L'univers d'Iurne

Chapitre 4 Partie 2 : Partage

Paul leva la main en direction de Zaeer pour l'empêcher de répondre.

– Le but n'est pas d'avoir une réponse. C'est également le cas de notre discussion. Je ne cherche ni à te convaincre, ni à te dissuader. Sois un ennemi du parti, sois son agent, accepte de suivre notre formation ou non. Cette discussion n'a pour but que de te faire comprendre que tu as le choix et qu'il n'existe que très rarement une réponse unique à une question. Prends le temps qu'il te faut pour te décider.

Zaeer passa le reste de la journée dans le silence de la cafétéria. Sous le choc, il était privé de sa concentration et n'arrivait plus à accéder à son espace mental. Il avait perdu. Si le parti avait réussi à soumettre Paul, Audra et Simon, que pouvait-il faire ? Surtout qui était-il pour s'opposer au parti ? Lui qui avait, par ses actes, contribué à l'essors de Nation. Lui le soi-disant ennemi du parti était en fait son Léviathan. La plus haute distinction qu'un apprenti pouvait obtenir.

Zaeer avait toujours pensé qu'il serait le caillou dans la chaussure de Nation. Après sa discussion avec Paul, il dû faire face à la réalité, il était un des lacets qui permettait au parti de resserrer sa domination sur la population. Cette unique pensée tourna et retourna dans son esprit, sans qu'il ne puisse ni s'en défaire, ni y trouver une solution.

Il repensa à tout ces points rouges sur les écrans de ses cours de stratégie militaire, il repensa à ses camarades de promotion, à Abbas et Alia... Etaient-il vraiment des zombies du parti ? Une pensée s'était ajoutée à son esprit, se transformant en frisson glaçant parcourant chaque vertèbre de sa colonne vertébrale : « Avait-il fantasmé leur relation ? ».

Simon entra dans la pièce. Zaeer ne le remarqua pas immédiatement, c'est l'odeur de café chaud qui le fit sortir de sa torpeur.

– Tu vas bien ? Demanda Simon avec son sourire bienveillant.

Zaeer garda le silence, se contentant de hocher la tête. Il remarqua seulement à ce moment-là que le soleil était en train de se coucher.

– Tu as l'air perturbé. Tu veux en discuter ?

Simon prit place à côté de la jeune recrue.

« Discuter ? » se demanda Zaeer. Il leva les yeux vers Simon, mais était incapable de réfléchir. Complètement épuisé mentalement et émotionnellement, Zaeer ne résista pas à l'humanité et la gentillesse de Simon.

– Je ne sais pas quoi faire. Dit-il timidement.

– Tu t'ennuies ?

– Ce n'est pas vraiment ça... je...

Un nœud dans la gorge de Zaeer l'empêchait de répondre clairement. Ce même nœud devait être dans son cerveau car il ne savait pas non plus comment formuler ce qu'il pensait.

– Oula, toi tu en as gros sur la patate. Dit Simon en se levant. Je sens que tu as trop de choses sur le cœur pour en parler.

Les mots de Simon touchèrent Zaeer avec une facilité déconcertante. Pour la première fois de sa vie quelqu'un faisait preuve d'humanité envers lui. Un sentiment nouveau émergea au travers d'une réalité inconsciente : plus besoin de barrière. Son rythme cardiaque accéléra, il eut chaud et froid en même temps, un poids venait écraser sa poitrine si violemment qu'il avait l'impression qu'il allait tomber du tabouret. Sans qu'il puisse se contrôler des larmes commencèrent à monter, troublant sa vision. Elles étaient si pesantes qu'elles ne pouvaient que couler le long de son visage. Chaque larme qui tombait était aussi lourde que le plomb et plus elles coulaient, plus ses yeux se gorgeaient de cette douleur liquide. Plus Zaeer déployait d'effort pour les retenir et pour rester silencieux et plus il souffrait. Simon passa sa main sur le dos du jeune homme, effaçant la dernière once de résistance présente en Zaeer qui se mit à sangloter et exprimer sa douleur. Sans ajouter un mot, Simon lui apporta plus de soutien qu'il n'en avait jamais reçu. Zaeer s'était préparé à la violence, au sang, aux épreuves et à la guerre. Il ne s'était préparé ni à la bienveillance, ni au soutien émotionnel.