Chapitre 10: Taylor

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L'entretien avec le comité s'est bien passé et j'avoue que le poste me tente beaucoup. J'ai convenu d'un essai même si je n'étais absolument pas partie pour accepter. J'assurerais le remplacement de Mr Heatherbone pendant quelques semaines avant de voir si je poursuis. Il faut dire qu'ils ont su trouver les mots. Je serais plus indépendante qu'à New-York et ils me laissent carte blanche pour monter le programme que je souhaite pour mes élèves. Qui ne rêverait pas d'une telle opportunité ? Je sais que ça ne se représentera pas. Le problème ce n'est pas vraiment le travail et ça je le sais depuis le début.

Sarah a pu m'accompagner lors de mon entrevue et j'en ai profité ensuite pour lui faire visiter la fac et lui faire rencontrer la plupart de mes anciens collègues dont mon mentor. J'ai l'impression de ne jamais avoir quitté la faculté de Chesapeake. L'équipe m'a réservé un accueil chaleureux et s'est empressée de s'assurer que j'allais mieux. Ça a été la partie la plus délicate de cette matinée. L'histoire de mon départ a fait le tour de la ville et personne n'a jamais eu ma version. Le version officielle veut que j'ai été agressée dans une rue par des inconnus. C'est presque comme si je m'étais trouvé au mauvais endroit au mauvais moment. Mais personne n'est dupe. Tout le monde connaissait ma relation avec le sergent des Red Ravens depuis qu'il m'a revendiqué devant toute la ville. Cette agression ce n'était pas un incident qui aurait pu arriver à n'importe quel individu qui rentrait seul. Non. La question leur brulent les lèvres et si je me suis sentie bien accueillie dans un premier temps, je sens désormais tous ces silences qui pèsent sur moi. Ils veulent du sensationnel, du croustillant, de la nouveauté, peut-être même espèrent-ils quelque chose de tragique, d'obscur et de sale. Ca l'est. Mais je ne satisferais pas leur curiosité malsaine. Les Hommes sont ainsi faits, ils ont beau être les plus bienveillants possibles au départ, ils ont ce besoin de savoir et de décortiquer le malheur des autres pour se rassurer de leur propre existence, pas trop non plus au risque que cela devienne contagieux. Je ne suis plus mêlée aux Red Ravens depuis trois ans mais cette partie de l'histoire leur appartient et à moi aussi. Je n'ai aucune envie de m'épancher dessus. J'ai décliné autant que j'ai pu les explications jusqu'à l'heure de mon départ.

-C'est vrai qu'elle est sympa cette fac, commente Sarah pour me sortir de mon mutisme de ces dernières minutes.

Elle envoie son centième texto de la journée pour savoir comment se porte Oliver. Ils n'ont jamais été séparés si longtemps, je vois bien que c'est compliqué pour elle. Je me sens un peu coupable qu'elle se soit sentie obligée de m'accompagner, moi la petite sœur qui n'est pas capable de se ranger et d'apprécier la vie. Je sais que c'est dur pour elle de me voir ainsi et c'est dur pour moi qui en suis consciente. Je lui suis tellement reconnaissante de ne jamais m'avoir lâchée, même dans la tempête, même quand c'était compliqué et éprouvant pour elle aussi.

Je lui ouvre la porte du couloir principal qui mène au perron du bâtiment de l'administration et nous sortons. Je n'ai pas fait deux pas que nous croisons trois autres personnes. Je relève mes yeux rapidement reconnaît Tony qui m'adresse un petit hochement de tête. Il est accompagné d'un autre Red Ravens plus jeune que je ne connaît pas. Puis mon regard vole près de lui sur quelqu'un d'autre que je reconnais aussitôt et je reste muette. Tout l'air a quitté mes poumons. Mon cœur cogne d'un coup très fort contre ma cage thoracique et bientôt j'ai l'impression qu'il chute jusque dans mon ventre.

Il ne m'a pas encore vu ce qui me laisse le temps de le contempler à loisir pendant plusieurs secondes. Il est toujours aussi beau qu'il y a trois ans que ça m'en fait mal. Ses cheveux sont un peu plus longs laissant retomber une mèche rebelle sur son front pourtant cela ne lui donne pas un air négligé bien au contraire. Sa mâchoire bien dessinée se contracte lorsqu'il avise l'heure sur sa montre. J'avais cependant oublié à quel point il était si grand par rapport à moi. Si j'avais besoin d'un rappel quant aux effets qu'il produit sur mon corps, le message est vite passé. Mon rythme cardiaque s'est emballé et j'en viens a appréhender ce qui va se passer ensuite. Il m'a manqué. Affreusement. J'avais fini par me convaincre que ce n'était plus le cas. En fait je m'étais seulement habitué à la sensation.

My Darkest Confessions (2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant