Chapitre 6

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Le deuil de maman était encore plus compliqué que celui de papi. Chaque matin, je me réveillais avec l'espoir que ce ne soit qu'un long cauchemar, mais la réalité me rattrapait à chaque fois. Nous en parlions souvent avec Vittoria. Ma jumelle se posait des tas de questions, se demandant pourquoi maman s'était suicidée comme ça, sans laisser ne serait-ce qu'un seul petit mot pour nous. Elle n'en revenait pas que notre mère ait eu un amant. « Comment a-t-elle pu nous cacher ça ? » se demandait-elle. Vittoria ne comprenait pas comment notre mère avait pu mener une double vie. Nous nous remémorions les souvenirs avec maman, essayant de comprendre si nous avions pu rater des signes, des indices sur ce qu'elle s'apprêtait à faire.

Même si papa essayait de cacher sa tristesse, les semaines qui ont suivi la mort de maman, il s'est complètement renfermé dans le travail. Il était peu présent au manoir, passant la majorité du temps cloîtré dans son entreprise. Les rares fois où il était présent, il se plongeait dans des dossiers, évitant toute conversation avec nous. Il aimait vraiment maman et sa mort, comme l'annonce de son adultère, l'avait bouleversé. Je n'arrivais pas à saisir comment il avait pu la laisser si seule durant toutes ces années. Il l'avait prise pour acquise, sans jamais lui montrer son importance et maintenant, il la pleurait le soir dans son bureau lorsqu'il pensait que personne ne passait dans le couloir. Les sanglots étouffés que j'avais perçu à travers la porte révélaient une douleur qu'il ne pouvait plus dissimuler. Lorsque je l'ai entendu, j'ai compris qu'en réalité, nous étions tous seuls : maman avait été délaissée par son époux et n'avait jamais été heureuse dans son mariage; papa, de son côté, s'était noyé dans son travail pour fuir ses remords et sa tristesse, ne s'occupant plus du reste. Quand à nous, Vittoria et moi, n'avions plus de parent aimant présent à nos côtés.

Les jours passaient et la douleur persistait. Les réponses aux questions sur la mort de maman n'avaient apporté aucune explication satisfaisante. Cependant, un événement étrange s'était produit un jour. Peut-être cela aurait-il dû me mettre la puce à l'oreille quant à la vérité derrière le supposé suicide de maman. Peut-être que j'aurais dû le comprendre plus tôt.

Je venais de sortir de la librairie avec plusieurs livres sous le bras, dont Crime et Châtiment, un classique que je n'avais encore jamais lu et que Dante m'avait conseillé. J'avais hâte de rentrer pour le lire. Alors que je marchais vers le manoir, j'étais tombé sur un homme dans la rue. Je l'avais immédiatement reconnu. Comment pouvais-je oublier le visage de celui que j'avais vu en train d'embrasser ma mère ? Il avait dû sentir mon regard sur lui, car il avait tourné la tête dans ma direction. Alors que j'aurais pensé qu'il me prendrait pour une passante le regardant par inadvertance, il avait semblé me reconnaître. Je pouvais voir son visage se décomposer en réalisant qui j'étais. Puis, la surprise passée, il s'était approché de moi :

— Vous ! Vous êtes la fille de Dolores.

Je m'étais arrêté net. Comment pouvait-il me reconnaître ? Maman avait-elle montré des photos de moi à cet homme ? Il arriva à mes côtés, et se présenta alors :

— Je m'appelle Gianny. Je suis l'amoureux de votre mère.

Je ne me sentais à pas à l'aise en sa présence. La façon dont il se qualifiait d'"amoureux" de maman me perturbait.

— La police est venue m'interroger. Mais je vous jure, je n'ai rien fait à votre mère. Je l'aimais.

Pourquoi ressentait-il le besoin de me le dire ? Son insistance semblait le rendre encore plus suspect, surtout que je n'avais jamais pensé à l'accuser de quoi que ce soit. Je me sentais de moins en moins à ma place, l'envie de prendre mes jambes à mon cou grandissant en moi, mon instinct me criant de fuir cette situation.

— Ne vous inquiétez pas, personne dans ma famille ne pense que vous êtes le coupable, répondis-je rapidement, ma voix se voulant rassurante malgré mon trouble. Au revoir, monsieur.

Endless Hunt [en pause]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant