L'horrible bruit strident de l'alarme fait écho dans mon appartement vide. La main lourde, j'écrase le bouton pour que cesse ce vacarme et rabats mon plaid au-dessus de ma tête. À peine les yeux fermés, mon téléphone, posé sur le comptoir de la cuisine, prend le relais dans un balai de sonneries et de vibrations infernales. Je me maudis intérieurement d'avoir déployé ce petit stratagème, mais je devais être sûre que quelque chose arrive à me sortir du lit, enfin du canapé, sinon j'aurais encore dormi jusqu'à midi.
Agacée, je grimace, balance ma couverture de fortune et mets fin à ce boucan. J'allume dans la foulée ma senseo, laisse couler le premier café d'une longue série. Ma tasse sous le nez, je contemple le père Noël que la chaleur a fait apparaître. Je caresse la céramique pensive puis fais un doigt d'honneur au gros barbu vêtu de rouge qui me sourit. La tendresse et l'émotion que me procurait cet objet sont de l'histoire ancienne, aujourd'hui je suis juste en colère. Voilà deux mois que je suis d'une humeur massacrante, et même si ce ressentiment, je devrais le porter strictement à l'égard de mon futur ex-mari, je hais la planète entière.
Après une brève toilette, je regagne ma voiture au parking et pars en direction de mon chantier. C'est bien l'unique chose qui me fait sortir de chez moi, c'est un énorme effort que j'entreprends, car même là, mon cœur n'y est plus. Pourtant, ce projet, c'est le rêve de ma vie, celui qui m'anime depuis que je tiens un pinceau entre mes doigts. Ouvrir ma galerie, c'est l'aboutissement de mon travail. Pouvoir exposer mes peintures au monde, c'est mon seul objectif. Je suis consciente que le monde ne s'arrête pas à la ruelle où se situe mon local, mais ça aurait quand même dû être le début de ma belle aventure. Après notre mariage, j'ai investi toutes mes économies dans ce projet fou sous l'œil moqueur de mon mari qui se répandait partout que sa femme est pareil à tous les artistes, une grande rêveuse. D'après lui, l'art et futile et ne paie pas, je devrai revoir mon passe-temps à la baisse lorsque je tomberai enceinte pour me concentrer sur des choses bien plus réelles. Pour l'heure, il me laissait faire, amusé par mon hobby comme il aimait l'appelé, m'avait même aidé à repérer l'emplacement idéal. Je n'ai compris qu'après que mon occupation lui a permis de batifoler tranquillement avec sa maîtresse.
Il y a des événements dans une vie que l'on n'est pas prêt d'oublier et celui-là me hantera certainement pendant encore longtemps. Lorsque toute contente, j'avais enfilé mon nouveau bonnet rouge à pompon et grimpé les trois étages de son bulding les bras chargés de mes dernières acquisitions pour Noël et que je me suis trouvée devant son cul blanc, le froc aux chevilles pilonnant sa pouffiasse de secrétaire sur le bureau, j'ai cru que la terre s'ouvrait sous mes pieds. Je m'étais pourtant fait la remarque en arrivant, l'absence de la grognasse à l'accueil m'avait interpellé. J'avais commenté entre mes dents qu'elle devait encore se pavaner autour des associés du groupe près de la machine à café. La jeune femme n'avait en fait d'yeux que pour mon mari et leur petit manège durée depuis un certain temps d'après ce que j'ai pu comprendre. À ce moment précis, je n'avais pas cherché plus loin, j'avais lâché mes sacs, quittée en vitesse le bâtiment ainsi que notre loft. La semaine d'après, la procédure de divorce était entamée et il sera prononcé d'ici peu. C'est déjà ça, pas d'attente, pas de longs mois dans l'angoisse à se mettre d'accord ou se déchirer sur telle ou telle chose à partager. Tout s'est fait dans les règles et avec rapidité. Ça aide sûrement que le mari soit un avocat réputé fautif d'adultère, sans compter le contrat béton que m'avait conseillé mon père et qui sépare parfaitement les biens de chacun.
Je chasse ces résidus de souvenirs amers en déverrouillant la porte et reste prostré au milieu des tas de gravats. L'ouverture est prévue dans quelques mois et les entrepreneurs devraient avoir le temps d'effectuer tous les travaux, mais s'ils sont tous aussi ponctuels que ce matin, j'ai la sensation que je ne suis pas au bout de mes peines. J'analyse la situation en jetant un regard circulaire à la pièce, n'arrivant plus du tout à me projeter puis file rejoindre l'espace derrière consacré à mon atelier. Toutes mes idées ne m'enchantent plus, ne m'enthousiasment plus. J'étais si emballée, j'avais une créativité débordante, imaginant des pans de murs laissés libres où j'aurai pu peindre au gré de mes humeurs offrant des œuvres éphémères entre les toiles. Je pensais exposer d'autres artistes comme mon ami Diego, le photographe et même Miguel et ses réalisations à suspension pour une déco très graphique, mais maintenant tout ceci me semble bien loin. Pire encore, je commence à avoir de sérieux doutes sur ce que j'entreprends. Je ferais tout aussi bien de vendre le local et déménager à l'autre bout du pays. L'inspiration reviendra peut-être et j'aurai enfin de quoi rebondir. Alors que je compte rebrousser chemin, mon téléphone sonne, je grogne en lisant le prénom de ma sœur.
— Oui, Lorelei, soupiré-je.
— Oh, Auxi, enfin, tu réponds ! Je me faisais un sang d'encre, j'étais prête à prendre un billet d'avion ! débite-t-elle la voix mi-furieuse, mi-soulagée.
— C'est bien pour ça que je me décide à décrocher, marmonné-je. Et arrête de m'appeler par ce surnom débile !
— Oui, oui promis, lance-t-elle plus détendu. Alors tu ne m'as pas confirmé, c'est toujours bon pour le mois prochain sœurette ?
— Oui, je sais, justement, j'allais te prévenir que pour le coup ça tombe mal, tu sais...
— Oh, je comprends, commence-t-elle sur un ton de désolation. Bien, je vais avertir papa et maman, je pense qu'ils viendront d'abord chez toi, ils ont hâte de visiter ton nouvel appartement...
— C'est pas la peine, je vous retrouverais directement la veille de Noël, pas besoin qu'ils passent chez moi, je ne suis pas totalement installée et...
— Tu sais bien que maman ne voudra rien entendre soit tu nous rejoins soit c'est eux qui viendront te chercher ! Et sois sûre que maman mettra son nez partout, tu vois le topo me nargue-t-elle.
— Ça va, je serai là comme prévu, mais me faire débarquer un mois à l'avance alors que ma galerie est en chantier franchement...
— Je te promets que tu ne le regretteras pas, Aspen est magnifique en novembre, la neige, le paysage, tout est merveilleux, féerique, vraiment tout ce dont tu as toujours rêvé...
Je ne la laisse pas finir sa tirade et raccroche de désespoir. Je ne suis plus cette idiote fanatique des fêtes de fin d'année. Toute la magie et l'excitation que je ressentais je l'ai laissé choir en même temps que mes sacs dans cet horrible bureau et je n'ai pas envie de subir toutes ces mièvreries stupides. Cependant, l'évocation de ma mère arpentant mon quotidien, détaillant chacun de mes faits et gestes me fout la chair de poule.
C'est donc avec une pointe d'agacement que je réserve mon vol alors que la sonnette de la porte m'avertit de l'arrivée d'un visiteur.
*Bonjour à tous, aujourd'hui c'est un défi dans lequel je me lance puisque l'objectif est de finir cette romance de noël avant le mois de janvier (oui, je sais quasiment mission impossible lol) c'est pourquoi, je compte sur vous pour partager votre ressenti au fur et à mesure de mes publications. C'est clairement une motivation galvanisante et j'ai hâte de vous présenter entièrement cette histoire que j'ai débuté l'année dernière et qui me fait tellement rire dans ma tête. Il me tarde de voir si j'arrive à vous transmettre ce mood aussi humoristique que tendre je vous dit à très vite pour le chapitre II. N'hésitez pas à vous abonner et liker ça met toujours du baume au cœur.
tiktok : angelina.buchi.auteure
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Joyeuse Cocue
RomanceNoël, ah, Noël, la plus grande fête de l'année, celle que Auxane attend en trépignant d'impatience et pour laquelle elle s'attèle aux premiers préparatifs dès le mois de juillet. Sauf que ce Noël n'aura rien de commun avec tous les autres, les chant...