Chapitre 5 - Voyage vers l'inconnu

32 3 2
                                    



Si Ominis pensait les rues de Londres bruyantes, l'intérieur de la gare de St-Pancras lui fit très vite réviser son jugement. Une main cramponnée à sa tante et l'autre fermement serrée autour de sa baguette, il s'engouffra avec elle, Marvolo Jr. et Thérésia dans le hall du bâtiment. L'air y était autant chargé de sons que de poussière de charbon, et voyageurs comme travailleurs se frayaient un chemin dans la foule dense, au rythme des coups de sifflets et des jets de vapeur. Même le Chemin de Traverse n'avait pas été aussi fréquenté. Leur petite troupe longea une dizaine de quais, trop longs pour que sa baguette en dessine le bout, séparés par d'immenses murs sur lesquels était posé un toit métallique. Chaque détail, de l'écrou poinçonnant les poutres à la brique composant les murs, se dessinait graduellement dans sa tête à mesure qu'ils approchaient de leur objectif.

Le quai qu'il leur fallait atteindre n'était pas n'importe quel quai, car le Poudlard Express n'était pas n'importe quel train. C'était un train magique, que seuls les apprentis sorciers pouvaient embarquer, à condition de disposer de leur ticket (tous délivrés par hibou messager la veille du voyage). Mais avant d'y monter, il fallait avant tout le trouver, au milieu de cette gare "on ne peut plus" ordinaire.

Évidemment, pour accéder à ce quai secret parmi les quais, rien de plus adapté qu'un passage magique caché, dans ce cas-ci, dans le mur séparant les quais 9 et 10. S'il n'avait pas eu sa baguette, Ominis ne se serait sûrement jamais recroquevillé ni n'aurait retenu son souffle alors que tous autour de lui se ruaient d'un pas assuré droit vers la paroi. Mais il n'y eut aucun impact mais un changement subit d'atmosphère, un peu comme lorsque l'on passe d'une zone d'ombre à la lumière. L'instant d'après, le mur était dans leur dos et devant eux se dressait fièrement une énorme locomotive fumante et sifflante.

Marvolo et Thérésia se hatêrent déjà vers les voitures, trop pressés de retrouver leurs camarades sorciers des précédentes années que de prendre le temps de saluer leur tante, et encore moins leur frère cadet. Il aurait pris congé de leur père dans les formes, mais ce dernier avait mieux à faire de son temps que de venir assister au départ d'un train pour la cinquième fois en cinq ans. Ne voulant brusquer son neveu, Noctua les laissa disparaître dans la foule d'élèves, eux qui n'avaient aucun bagages de taille pour ralentir leur départ précipité. La famille avait pour coutume d'investir dans un service pour les livrer directement à l'école, un luxe que beaucoup ne pouvaient s'offrir.

Noctua n'avait que le ticket de son neveu, une petite valise contenant les premières nécessités (un encas, son manteau et son rechange de son uniforme de sorcier) ainsi qu'un troisième colis qu'Ominis ne sut identifier, mais certain d'avoir entendu son contenu ... hululer.

Il était difficile de percevoir le reste des sons devant la respiration de l'imposante locomotive. Sur le dessus de son énorme cylindre, une cheminée émettait de larges bouffées de vapeur, et à l'avant, sur un écriteau cintré, figurait le nom du train en lettres embossées. Un nom qu'Ominis arrivait à discerner, mais qu'il se surprit surtout à déchiffrer. Était-ce sa baguette qui lui soufflait directement les mots en tête, lui qui n'avait jamais pu voir la moindre écriture ?

Un coup de sifflet retentit depuis le quai, le tirant de sa transe alors que des exclamations empressées surgirent d'entre les briques derrière eux, une famille se ruant hors du passage vers le train en poussant des chariots chargés de valises. Ils disparurent bien vite dans l'attroupement d'élèves devant les premières voitures. Certains trépignaient de monter à bord, se rejoignant en longues files, quand d'autres terminaient de décharger leurs valises avant d'embrasser leurs proches.

Ominis se tourna soudain vers sa tante, frappé par cette réalité qu'il avait tant redouté.

"C'est l'heure." lui fit-elle, un sourire peiné sur les lèvres.

LE SORCIER AVEUGLE - Les disparus du lacOù les histoires vivent. Découvrez maintenant