Bribes d'Univers

9. Le Cœur Batailleur [Fantasy]

- On doit marcher à contrecœur. Hé, tu m'entends ? Pyrus, on ne peut plus continuer comme ça...

Mon petit frère, essuyant ses yeux d'un revers de main, se leva d'un mouvement brusque.

- Non ! sanglota-t-il. On n'a pas fait tout ce chemin pour rien ! Je le sens au fond de moi, je ne sais pas comment l'expliquer, mais... il faut persévérer.

Sans attendre de réponse, il contourna la crevasse, le regard tourné vers notre destination : le Cœur... Il battait de plus en plus fort. Son rythme grandissait, causant des marées infernales, des fissures béantes, des typhons destructeurs. Ses veines et artères étaient sorties des entrailles de la planète, déchirant son épiderme. Cela signifiait qu'il était menacé.

Nous avions de bonnes raisons de croire que notre peuple y était pour quelque chose. Nombre de traces de sabots partaient de notre village en direction de la Forêt Protectrice, dans laquelle nous nous trouvions.

- Alors, tu viens ? s'impatienta Pyrus.

- ... Oui, j'arrive. Mais nous devrons être plus prudents. Promets-moi une chose. Si le Cœur m'emporte, retourne en Virmée.

Dans un soupir, il me répondit :

- Je te le promets, Kael.

***

La nuit qui suivit, un craquement nous extirpa de notre somnolence. Une silhouette bipède, faiblement éclairée par l'astre lunaire, se démarqua du décor. Armé de mon arc, je criai :

- Encore un pas et vous n'en sortirez pas vivant !

Une voix féminine me répondit :

- On se calme ! J'ignorais que vous étiez là, je suis perdue... Je longeais l'Artère Sud quand j'ai été... désorientée. Ça fait des jours que je déambule.

- Approchez, doucement.

Au fil de ses pas, je discernais ses fines jambes surmontées de racines. Sa peau verdâtre, recouverte de cheveux ébène, ne laissait pas le moindre doute, c'était une Cardienne. Elle regarda mes cornes avant de s'exclamer :

- Mais, vous êtes des Virméens !

- C'est qu'elle est perspicace ! répondit Pyrus.

- À vrai dire... vous n'êtes pas les bienvenus ici...

Prévisible. Je répliquai :

- Nous ne sommes pas comme nos congénères, je te prie donc de ne pas nous juger trop hâtivement. Toi qui résides aux abords du Cœur, connais-tu la raison de sa détresse ?

- Hélas, non. J'étais trop éloignée de la forêt lorsque ses battements se sont intensifiés. Cela dit, il ne serait pas étonnant que cela vienne de votre peuple...

Il était normal qu'elle le suppose. La haine contre le Cœur ne cessait de croître dans nos rangs. « Pourquoi nous a-t-il donné la vie, si c'est pour exister dans de telles conditions ? Peu de récoltes, les températures qui grimpent, les océans qui se déchaînent ! Il nous a abandonnés », disaient-ils, sans remettre en question les raisons de cette situation.

- Quoi qu'il en soit, poursuivit-elle, il n'y a qu'un moyen d'en avoir le Cœur net... Oh, et mon nom, c'est Lym.

***

Une Cardienne pour nous accompagner, nous ne pouvions rêver mieux. Elle possédait un atout non négligeable : elle était capable d'anticiper les battements. Grâce à elle, nous étions davantage en sécurité. Nous parcourions la forêt avec beaucoup plus d'assurance, le Cœur n'était plus très loin.