3. regrets

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Dire que Pierre se sentait mal à propos de ce qui s'était passé il y a une semaine serait un euphémisme. Il a refusé toutes les demandes de sortie de ses amis en soirée et il a décidé de se concentrer sur ses études pour se changer les idées - ce qu'il n'a pas marché du tout.

C'est stupide.

Il n'aurait jamais dû accepter l'invitation. C'était enfantin de sa part de vouloir se venger de la sorte, de vouloir donner une leçon à quelqu'un qui jette de l'argent par les fenêtres. Ça ne le regarde même pas ! Il a toujours eu une certaine répugnance pour les gens qui exhibent leur richesse de la sorte et venir à Paris depuis la « campagne » comme les parisiens l'appelaient n'a fait qu'accroître ce sentiment.

Paris est un rêve et un cauchemar. Il savait que s'il voulait réussir et vraiment réussir, alors c'était l'endroit. L'endroit en France où les plus grandes opportunités se créent, la façade même du luxe, où la pauvreté existe entassée dans un coin, balayée à coup de grands monuments, de grands événements et de grandes figures.

Quand il a été reçu à Polytech, ses parents lui ont immédiatement dit d'accepter peu importe les coûts. Mais même avec une bourse tout reste cher. Paris fonctionne de la sorte; c'est une sorte de pari sur son propre futur, un pari de réussite, pour tous ceux qui y arrivent, qui tentent comme lui leur chance aux côtés d'étudiants qui sont le pur produit de l'académie, leurs parents s'étant rencontrés sur le campus.

La ségrégation, la démarcation débute ici avec toutes les autres injustices.

"Pierreeeeeee."

Il relève les yeux de son ordinateur où il a lancé une énième simulation pour un projet à rendre dans une semaine. Max est appuyé dans l'embrasure de sa porte, les bras croisés sur sa poitrine. Des fois, Pierre regrette sincèrement d'avoir choisi la colocation. Les loyers trop chers l'ont fait accepter de partager son logement et ça a été une surprise de trouver un étudiant en prépa comme lui.

"On sort ce soir."

"Quoi ? Non."

"Si, bien sûr que si. Je pose mon véto de meilleur ami et meilleur colocataire pour te dire, sincèrement, on sort ce soir. C'est bon, tu ne vas pas rencontrer ton sugar daddy à chaque coin de rue."

"Il est plus jeune que moi. Urgh, pourquoi je dis ça ? Je n'ai pas envie, Max, s'il te plaît ... et sans vouloir froisser ton égo, tu es le seul coloc que j'ai jamais eu mais définitivement pas mon meilleur ami."

Max mime une expression choquée en se tenant le cœur mais vient s'asseoir à ses côtés ou plutôt se laisse tomber à ses côtés pour prendre compte de ce pourquoi il est tellement concentré. Il essaye de bloquer son écran mais son ami est plus rapide.

"Pierre ! Allez, on est en première année, on vient de réchapper à deux années de stress intense. On sort ce soir. Les gars nous attendent."

Il pose ses lunettes avec un soupir.

"Allez, au pire du pire, je te protégerai du bellâtre mais quand même ! J'ai dû demander à Esteban de me fournir des infos, Esteban !"

Il se sent rougir faiblement, il ne peut pas nier. Si ça n'avait été que lui, il n'en aurait pas parlé du tout. Mais Esteban avait tout vu alors il avait été obligé de se justifier. Et si Esteban était au courant, alors Max l'était de source sûre. Ils ont fait la même classe préparatoire intégrée et ont passé tout leur temps ensemble à réviser, stresser et travailler. Ils en sont sortis très soudés, même si leurs chemins ont divergé quand Esteban a choisi la spécialité mathématiques appliquées et informatique.

"Je ne voulais pas en parler du tout. Lâche-moi la grappe et on sort ce soir."

"Pourquoi est-ce que tu ne tenterais pas le coup ? Avec ce gars je veux dire. Qu'est-ce qu'il a de si mauvais ?"

rich boys do(n't) have heartsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant