« Merde ! »
Le feu s'était répandu sur la paillasse. Les flammes rouges se propageaient en une trainée incandescente qui auréolait la pièce d'un halo cauchemardesque. Ezarel jeta un regard anxieux à la liasse de papiers vers laquelle rampait le brasier incontrôlable, ses notes si précieuses proches d'être réduites en cendres.
Il tendit la main et sa manche prit feu à son tour. Il recula en jurant copieusement, courut plonger sa main dans le baquet qu'il gardait toujours à proximité de ses expériences, avant de saisir ce dernier à bras le corps. Poussant un énième juron, il le déversa sur son plan de travail.
L'eau éteignit les flammes dans un sifflement aigu de vapeur et la puissance du torrent emporta une partie des récipients qui se brisèrent au sol.
« Merde. Merde ! » s'écria-t-il en s'accroupissant au milieu des débris de verre. Trente pièces d'or négociées pour ces noyaux arcaniques et il n'était pas foutu d'en faire bon usage ! Il baissa les yeux sur son matériel endommagé et sur la flaque d'eau où trempaient misérablement ses notes. Des jours... ! Il lui faudrait des jours pour les retranscrire.
Il brûlait d'envie de hurler quand il entendit une présence derrière lui qui se mouvait discrètement ; un seau fut posé sur les lattes du parquet. Ses yeux fous de colère se tournèrent pour rencontrer le regard rose de Méline. La jeune femme lui adressa un petit sourire placide. Sans dire un mot. Ezarel n'en avait jamais entendu un venu d'elle.
Il souffla bruyamment, fulminant contre son erreur de calcul, et se penchait pour ramasser les tessons mais la main de Méline se posa sur son bras. Ezarel eut beau protester, elle s'obstina à secouer la tête. Il finit par la repousser sans ménagement.
« Oh, et puis fais comme tu veux ! » lâcha-t-il avec humeur, avant de sortir par la porte arrière.
Il se retint de la claquer derrière lui. Une fois à l'extérieur, il inspira profondément. L'air pur eut pour effet immédiat de relaxer ses nerfs. Il porta son regard sur la colline où le soleil de fin d'après–midi jetait ses rayons obliques. Derrière elle plongeait la vallée verdoyante creusée par le fleuve de l'Ystros, émaillée de bosquets de verdure sauvages et de terrains cultivés. Des vergers florissants bordaient les villages aux toits bleus et bruns. Les cieux calmes charriaient des petits nuages effilochés qui laissaient entrevoir dans le lointain les chaînes des monts Sizhe.
Ezarel ferma les yeux et écouta les bruits de cette campagne où rien ne changeait vraiment. Des libellules survolaient l'herbe du jardin ; un oiseau gagnait son nid en battant de l'aile ; l'air vibrait du frôlement du vent et du passage incessant d'une faune minuscule. On entendait les bruits de la nature, apaisants et harmonieux, sur un fond de merveilleux silence. Soudain, un cryslam poussa un bêlement haut et fort. Ezarel rouvrit les paupières : l'animal avait relevé son long cou et le fixait de ses yeux bleus au-dessus du portillon qui fermait le pâturage.
« Eh, comment ça va, petit père ? »
En quelques enjambées, il eut rejoint la créature et flatta le crâne duveteux entre les deux cornes cristallines.
« Toi, tu sais qu'on va bientôt te priver de cette grosse toison de tombeur, hein ? »
Un autre cryslam étendu dans l'herbe renâcla en réponse. Ezarel sourit et posa son menton sur ses bras croisés sur la barricade. La tonte devait avoir lieu au plus vite avant la saison des pluies ou la laine humide attirerait les insectes qui y pondraient leurs œufs par centaines. Il avait déjà perdu deux bêtes ainsi la première année quand il manquait encore d'expérience. Il s'en occuperait la semaine prochaine, quoique... Il tourna ses yeux en direction de la chaumière à la toiture usée. L'eau s'infiltrait déjà par des failles dans le plafond, et de fortes pluies risquaient de tout inonder pour de bon cette fois, compte tenu de sa fichue tendance à tout repousser à plus tard. Sa conscience obstinée refusait d'admettre que ces travaux étaient sa responsabilité, car cette part de lui le pensait encore de passage, mais il fallait bien se rendre à l'évidence depuis tout ce temps : il habitait ici.
VOUS LISEZ
Au nom d'un frère [Erika/Lance - Eldarya A New Era]
FanficSept ans se sont écoulés depuis que la guerre a été livrée sur la plaine d'Eel. Sept ans depuis le triomphe de la Garde et l'entrée d'Eldarya dans une nouvelle ère. Expulsée du Cristal sans raison apparente, Erika est malade de tristesse. Quant à La...