien sur. Lui, au fond, il s'en foutait, il avait les Maraudeurs. Même si il avait besoin d'une pause parfois, jamais il ne se serait cru digne de tels amis.
Il y avait James, son meilleur ami, son complice de toujours, qui l'entraînait ou le suivait dans n'importe quelle aventure. Il ne le jugeait pas, il lui faisait confiance, et il serait toujours là.
Il y avait Peter, qui ne le comprenait pas toujours, et ignorait certaines choses, mais qui serait toujours là pour lui prêter une oreille attentive, l'aider à se sortir d'ennuis, le retenir quand il partait en vrille.
Et enfin il avait Remus. Remus, qui semblait réunir toutes ces qualités là. Remus qui était là pour l'épauler, qui le soutenait et qui le croyait, même quand il ne portait pas ce masque qui lui collait à la peau. Qui avait été là quand il avait besoin de pleurer, qui lui donnait toujours des bons conseils, qui le calmait quand il allait trop loin et le tirait vers le haut quand il se sentait au plus bas. Qui le portait jusqu'à son lit, les matins ou il s'endormait à moitié, tellement ivre qu'il ne pouvait plus marcher. Qui n'a pas conscience de sa valeur, alors que sans lui il aurait sauté depuis longtemps de cette p***ain de tour.

Bref. Le soleil se couchait, et bientôt ils allaient se demander ou il était passé. Alors il écrasa son mégot sur le muret, le fit disparaitre d'un coup de baguette magique, et se dirigea à regret vers l'escalier.