Chapitre 3

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A genoux devant l'une des tombes du cimetière royal, j'observai le nom inscrit sur la pierre tombale, la vision floue. Tellement de larmes étaient contenues dans mes prunelles qu'elles parvenaient à rendre ma vue trouble.

Mike Moore, prince de Mermailya. 13/12/3010-10/10/3029.

Réprimant un sanglot, je posai mes doigts sur la pierre froide, là où était gravée la date de sa mort.

— Salut, petit frère, murmurai-je.

Un sourire étira mes lèvres tremblantes lorsque j'imaginai ce qu'il pourrait me répondre. Que nous étions jumeaux et que, par conséquent, je ne pouvais pas le considérer comme plus jeune que moi. C'était ce qu'il rétorquait systématiquement lorsque j'utilisais le terme "petit" avec lui.

Tous les matins depuis sa mort, je me rendais sur sa tombe. Je lui parlais, lui racontais les nouvelles du royaume et ma vie, comme s'il pouvait m'entendre. Cela ne servait à rien. Il ne reviendrait pas parmi les vivants uniquement parce que j'étais incapable de tourner la page. Je le savais très bien, mais cela me faisait du bien de lui parler. Nous n'avions jamais été séparés plus de quelques heures jusqu'à son décès. La page était très compliquée à tourner, et j'ignorais si j'y parviendrais un jour.

— Comment ça va, aujourd'hui ?

Seul le vent me répondit. Avec un soupir, je jetai un coup d'œil au ciel, où toutes les étoiles n'avaient pas encore disparu. Il était si tôt que l'aube pointait seulement le bout de son nez. Je commençai à fixer l'astre qui se trouvait le plus proche de la lune. J'avais découvert l'existence de cette étoile le soir même de la mort de Mike. C'était idiot, mais j'y avais tout de suite vu un signe.

— Ouais, je sais. Question conne. Tu peux pas aller bien, t'es mort. Pour une fois que je suis polie, tu ne vas quand même pas te plaindre, si ?

Nouveau silence, troublé uniquement par le bruit des pas des gardes qui vadrouillaient dans le cimetière. Je me tus, ne voulant pas qu'ils m'entendent parler à une tombe. Si la rumeur commençait à courir que je ne parvenais toujours pas à passer outre la mort de mon frère près d'un an après la bataille, mon autorité pourrait être remise en cause. Le royaume n'avait pas besoin de ça. J'étais sa seule héritière désormais.

Lorsque je fus certaine que plus personne ne se trouvait aux alentours, je repris mon monologue.

— C'est aujourd'hui que les cours commencent à la Moonainst Academy. Je vais devoir supporter des estyrians à longueur de journée et même le soir. Hé oui, je suis obligée de vivre là-bas comme une interne pendant au moins les six premiers mois de l'année. D'après l'autre enfoiré de souverain estyrian, y vivre comme des élèves ordinaires permettrait d'aider la population à nous sentir pleinement investi dans l'installation de la paix.

Mes poings se serrèrent. C'était à cause de lui qu'il n'y avait plus de paix entre nos deux royaumes. C'était lui qui avait décidé du jour au lendemain de nous interdire l'accès à un territoire considéré comme neutre depuis des siècles, même s'il était situé sur leur royaume. Même son fils avait été dans l'incapacité de me dire pourquoi il avait agi ainsi.

— Des élèves ordinaires, soupirai-je. Tu parles. Les autres vivent dans des dortoirs de cinq élèves pendant que je bénéficiais d'une chambre individuelle avec salle de bain privative.

Je n'étais pas la seule à avoir ce privilège. Le prince Dray l'avait également; Un étage entier avait été aménagé pour nous. Nous avions chacun notre chambre et notre salle de bain, ainsi qu'une pièce de vie, malheureusement commune. Là-dessus, je n'avais pas eu mon mot à dire. Comment prôner la paix entre sirènes et sorciers si les futurs souverains refusaient de vivre ensemble ? Je n'avais pas eu le courage de dire à ma mère que, si je ne voulais pas partager de pièce commune avec Dray, c'était parce que c'était mon ex, qu'il avait voulu m'effacer la mémoire mais qu'il avait réussi à planter son sortilège. De quoi j'aurais eu l'air ?

Ne jamais s'oublierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant