Chapitre 8
Le grand méchant loup
Il est animal. Tout chez lui transpire le danger et la promesse d'une aube morte. Quand son regard se plante dans le mien, je sens mon corps tout entier tressaillir même si je fais tout pour dissimuler ma crainte. Calypso vient d'abattre l'un des leurs en invoquant la magie verte, j'imagine que les représailles seront terribles et je le lis aisément dans les yeux noirs braqués sur moi.
VOUS ALLEZ TOUTES MOURIR.
Je ne les imaginais pas comme ça : les loups. Je me figurais des hommes défigurés par la haine, le corps trapu, la gueule enragée, les yeux injectés de sang, la mine lugubre. Je n'avais pas envisagé qu'ils puissent être autrement. J'avais tort.
Celui qui me fait face et me transperce de son regard ébène ne ressemble en rien à ces monstres sanguinaires et laids qui avaient nourri mon esprit, tourmenté mes rêves. Je ne peux nier qu'il émane de lui une certaine violence, dans sa posture, ses traits figés, ses muscles tendus, mais sa beauté, presque surnaturelle, irradie. Je ne peux empêcher mes yeux de l'observer, de parcourir les lignes qui sculptent son visage, d'évaluer les contours de son torse, de constater la force brute qu'il incarne. Quand il se déplace légèrement, la souplesse de ses mouvements me fascine. L'élégance du loup, la sauvagerie aussi.
En apercevant le corps de notre première victime s'écraser lourdement sur le sol, je n'ai pas réussi à finir ma question. Je crois que c'est une bonne chose. L'heure n'est franchement pas à la discussion. Les trois autres loups semblent quelque peu décontenancés par la rapidité de l'exécution, il faut en profiter pour les semer. J'ignore si nous pourrons les vaincre tous si nous les affrontons de manière frontale. Je parviens à couper le lien visuel qui me gardait captive quelques secondes auparavant, j'empoigne le bras de Calypso pour la tirer en arrière et lui passer l'envie de provoquer davantage nos ennemis. Je la connais, je sais de quoi elle est capable quand elle pense avoir le dessus sur la situation. Je n'ai qu'une seule trouille, c'est que l'un des loups bondisse sur elle sans crier gare pour la réduire en morceaux vu ce qu'elle vient de faire à l'un d'entre eux.
— Courez ! je crie sans perdre une seconde de plus.
D'un même mouvement, nous opérons un demi-tour pour nous enfoncer dans le labyrinthe végétal qui nous tend les bras. La forêt et ses nombreux chemins sinueux ne sont pas un obstacle pour nous, les sorcières. Nous avons l'habitude de communier avec le monde végétal. Disparaître dans une masse tortueuse de ronces, de branches, de feuilles et de terre ne nous fait pas peur. Au contraire. Qu'ils essaient donc de nous rattraper !
— Lyssandra charme les branches pour qu'elles se referment sur notre passage, je hurle en détalant comme un lapin à la suite de ma mère, tenant toujours fermement le bras de Calypso pour m'assurer qu'elle me suive.
La sorcière rouge n'hésite pas un instant. Quelques mots prononcés dans un murmure suave et sa magie opère avec une facilité déconcertante. Les arbres abaissent leurs branches progressivement, obstruant le passage derrière nous.
Nous courons à perdre haleine, sans un regard en arrière. J'entends leurs pas dans notre dos, du bois qui craque, des cris menaçants, des injonctions à nous retrouver, des menaces de mort lente et douloureuse. J'entends même du désespoir dans ces voix qui grondent comme le tonnerre, impitoyables et dangereuses. Ont-ils de la peine pour celui qui a été tué ? Sont-ils seulement capables de ressentir des émotions ? J'ai du mal à y croire et pourtant, certaines tonalités ne trompent pas.
— Ne vous arrêtez pas, nous crie ma mère en jetant un coup d'œil par-dessus son épaule pour vérifier que nous sommes toutes là.
Aucun risque ! Tant qu'ils seront à nos trousses, je pense sincèrement qu'aucune de nous n'aura la mauvaise idée de faire une pause. J'entends Lyssandra poursuivre ses incantations, le souffle court. Elle s'épuise en usant ainsi de sa magie pour nous protéger. Il faut absolument qu'on parvienne à les semer et vite. Elle ne tiendra plus longtemps à ce rythme. Je lâche la main de Calypso pour saisir celle de la sorcière rouge et unir mes forces aux siennes. Je ne suis pas une grande adepte de la magie rouge mais je sais que je peux l'aider et la soulager. Elle me regarde rapidement et comprend mon intention. Je joins ma voix à la sienne et déjà, nous sentons que les incantations murmurées retrouvent un second souffle. Les branches plient plus violemment après notre passage, les arbustes semblent se déplacer pour faire barrage à nos ennemis, des centaines d'oiseaux qui ressemblent à des colibris fondent sur nous à une vitesse vertigineuse avant de nous contourner pour s'attaquer à nos assaillants.
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Un si joli chaperon rouge
ParanormalUne ville sans époque Un village aux allures de conte de fées Un centre qui forme des chasseurs de sorcière qu'on appelle les loups Une forêt immense et sombre Et Un joli chaperon rouge... Voici les ingrédients magiques et mystérieux qui composent c...