° XIII : Pourquoi les crânes troués ne sentent-ils pas le sang ? °

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Les crânes...

Je me réveil, en sursaut, aux bruits de l'amphibien jaillissant de l'eau.

Un·e autre est à ses côtés, aux lueurs plus violacées et se tenant sur ses pattes arrière, comme une salamandre. Ils s'approchent et me reniflent les cheveux, des pointes de leurs branchages jusqu'à leurs racines.

Ils émettent des sons.

L'inconnu·e au corp salamandresque me dévisage. Ses tentacules s'écartent, comme les pétales d'une fleur et révèlent un abîme. Sa gueule.

Elle l'approche de mon front, le caresse humidement, et recule.

C'est comme recevoir un livre, les pages ouvertes dans la tête.

L'amphibien se dresse enfin sur ses pattes arrière :

— Était-ce altruiste ou égoïste ?

Je comprends ce qu'il me dit ? Que m'a fait l'autre amphibien ? J'ai été ensorcelé, pour que je comprenne leur langue.

— Était-ce altruiste ou égoïste ?

Qu'est-ce qu'il raconte ?

— Je ne sais pas. Je ne connais pas cette distinction.

Il me regarde. Ce sont pourtant des mots humains que j'entends, dont j'ai lu les définitions dans les dictionnaires elfiques des langues humaines.

— T'es le premier avec une telle apparence, à ne pas choisir le combat.

— Je n'ai pas vu beaucoup de crâne d'amphibien.

— Le général t'expliquera.

Le général de quoi ?

Il plonge dans les eaux, et fends les flots de sa queue.

J'imagine que je dois le suivre.

°

Hors de la galerie sous-marine, nous voyageons au-delà les voiles solaires du kelp, jusque-là où le sol disparait. Un abysse.

En longeant sa falaise, nous trouvons le squelette d'une baleine. Nous entrons par le bas de sa cage thoracique. Assis sur son sternum et devant son crâne, le général.

Il se lève, droit comme un humain sur les feuilles du bestiaire.

Il porte des crânes troués aux épaules, sans mâchoire, ni odeur de sang. Comme autant de serpents, ses tentacules faciaux jouent avec. Toute son armure est taillée dans de l'ivoire humain, si ce n'est la partie supérieure d'un crane de requin porté en auréole. A son oreille gauche, pend un œil à l'iris vert clair.

— Tu as passé ton initiation.

— Même si je ne l'ai pas mangé ?

— C'est juste la première fois qu'un humain la passe ainsi.

Le général me regarde.

C'est ma chance.

— Pourquoi les crânes troués ne sentent-ils pas le sang ?

°

Il crache des bruits incompréhensibles. Un rire ?

— Parce que c'est si bon, c'est ce qu'il y a de meilleur. Le cerveau. Dès que vous prenez la décision d'attaquer, on vous perfore le crâne à l'acide, on vous agrippe de nos tentacules et on vous absorbe. Plus de conscience humaine.

Ça ne laisse pas d'odeur...

— C'est comme ça pour les meilleurs d'entre nous. Sinon, l'humain meure avant d'être mangé.

L'amphibien de l'arène me regarde, légèrement au-dessus des yeux.

— Tant que tu vis, je ne te lâche pas. Ton cerveau m'appartient. Tu es mon repas.

— Au lieu de jouer avec la nourriture, va chercher tes ustensiles de cuisine.

Sans me lâcher du regard, l'amphibien s'éloigne à reculons, les tentacules se frottant les unes contre les autres.

°

L'enfant de la JungleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant