Chapitre v

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Assise dans le véhicule de secours, la tristesse de mon quotidien défile péniblement sous mes yeux. J'émets une grimace en guise d'excuse en direction de l'équipe de tournage qui remballe et acquiesce vaguement sous la proposition de James de reprendre contact rapidement pour un nouveau rendez-vous l'année prochaine. Le sort s'acharne, tout vire à la catastrophe. Sous mon regard impuissant, je fais le constat amer de mon existence qui s'écroule. Tout ce que j'avais planifié n'est plus, ma ligne de vie, ce chemin soigneusement tracé n'est plus qu'un désert aride d'incertitude. Toute passion s'est envolée pour ne laisser place qu'à une colère profonde. Un désintérêt à ce qui m'entoure allant jusqu'à oublier mon allergie qui aurait tout aussi bien put m'être fatale. Beaucoup plus que le mal d'amour, j'ai le mal de vivre, j'ai besoin de recul, l'idée de fuir ce quotidien d'emmerdes devient l'ultime solution à mes problèmes.

C'est décidé, je pars à Aspen !

Ici, tout me rappelle ce que je n'ai plus, tout me remémore cette trahison terrible que je n'aurais jamais pensé vivre un jour. Si différente et opposée de celui de qui je suis tombée éperdument amoureuse, je me suis laissée charmer par son côté brillant, par sa fulgurante ascension, son aspiration de conquête. Il incarné la fougue, admirative de son bagout là où moi je restais souvent en retrait et discrète, j'ai été séduite dès notre première rencontre. Il m'était impensable de plaire à un homme tel que lui, si charismatique, élégant... Il personnifiait le prince que j'attendais, il a su voir tout ce dont j'avais besoin et m'a convaincu qu'il était exactement ce que je désirais. Jeune, naïve et bien trop bohème avec mon tempérament de rêveuse, je me suis abandonnée, envoutée, embobinée par un connard infidèle et imbu de lui-même. Aujourd'hui que le charme est rompu, je deviens la sorcière aigrie de ce conte de fées. Je rumine ma bêtise de m'être laissée séduire par un tel abruti, aveuglée par un paraître illusoire. Évidemment, je ne suis pas la première femme à être trompée et comme nombreuses d'entre nous, je me sentais à l'abri. Je ne sais pas ce qui me met le plus en colère, être trahi par mon mari ou les ragots qu'on dut tenir tous ses collègues à chacune de mes visites...

Sans regret ni réflexion sur les possibles conséquences de mon escapade puisque tout part vau l'eau et que j'ai atteint le point de non-retour ici, je fous le camp.

L'effet de l'anti-poison calme brièvement le martèlement successif qui résonne dans mon crâne, après un passage interminable aux urgences, je regagne enfin mon appartement. Sans réelle conviction, j'enfourne un peu tout et n'importe quoi dans ma valise, avance mon vol d'une petite semaine pour rejoindre ma sœur et m'étends sur mon canapé laissant le silence opaque de ce triste appartement m'engloutir.

Bien décidée à ce que les choses bougent même pendant mon absence, je m'attelle à donner des tonnes de directives à mes différents entrepreneurs. Je prends soin de spécifier que tous les versements seront bloqués jusqu'à avancement concret du chantier. J'exige pour ce faire que des photos des progrès des travaux me soient dépêchées chaque vendredi. J'en profite pour préciser que toute demande sera transmise par cette unique adresse mail et que le prochain qui suit comme un abruti les messages envoyés depuis je ne sais quelle adresse sera viré sur le champ !

Après ces courriels salés que j'ai groupés pour que tous mes entrepreneurs soient au fait de la suite des événements, je me charge directement de contacter par téléphone mon déserteur de plombier. Ainsi que j'ai pu le comprendre, il est la source du blocage, il me tarde d'entendre sa justification. S'il y a encore quelque temps, j'étais une personne polie et charmante, le jeune homme est témoin de mon changement radical de manière. Après lui avoir laissé le soin de m'expliquer qu'il n'y est pour rien si son fournisseur a du retard, je lui ai fait remarquer que d'après Siri, huit autres plombiers à la réputation plus que correcte œuvrent dans mon secteur. Sur quoi il a miraculeusement remédié à son problème de pièces manquantes. C'est intéressant de réaliser à quel point certaines solutions apparaissent comme par magie après une grosse gueulante.

Sur cette dernière satisfaction, j'annonce à ma sœur par message que je serais bien là plus tôt que prévu, l'arrivée d'une réponse instantanée m'arrache une grimace de dégout quand je constate qu'il ne provient pas de Lorelei, mais de mon culoté et non des moindres connards de futur ex-mari.

# Auxane, car il me semble qu'il est important de rester digne et mature, je te prie de bien vouloir accepter ma demande qui consiste à récupérer la Porsch, ainsi que la Mustang. Il est évident que te connaissant tu n'en feras sûrement pas usage et qu'il serait dommage de laisser croupir ces magnifiques pièces de collection qui te coûteront bien plus en frais de gardiennage et entretien. Amicalement.Eli

La colère accélère démesurément mon cœur, d'un geste vif, je lance mon téléphone en direction du canapé qui ne manque pas de taper ma tasse favorite la faisant s'échouer dans un fracas brutal sur le sol. Nulle larme ne vient humidifier mes yeux, juste une oppression puissante compresse mes poumons m'empêchant de reprendre ma respiration. L'ultime souvenir de ma grand-mère qui m'a transmis sa passion pour les fêtes de fin d'années se retrouve éparpillé à terre. À l'instar de mon cœur, il git en petit morceau sur le carrelage froid. Peut-être est-ce le sort qui s'acharne, peut-être est-ce simplement un signe du destin, quoi qu'il en soit à partir d'aujourd'hui plus rien ne sera jamais comme avant. 

Un immense merci pour vos étoiles et commentaires, je vous avoue que j'adore cette histoire et que j'ai hâte que nos personnages se rencontre. 

Joyeuse CocueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant