Chapitre 10

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Après le mariage de Luisa et Dante, les tensions, que les préparatifs avaient brièvement apaisées, étaient revenus. C'était encore pire qu'avant.

Après l'incident survenu lors de la fête, mon père a écarté Leonardo de l'entreprise familiale. Cette décision, loin d'améliorer leur relation, ne fit qu'envenimer les choses entre eux. Leonardo s'est mis à travailler du manoir directement, ne mettant plus que très peu les pieds à l'entreprise. Papa ne cessait de lui dire qu'il devait faire profil bas s'il espérait réintégrer ses fonctions, lui rappelant constamment qu'il s'en était pris à sa femme devant tous. Leonardo, quant à lui, répétait que personne ne se souciât vraiment de ses problèmes conjugaux. La vérité c'est que papa avait trouvé là une excuse parfaite pour tenir mon oncle à l'écart. Leonardo n'avait pas tord. C'était sans doute vrai.

Avoir Leonardo au manoir en permanence était loin d'être une bénédiction. S'il y avait bien quelqu'un que je supportais encore moins que Ruggero, c'était son père. Ruggero avait, au moins, eu le cran de vouloir protéger sa mère au mariage. Même si depuis, il faisait tout pour obtenir le pardon de son père, son courage au mariage m'avait surprise. Jamais je n'aurais imaginé que celui qui oserait lever la main sur Leonardo serait justement son plus fidèle allié à la base. Si Ruggero aimait quelqu'un plus que son père, c'était bien sa mère, mais l'idée qu'il puisse frapper son père pour elle me semblait inconcevable. Son geste l'avait tellement perturbé que, pendant un temps, il en a presque oublié ce qu'il avait surpris entre Vittoria et Andrea.

Alors que Ruggero avait apporté des dossiers qu'il avait préparés pour aider son père dans son travail, Leonardo ne lui accorda qu'un regard furtif. À peine Ruggero eut-il posé les documents sur le bureau que son père, d'un ton sec, lui ordonna de sortir. Ruggero, qui avait espéré pouvoir engager la conversation avec Leonardo, avait finalement quitté la pièce sans pouvoir parler avec lui. Depuis le couloir, ma sœur et moi avions entendu l'échange bref et glacial. Lorsque notre cousin est sorti, Vittoria a ricané :

— Alors ça fait quoi de ne plus être le fils chéri de son papa ?

Ruggero la fusilla du regard.

— Tu sais Vittoria, ne crois pas que j'ai oublié ce que j'ai vu au mariage. J'ai fais des recherches sur ton copain, et je suis pas certain que ton père apprécierait de le rencontrer vu les nombreux séjours que ton Andrea a fait en garde à vue.

Le sourire de ma sœur s'effaça, remplacé par une expression d'inquiétude. Malgré ça, il a tenu sa langue au sujet de la liaison de ma soeur. Nous savions que cela cachait quelque chose : sûrement attendait-il le moment opportun pour utiliser cette information contre nous. Et, d'ailleurs, il ne tarda pas à nous le faire comprendre. Par la suite, à la moindre occasion, il trouva le moyen de nous rappeler ce qu'il savait et s'amusa à nous faire croire qu'il allait dévoiler le secret, sans jamais réellement le faire. Il se contentait de jouer avec notre anxiété, prenant un malin plaisir à exercer son pouvoir sur nous.

Plus d'un mois après le mariage, Vittoria et moi venions de rentrer de nos cours et étions dans le salon lorsque Dante et Luisa sont arrivés. Luisa tenait un sachet dans ses mains.

      — Coucou les filles ! On est passés en ville et on vous a pris des gâteaux, si vous voulez, avait-elle dit en posant le paquet sur la table, un sourire éclatant illuminant son visage.

Je ne disais jamais non à des sucreries. Je me levai donc pour en prendre un et découvris qu'il s'agissait de cupcakes. Ils étaient délicieux. Mais ce n'était pas le goût qui importait le plus. En croquant dans l'un d'eux, je découvris une petite note pliée à l'intérieur. C'était un message nous annonçant une grande annonce : Luisa était enceinte.

Nous avons sauté de joie avec ma sœur en apprenant la nouvelle. Luisa et Dante ont ensuite annoncé la grossesse de Luisa à toute la famille en essayant de trouver des manières originales pour tous. Pour les parents de Luisa, par exemple, ils avaient organisé un dîner surprise. Au moment des desserts, Luisa avait caché des bombes de bain en forme de biberon dans les cadeaux. Quant à mon père, Dante et Luisa lui ont offert une figurine d'un couple avec un bébé, issue d'une ancienne collection de figurines que papa faisait petit. En découvrant le cadeau, papa avait d'abord exprimé sa surprise, se demandant comment ils avaient pu mettre la main sur une telle rareté. Puis, lorsqu'il avait saisi le véritable message derrière, son étonnement s'était transformé en une joie sincère pour son petit frère et sa belle-sœur.

Luisa avait un grand esprit créatif, et c'était l'une des raisons pour lesquelles je l'admirais autant. Elle avait toujours des idées inventives. Je l'appréciais beaucoup. Les premiers mois de sa grossesse avaient été difficiles pour elle. Elle souffrait de nausées qui persistaient nuit et jour. Nous l'entendions souvent vomir le matin et pourtant, elle restait tout de même éblouissante, affichant constamment une attitude positive. Luisa avait cette capacité à préserver sa joie de vivre en toutes circonstances, et j'espérais de tout cœur que cela ne changerait jamais. Lors d'une l'échographie, ils découvrirent qu'ils attendaient une petite fille. Dante allait avoir une fille et moi, une nouvelle cousine. Je n'avais aucun doute sur le fait qu'ils allaient devenir des parents formidable.

Le 3 juin, nous avons fêter l'anniversaire de Dante. Mon oncle venait d'avoir 21 ans. Seulement 21 et il était déjà marié et bientôt papa. En comparaison, Vittoria et moi n'avions que 3 années de moins que lui, et nous étions encore loin de nous imaginer dans une telle situation.

Le lendemain de son anniversaire, je feuilletai un recueil de poèmes d'Ovide sur lequel je risquais de passer au bac. La fin du lycée approchait, et je relisais ces textes pour les réviser plus en profondeur. Installée dans le salon, je fus interrompue dans ma lecture par un bruit inconnu venant de l'extérieur, suivi d'un hurlement déchirant. C'était ma tante. Penelope était dehors pour s'occuper de ses plantes. Je me levai rapidement du canapé, posai mon livre sur la table puis me précipitai vers le jardin où ma tante criait encore.

En sortant sur la terrasse, un frisson glacial me parcourut. Mon cœur s'emballa soudainement. La scène qui se déroulait devant moi était affreuse. Je restai pétrifiée en voyant ma tante accroupie, penchée sur un corps inerte, baignant dans une mare de sang. Un corps qui venait de se briser contre le sol après une chute violente. Un corps appartenant à une personne que je connaissais bien. Un corps mort désormais. Puis, je me mis à crier d'effroi à mon tour.

Endless Hunt [en pause]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant