Chapitre 27

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Debout, les mains dans le dos face à l'océan, j'attendais impatiemment de pouvoir retourner au palais. Les brises marines soufflaient fort en cette fin d'après-midi et s'engouffrait dans mes vêtements, me frigorifiant ainsi depuis un moment. La robe en satin violette que je portais pour l'occasion n'était décidément pas assez chaude pour un après-midi sur les côtes. Lorsque je soupirai, un nuage de fumée s'échappa de ma bouche et alla s'évaporer un peu plus loin. Je me tournai vers ma mère, qui cachait bien mieux que mon son impatience.

— Elles ne devraient pas déjà être là ?

Cela faisait plus de vingt minutes que notre garde nous avait averti que nos invitées avaient passé la frontière. Normalement, il ne fallait qu'une dizaine de minutes pour faire le voyage à la nage. A moins qu'elles ne se soient perdues, ce qui était improbable, je ne comprenais pas pourquoi nos cousines aquatiques n'étaient pas déjà arrivées.

— Elles voyagent depuis plusieurs jours et il y a des enfants dans le banc. Elles ont sûrement ralenties pour la fin du voyage.

Je laissai une légère moue étirer les traits de mon visage. Quelle idée d'emmener des enfants pour un trajet de presque une semaine ? L'impératrice avait parfois de drôles d'idées. Pour patienter et tenter d'oublier à quel point j'avais froid, j'essayais de me rappeler à quoi ressemblait la dirigeante de ce banc de sirènes. Je ne l'avais pas vu depuis plus d'une dizaine d'années, alors son souvenir était pour moi très flou, tout comme celui de sa fille. Etant plus jeune que moi, la princesse ne devait avoir que six ans lorsque je l'avais rencontrée pour la première fois, alors que j'en avais onze. Mise à part la couleur de sa nageoire, elle devait avoir beaucoup changé.

Derrière moi, j'entendis l'une des conseillères de ma mère se plaindre de ce retard. A en juger par le timbre de sa voix, il s'agissait sûrement de la mère d'Eva. Je me tournai rapidement vers elle pour constater qu'elle faisait sans cesse de petits pas sur place afin de se réchauffer. Si je le pouvais, je ne me gênerais pas pour faire comme elle. Je n'en avais pourtant pas le droit. Si le banc arrivait pendant que je laissai mon impatience se manifester, cela pourrait créer des problèmes. Ma mère me l'avait rappelé à de nombreuses reprises. L'impératrice n'était pas une tendre, et il n'était pas dans mon intérêt de me la mettre à dos. Après tout, c'est avec elle que j'allais frayer une fois que je serais devenue reine. Sa fille était encore trop jeune. Il était certain que je serais couronné avant qu'elle n'abdique, alors il vaudrait mieux que je m'entende bien avec.

— Maeve ?

— Oui ?

Je jetai un coup d'œil à ma mère, qui continuait de fixer l'océan même en me parlant. Habillée d'une robe à manches courtes noire, des frissons parcouraient ses bras, signe qu'elle avait tout aussi froid que moi. Je n'en voyais pourtant pas la moindre trace sur son visage, ni dans son comportement. J'avais vraiment beaucoup de progrès à faire pour arriver un jour à son niveau.

A commencer par arrêter de craquer pour l'ennemi... Je faillis soupirer de nouveau mais me rattrapai au dernier moment.

— Elles arrivent.

J'examinai l'océan, sans comprendre ce qui permettait à ma mère de parvenir à cette conclusion. Je ne voyais rien dans l'eau, mis à part les habituelles vagues et les remous causés par le vent. J'allais demander à ma mère si elle était sûre d'elle lorsque quelque chose sortit des flots. Une tête, suivie par beaucoup d'autres. Je lançai un regard étonné à ma mère, qui me jeta un coup d'œil en souriant.

— Je t'apprendrai la technique.

Si elle avait jugé bon de me l'apprendre avant, j'aurais apprécié. Je reportai mon attention sur les eaux, où se trouvait maintenant plus d'une cinquantaine de sirènes. Comme ma mère me l'avait dit plus tôt, j'apercevais effectivement des enfants dans le lot. Une petite dizaine, me semblait-il. Je m'en détournai directement, préférant chercher du regard l'impératrice et sa fille. Je ne voyais de tête couronnée nulle part, si bien que j'en vins à me demander si elles en portaient une.

Ne jamais s'oublierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant