Chapitre 39

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— Si c'est encore pour me reprocher d'avoir obéis à ta volonté, c'est même pas la peine, grinçai-je une fois qu'Eva eut refermé la porte.
Puisque je ne pourrais pas participer à l'intégralité de cette conversation en lui tournant le dos, je décidai de pivoter de suite dans sa direction. Je le regrettai immédiatement. Il me fusillait toujours du regard, si bien que je ne pus m'empêcher de lever les yeux au ciel.

Cette conversation promettait d'être très longue, s'il faisait preuve d'autant de mauvaise foi. D'accord, j'étais loin d'être un ange, mais il ne fallait pas exagérer. Il n'en était pas un non plus.

— Tu veux vraiment me faire croire qu'il n'y a rien de mal dans le fait que tu m'as menti pendant un an et demi ?

Je ne me souvenais pas avoir prétendu quelque chose du genre mais s'il le prenait comme ça, c'était qu'il était encore plus stupide que ce que je pensais.

Toute intelligence semblait l'avoir quitté au moment où son sortilège avait foiré.

— Tu tournes en boucle, Dray. Je te signale que si tu n'avais pas voulu m'effacer la mémoire, on en serait pas là.

Poings serrés sur mes hanches, je le dévisageai, attendant d'entendre sa justification. Rien de ce qu'il pourrait dire ne serait une explication suffisante. A mon gout, en tout cas.

— J'ai fais ça pour toi.

Je pinçai mes lèvres l'une contre l'autre, tentant de réprimer la colère qui montait en moi. Je tins environ trois secondes avant de laisser mon énervement se manifester. J'en avais assez qu'il me considère comme la méchante de l'histoire alors que tout ça, c'était de sa faute.

— Arrête avec cette putain d'excuse ! T'as fais ça pour toi et uniquement pour toi. Parce que tu trouvais ça plus facile de cacher notre relation à ton père si nous n'avions plus de relations. T'as peur de lui et de ce qu'il pourrait penser s'il apprenait que nous étions sortis ensemble. C'est uniquement pour ça que tu as voulu que je t'oublie. Et c'est uniquement pour ça que tu n'es rien venu me dire alors que tout était terminé et que nous avions signé l'accord de paix. Ose me dire le contraire.

Dray laissa planer un silence pesant pendant plusieurs secondes, avant qu'un léger sourire n'étire ses lèvres.

— On dirait que tu me connais toujours aussi bien.

Il avait vraiment l'impression que c'était le bon moment pour me parler comme ça ? Je serrai un peu plus le poing, si bien que mes phalanges en blanchirent.

— Faudrait savoir, Dray. Soit tu me dragues, soit t'es énervé contre moi. Tu peux pas faire les deux en même temps.

Ça n'avait aucun sens et ça le faisait passer pour un imbécile bipolaire. Dray cessa immédiatement de sourire et je regrettais presque de percevoir de nouveau la colère dans ses traits. Il changeait d'émotions tellement vite que j'en avais le tournis.

— D'accord. Comme tu veux. Tu m'as menti et ça ne passe pas. En parler de nouveau ne changera rien à ce que je ressens en ce moment. J'aime pas les menteuses.

Ca, je le savais très bien. Il n'avait pas besoin de me le dire. Il y avait pourtant des limites et il était en train de les dépasser.

— Ça te va bien de parler de mensonge... Je te signale que ça fait un an et demi que tu me caches que l'on est sorti ensemble. Tu comptais me le dire un jour ou garder ça pour toi jusqu'à ta mort ?

A la façon dont il garda le silence, je compris de suite ce qu'il avait prévu de faire. Ne jamais me le dire.

— Comment tu peux me prendre la tête et me faire la gueule parce que je t'ai caché que ton sortilège n'avait pas fonctionné alors que tu n'allais jamais me dire la vérité ?

Je restai silencieuse quelques secondes, attendant de voir s'il allait me répondre. Quand il garda le silence, je décidai que je n'avais pas dû l'engueuler assez pour créer une quelconque réaction de sa part.

— Je ne te savais pas si hypocrite, Dray. Que tu sois en colère, je peux le comprendre. Je te l'ai déjà dis. Mais que tu m'en veuilles alors que tu as fais exactement la même chose, ça c'est de l'hypocrisie.

Mes dernières paroles allaient être méchantes, mais il était temps qu'il comprenne qu'il n'était pas le seul à avoir souffert dans cette histoire.

— Tu ne voulais pas ressembler à ton père ? Bravo, t'es devenu exactement comme lui.

Je lui tournai le dos, bien consciente que mes paroles devaient l'avoir blessé et ne désirant pas avoir à faire face à la lueur affectée briller dans ses pupilles. Sa main attrapa mon poignet et ne le lâcha pas, même lorsque je le lui demandai.

— T'as raison. Je suis un enfoiré. Mais c'est pas pour ça que je ne dois pas être blessé par tes cachotteries. Ça fait des mois que je fais de mon mieux pour t'oublier alors qu'en fait, je n'en avais pas besoin.

Je me tournai à peine vers lui. Dans mon champ de vision, il n'y avait que ses chaussures et j'appréciais cela.

— Tu peux t'en prendre qu'à toi-même, lançai-je.

— Essaie de me comprendre...

Je fais volte-face. Dray ne me lâcha pas et nous nous retrouvâmes bientôt collés l'un à l'autre. Cette proximité me fit déglutir et me désarçonna un instant. Je secouai la tête pour me reprendre et tentai d'ignorer ses prunelles bleues dans les miennes.

— Je ne fais que ça, Dray ! Au cas où tu ne l'aurais pas encore compris, j'ai vécu exactement la même chose que toi durant ces derniers mois ! J'ai dû faire semblant de ne pas me souvenir de toi, tout comme tu l'as fais ! T'as pas le droit de dire que je ne te comprends pas.

Une lueur sembla s'allumer dans les pupilles du blond, qui finit par soupirer.

— Je ne l'avais pas vu comme ça.

Je haussai un sourcil.

— Sans déconner, le raillai-je.

— Je...

Il n'eut pas le temps de finir sa phrase.

La porte d'entrée des appartements claqua. Sourcils froncés, je me tournai vers celle-ci sans comprendre ce qu'il se passait. Je ne savais qui venait nous déranger de la sorte, mais il allait le regretter. Personne n'avait le droit de pénétrer de cette façon dans le salon, surtout sans y avoir été invité. Alors que j'ouvrais la bouche pour envoyer balader l'intru, je la refermai sans prononcer un seul mot.

Parce que ce n'était pas un étudiant qui venait nous déranger.

C'étaient des membres de la garde royale estyrianne.

Soit quelqu'un avait balancé que j'étais à l'origine de la mort du fils du roi, soit Dray avait fait une connerie.

Bizarrement, je penchais plus pour la première option.

Ne jamais s'oublierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant