"Moony"

6.

Take a look at the lawman...beating up the wrong guy... Oh man... wonder if he'll ever know

- Hey, Sirius ! T'écoutes quoi ?

- Bowie.

- Oh. Laquelle ?

- Is there life on mars.

- Je peux écouter avec toi ?

- Bien sûr. tiens.

Le brun donna un écouteur au loup garou, qui s'assit en face de lui sur le rebord de la fenêtre de la salle commune. Ils étaient genoux contre genoux, et se dévoraient mutuellement du regard. Leurs doutes respectifs étaient bien loin à présent, et le jeune Black trouva bienvenue la fin de la chanson, car il n'aurait sûrement pas pu rester plus longtemps comme ça sans embrasser son ami.
Soudain, ils ne savaient plus où se mettre, et baissaient les yeux d'un air gêné.

- Les gars, actions ou vérité ?!

Sauvés par le gong, ou plutôt par un James qui avait tout vu et qui éprouvait un peu de compassion pour ses deux amis aveugles de leurs sentiments.
Ils s'empressèrent de le rejoindre. Bientôt la majorité de leur année était assise en cercle près de la cheminée. Lily prit la parole la première, et démarra une longue série de gages absurdes et de vérités embarrassantes, jusqu'à ce que la parole arrive à Marlene. Avec un sourire goguenard, elle demanda :

- Sirius, action ou vérité ?

- Vérité.

- Tu as des tatouages ?

- Oui.

- Combien ?

- C'est une seule question il me semble...

Malheureusement, ses amis trop curieux avaient remarqué sa gêne, et se refusèrent à abandonner le sujet. Quelques tours plus tard, c'est Peter qui l'interrogea.

- Alors Patmol ? Combien de tatouages ?

-...deux.

Et un peu plus tard...

- Sorciers ou moldus ? questionna Lily.

Les tatouages de sorciers, à l'instar de toutes leurs images,  pouvaient bouger sur le corps de leur porteur, voir s'estomper selon son humeur.

- Moitié moitié.

Au bout d'un moment, Lily l'interrogea de nouveau. Il avait peur qu'on ne le force à révéler ce qu'il n'avait surtout pas l'intention de révéler, alors il opta pour un choix qui lui parut malin. Pendant environ une seconde.

- Action.

- Montre nous ton tatouage moldu.

Mais qu'il était idiot ! Pourquoi n'y avait il pas pensé !

- Très bien.

Lentement, il ôta sa chemise pour réveler, d'un côté une musculature qui fit bugué l'esprit de Remus un instant, et de l'autre, sur le bas de sa nuque, un petit dessin à l'encre noire. Si l'on s'approchait, on distinguait la forme d'une pleine lune, et, si 'on prêtait vraiment attention, on remarquait juste en dessous ces deux lettres.

- R.J.L ? Pourquoi R.J.L ?

- Attends, ne me dis pas que...

- C'est forcément ça.

Tandis que ses amis dissertait sur la signification de l'acronyme, il enfila calmement son haut, espérant masquer son trouble.

- Pourquoi tu t'es fais tatouer les initiales de Remus ? Et en tatouage moldu ?

Il ne leur devait plus aucune vérité, mais bon, foutu pour foutu...

- Les tatouages moldus sont immuables. Il faut être sûr de soi avant d'en faire un. Etre sûr que c'est ce qu'on veut pour toujours.

En prononçant cette phrase, il avait regardé son ami droit dans les yeux.
Pour lui, cet aveu représentait une véritable déclaration. Remus le savait. Et il savait que Remus le savait.
Il ne se souciait pas de ce que pourraient bien dire les autres, alors il se retira sans plus d'explications dans le dortoir, s'affala sur son lit et ferma les rideaux du baldaquin, prétendant le sommeil. Mais il n'en était rien. Qui pourrait dormir après ça ? Certainement pas lui. Il avait peur de ce qu'il avait lu dans les yeux de celui qu'il aimait. Car oui, il l'aimait. Il en était sur. Il avait toujours su que Remus comptait différemment pour lui, c'était bien pourquoi il s'était fait tatouer ses initiales, mais il n'avait jamais vraiment assimilé ça à de l'amour. Il n'avait jamais assez écouté ses sentiments pour ça.

Et à présent, il souffrait, sachant que le jeune homme ne pourrait jamais l'aimer de la même manière.
Sirius ne pleura pas, il ne pleurait jamais.
Il ne cria pas non plus dans son oreiller, ni n'écrivit de vers torturés dans son journal intime, ou rien de ce genre.
Il avait une manière de souffrir qui lui était propre, acquise au fil des années passées au sein de sa famille. Sa famille biologique du moins. Personne n'aurait pu qualifier la dynastie Black de véritable famille.
Il restait simplement immobile, projetant son esprit loin, dans une autre dimension, absolument déconnectée de la réalité. Un peu comme une forme de méditation extrapolée.
Quand il souffrait, il se contentait de réfléchir à un rythme hallucinant, laissant ses pensées se transformer en ce qu'il appelait un délire éclairé. Il enfouissait tout en lui, avec l'impression que ses organes internes lui étaient arrachées avant de se recomposer en lui, tel Prométhée enchaîné au mont Caucase.
Puissant. Efficace. Dévastateur.
La quantité de douleur qu'il avait accumulée en lui était impressionnante. Il ne l'avait quasiment jamais relâchée. Il lui était arrivé de se mutiler dans son adolescence, mais sans grand intérêt. Il avait déclaré que la scarification était une pratique de lâches, et plus jamais il n'y était revenu.
Seulement, il ne pensait pas avoir jamais ressenti quelque chose de tel.
Plus les heures passaient, plus il se rendait compte que ses sentiments étaient vrais, et plus le rejet lui faisait mal.
A un moment, la souffrance était telle qu'il avait envie d'éclater de rire.
Alors, sans un bruit, il s'empara de son paquet de cigarettes, enfila un jean, un t-shirt, ses docs et sa veste en cuir, et sortit sans plus de cérémonies.