Chapitre 4

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Je me souviens de cet après-midi là. Il n'y avait presque personne au manoir. Assise dans le coin lecture de la bibliothèque, j'étais en train de lire Notre Dame de Paris de Victor Hugo lorsque Dante est arrivé. Je ne l'ai pas vu directement, plongé dans mon livre.

— Tu lis quoi ?

J'ai relevé le regard vers lui, étonnée qu'il m'adresse la parole. Dante avait pris l'habitude de ne plus vraiment parler aux membres de notre famille. En dehors d'un simple bonjour le matin lorsque nos chemins se croisait, mon oncle était très silencieux. Et puis, à cette époque, sa présence était rare à la maison. Dante partait des jours entiers, voire des semaines, du manoir. Je me demandais si il passait ses journées avec sa petite amie, celle que Ruggero avait vu. Je lui ai montré la couverture de mon livre pour réponse.

— En ce moment je lis plus trop, m'avoue t-il. Ça me manque un peu.

Et seulement avec cette simple phrase, je me suis retrouvée projetée des années en arrière. À cette époque où lui et moi pouvions parler d'art durant des heures. Comme moi, Dante était passionné par la littérature. Quand nous étions enfants, nous nous amusions a créer des cabanes et à se lire des histoires, à l'abri du monde extérieur. Notre écart d'âge n'était pas si grand. Il avait beau être le frère de papa et de Leonardo, il était plus proche de nous que d'eux. Petite, je pensais même que Dante était mon cousin et non mon oncle. Au fil des années, nous nous sommes éloignés. Peut-être que cette distance était dû au fait qu'il soit le fils de papi. Il recevait plus de pression de sa part que nous. Les attentes liées à cet héritage familial avaient sans doute créé une barrière entre lui et nous, bien plus que les trois petites années qui nous séparaient.

Alors que je m'attendais à ce qu'il reparte, comme à son habitude, il m'a surprise en s'asseyant sur un des fauteuils.

— Ton auteur préféré est toujours Oscar Wilde ? M'avait t-il demandé.

J'ai souris en voyant qu'il se rappelait de mes goûts.

      — Toujours. Je pense qu'il le saura toute ma vie. Et toi, le tien est toujours Shakespeare ?
      — En effet. On n'est pas très originaux, toi et moi.

J'ai ri doucement. C'était vrai : aimer Wilde et Shakespeare n'avait rien d'extrêmement original. Plus jeunes, lorsque nous rencontrions des amis de la famille et qu'ils nous demandaient ce que nous aimions lire, il y avait deux camps : ceux qui partageaient nos goûts et ceux pour qui nos préférences littéraires semblaient un peu trop basiques.

      — Comment s'est passé ton stage alors ? Ta soeur et Ruggero ne se sont pas entretuer ?

Je me disais toujours que Dante ne faisait plus attention à aucun d'entre nous. En deux questions, il venait de me prouver le contraire.

     — Ça s'est plutôt bien passé.
     — Plutôt ?
     — On a dû subir les piques constantes de Ruggero. Il a essayé plusieurs fois de nous décrédibiliser mais Vittoria, comme d'habitude, ne s'est pas laissé faire.
     — J'ai un peu de mal avec lui parfois. Je trouve ça cool qu'il soit ambitieux mais, ce trait est un peu trop présent chez lui.

J'acquiesçai, partageant son opinion sur le caractère de Ruggero. J'étais contente de parler avec lui alors j'ai poursuivi :

    — Il est vraiment impulsif. Il peut carrément se montrer violent, c'est flippant parfois. J'admire ma sœur pour sa capacité à lui tenir tête à chaque fois.
     — Violent ? Avait-il répété. Comment ça ?

Ma première pensée a été que j'en avais peut-être trop dit. J'ai haussé les épaules doucement puis, après une hésitation, ai répondu :

     — Pas grand chose. Avec Vittoria, on a eu une petite altercation avec lui un jour et... et il l'a poussé. Rien de très grave, ne t'inquiète pas.

Endless Hunt [en pause]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant