Chapitre IX

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La voix grave du ténor italien résonne à faire trembler les murs. Mon beau-frère étant normalement déjà partit au travail et ma sœur alitée depuis hier depuis un soi-disant mal de ventre, j'en conclu que trou duc a envie de jouer. Il est 9 h 30, je n'ai presque pas fermé l'œil de la nuit, prostrée devant une feuille blanche, un crayon gras à la main, j'ai tenté en vain de sortir la moindre petite esquisse. N'ayant réussi à rien, je ne suis pas d'humeur à apprécier les grands classiques dès le saut du lit. Si mon amour pour Pavarotti interprétant Turandot l'acte III : Nessun Dorma est inconditionnel, ma frustration et ma colère ne peuvent en apprécier la beauté à cet instant. Lorsque la playlist se met à jouer le lac des cygnes de Tchaïkovski, c'en est trop. D'un bond, je me chausse de mes pantoufles douillettes et fais craquer les marches sous mon poids. Assis à la grande table, des tas de croquis et sa tablette ouverte devant lui, Alex Sander ne semble pas noter ma présence. La chemise légèrement déboutonnée ainsi que ses manches retroussées, j'en déduis que cela fait déjà plusieurs heures qu'il a pris ses aises sur la table de la salle à manger. Sa main vient replacer une mèche de cheveux qui chatouille ses cils et en toute discrétion je me dirige vers la cuisine. Ma colère ne cesse de s'accroitre lorsque je constate que le pot de dosettes à café est vide. Je vais devoir faire du café à l'ancienne et attendre une plombe. Même si je trouve un certain charme à cette cafetière d'antan qui trône près de celle dernier cri, je ne suis pas sûre d'avoir la patience nécessaire.

Ronchonne, je mesure tant bien que mal la quantité à mettre dans le filtre, cherchant dans mes souvenirs le nombre de cuillères qui glissait ma grand-mère, cinq, six ou sept... Je ne sais plus, j'opte pour sept. Pendant que l'eau frémissante se déverse, je rassemble, beurre, tartine et confiture de fraise sur un plateau. Je patiente encore quelques minutes, toujours les oreilles bourdonnantes de musique classique avant de regagner la table. Un de ses sourcils marque une légère hausse, signe qu'il capte enfin ma présence. Sourire aux lèvres, je dépose le plateau sur ses croquis et commence à badigeonner ma biscotte prenant soin de mettre un peu de confiture partout. Ses doigts cessent de pianoter son clavier numérique, son regard caresse la table et les dégâts que je suis en train de lui infliger. Sa mâchoire se crispe lorsque d'un geste brusque il débarrasse ses affaires. Son matériel en sécurité sur le petit meuble de derrière, il me toise, les bras croisés. Amusée par son agacement et arrogance, je repars en direction de la cuisine, lance des œufs que je brouille avec du bacon, dispose le tout avec la cafetière sur un second plateau que je ramène près du premier. Ducon n'a pas bougé d'un pouce, cela dit mon mélange confiture de fraise et œufs brouillés à pour mérite de lui arracher une grimace qu'il ne peut contrôler. Il fait partie de ces gens de la haute, précieux, prétentieux, hautain. Je prends un malin plaisir à empiéter son espace. Les mains à présent collantes de toutes sortes de victuailles, je porte la tasse chaude à mes lèvres avant de tout recracher dans un haut-le-cœur. Je pourrais être prise d'effroi, sentir la honte envahir mes joues, les parant de rouges, mais non. Les gouttes de l'infecte miction que j'ai concoctée coulent de son menton et tachent le col de sa chemise, ses yeux ont viré à présent au noir et moi je souris de plus belle.

- Tu n'es qu'une..., commence-t-il avant de s'interrompre.

- Ce n'était pas voulu ! Je n'ai pas fait exprès. Je concède qu'apparemment je ne suis pas douée pour faire le café de cette manière. À ma décharge, il ne fallait pas vider le pot de dosettes. On cohabite ici. Peut-être as-tu du mal avec la notion de partage, mais c'est comme ça que cela fonctionne, m'amusé-je.

- Je crois que tu n'as pas conscience de ce que tu es en train de déclencher.

De ses doigts parfaitement manucurés, il se tamponne le bas du visage avec une serviette en papier. Son regard aurait pu sans doute, il y a quelque temps me faire peur, je le reconnais, mais pas aujourd'hui.

- Ce que j'ai déclenché ? Ce n'est pas moi qui balance du Pavarotti à fond de bon matin. Tu te prends pour qui ? Tu n'es pas tout seul ici ! Tu me réveilles, tu assumes les conséquences ! le nargué-je.

- Bien, tu ne pourras pas dire que je ne t'avais pas prévenu, murmure-t-il en quittant sa chaise.

Quel connard, s'il croit me faire peur ne serait-ce qu'un instant il se fourre le doigt dans l'œil. Je ne prends pas le temps de débarrasser quoique ce soit, je fonce sous la douche. Nous avons une salle de bain commune dans le couloir, bien sûr, j'en ai également une dans ma chambre, c'est d'ailleurs pour son immense baignoire que je l'ai choisi, mais le but est surtout d'emmerder Ducon, qui après avoir été arrosé de café, va sûrement vouloir se laver. C'est un réel plaisir d'apercevoir la poignée de la porte se tourner, bien entendu, j'ai fermé à clé, il ne pourra ouvrir, mais cela conforte ma sournoiserie que de le savoir encore quelque instant baignant dans la saleté. Évidemment, je prends tout mon temps, shampooingne dans une extrême lenteur mes cheveux, ce n'est pas mon shampoing à la camomille, mais cela fait largement l'affaire. Le confort moelleux des serviettes sans doute hors de prix à disposition finit de me détendre. Je n'ai pas pris la peine d'emporter mes affaires avec moi, trop pressées de lui piquer sa place, c'est donc sur la pointe des pieds, une serviette sur la tête et une autre enveloppant mon corps que je traverse le couloir. Le changement de température fait frémir ma peau nue, je sème au gré de mes pas, quelques gouttes sur le tapis rouge avant de rejoindre ma chambre. Je ne me souviens pas avoir laissé la lumière allumée ce matin, ni même avoir ouvert les volets... La serviette qui maintient mes cheveux se défait, j'avance prudemment vers les clapotis qui proviennent de ma salle d'eau personnelle. Une odeur de caramel chatouille mon sens olfactif me dérangeant, car même si elle n'est pas désagréable, cette fragrance ne m'appartient pas. Mes yeux s'exorbitent lorsque devant moi se dresse un Ducon assis dans ma baignoire, un verre de whisky à la main sourire aux lèvres. Dans le plus simple appareil, la mousse recouvrant la partie inférieure de son corps, l'humidité parsemant ses abdos, il me nargue.

- Bien, asséné-je seulement.

Le port de tête bien droit, je tourne le dos, ramasse des affaires toujours en partie dans ma valise, avant de rejoindre le centre de la chambre pour m'habiller à l'abri de son regard perfide. Si j'étais un tantinet objective et saine d'esprit, je dirais que c'est de bonne guerre, mais je ne suis ni l'une ni l'autre en ce moment, donc je n'apprécie que moyennement le fait que son vieux cul trempe là où je tremperais le mien. Avec véhémence, je finis de me préparer, je l'entends siffloter un air de l'amour est un oiseau rebelle, bien il aime la musique, je vais lui en donner. Me vient subitement l'idée d'une douce vengeance, j'allume la télé, cherche l'application YouTube et pioche dans la première vidéo au hasard de hard rock en n'oubliant pas de mettre le volume à fond. L'horrible voix qui emplit la pièce est pareille à une torture auditive qui me prête à sourire, bien évidemment avant de quitter la chambre à toute vitesse, je prends soin d'embarquer la télécommande, le sentiment de satisfaction prenant entièrement possession de mon humeur, je dévale les escaliers direction le centre ville de Aspen.

Hello tout le monde, enfin @isabelleboissonnot, oui, car tu es toujours la seule à me lire, ha ha ! Aujourd'hui nouveau chapitre qui va doucement nous faire entrer dans le jeu mesquin et puéril dans lequel nos deux protagonistes vont se jeter. L'écriture se poursuit gentiment, à bientôt pour un nouveau chapitre. Et bien sûr en bonus, le lien de la musique classique avec laquelle notre gentil Alexandre à reveillé Auxane. A bientôt.

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