Sang et larmes

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Les jours se suivent et se ressemblent avait dit elle ne savait plus qui, mais Emma trouvait que cette citation se rapportait très bien à ses journées.

Chaque jour elle se levait, évitait sa mère, se rendait au collège, se faisait gronder par ses profs, insulter par ses camarades, était frappée et humiliée par le groupe de Sacha, rentrait chez elle pleurait, s'entaillait les bras, re-pleurait et se couchait, espérant que le lendemain serait mieux.

Malheureusement, ce beau vœu ne se réalisait jamais. Jamais.

Au contraire, Emma dépérissait chaque jour encore plus.

Ses yeux devenaient blêmes plus qu'ils ne l'étaient, ses lèvres blanchissaient, ses bras étaient couverts de lignes rouges, son cœur quand à lui, n'était plus qu'un amas de tristesses, de colères et de doutes.

Elle ne vivait plus, plus depuis longtemps, plus depuis quatre ans. Elle ne faisait que survivre, pourquoi ? Elle ne le savait toujours pas.

Elle n'était plus, elle avait sombré dans les limbes de la dépression, et celles-ci ne comptaient pas la lâcher de si tôt. Elles étaient déterminées à faire qu'Emma ne résiste plus.

Pourtant, pour l'instant Emma avait réussi à survivre. Tant bien que mal.

Mais cela n'allait pas durer, elle ne savait pas que tout ce qu'elle avait vécu jusqu'à cet instant n'était qu'un avant goût de ce qu'on peut facilement appeler "L'enfer".

Si chaque jour était pour elle une torture, elle n'avait pas encore vu ce qu'était la véritable horreur.

Ce jour là, elle trouva une lettre, la première d'une longue lignée, elle l'avait trouvé dans son casier.

Personne ne t'aime, tu merite pas de vivre, T la fille la plus moche et la plus détestables de l'univert. Tu merite tous ce qui t'arrive, C ta faute si Flore est morte. Tu voulait qu'elle meures.
Ceci est une petition signer par (comme tu peux le voir) beaucoup d'éleve. Notre but ? Te faire payer ce que ta fait. Tu nous a ignoré, tu va le payer.
On va te briser, te casser, faire en sorte que tu puisse plus jamais etre heureuse.

Sacha, Jeanne, Coline, Louis, Arnaud, Laurie, Gaspard, Mathilde, Ambre et d'autre encore qui ne voulait pas mètre leur nom.

Les larmes coulaient, Ils la haïssaient donc autant ? Elle savait qu'ils ne l'aimaient pas, mais pas au point de lui écrire cette lettre elle ne pensait pas qu'ils iraient si loin, non elle ne pensait pas.

Pourtant, ils y étaient allés, et elle venait de s'en rendre compte, ils ne la laisseraient .

Ils voulait sa mort, elle l'avait enfin compris mais elle aurait préféré l'ignorer pour le reste de ses jours. Sa mort, c'était ce qui les ferraient cesser, rien d'autre, elle aurait beau faire tout ce qu'elle pouvait, jamais ils ne s'arrêteraient, sauf lorsque elle ne serait plus.

Elle n'avait jamais vu a quel point elle était haïe et cela acheva de briser son cœur meurtri par les malheurs qui n'avaient cessé de le tenir.

Alors, pour être tranquille, elle se rendit aux toilettes et assise sur l'un, elle pleura, longtemps, elle ne savait pas combien de temps elle resta là, mais elle savait que c'était longtemps car elle entendit de nombreuses personnes entrer et sortir.

Elle pleura, pleura, pleura... puis elle attrapa son compas, et l'appuya sur son bras gauche, laissant le sang couler, se mélangeant au sel de ses larmes.

Ce mélange était celui de sa vie, larmes et sang, transparent et rouge, tristesse et douleur...

Deux éléments qui étaient la partie visible de son mal-être. La partie visible de l'iceberg, qui était mille fois plus grand.

Elle fini par sortir, les larmes s'étant taries, et le sang ayant séché. Elle était là, au milieu des toilettes, et son allure aurait été drôle si elle n'était pas si tragique. Ses yeux étaient tellement rouges qu'on aurait dit qu'elle s'était maquillée, son visage contrastait énormément avec ses yeux, il était pâle comme la mort, ses bras était cachés, mais ils était pleins de marque et de sang séché. Quand à ses jambes, elles tremblaient.

Emma se passa un coup d'eau sur le visage, puis, sortit de son refuge, en direction de la cour.

Elle n'aurait pas dû, elle le savait très bien, pourtant, elle l'avait fait, elle était sortie dans la cour, alors qu'ils y étaient aussi.

Elle partit s'asseoir sur un banc, assez éloignée des autres et assise là, elle pensa à son père.

Il n'avait jamais été très présent, mais tout les week-ends de son enfance, ils partaient, elle, Flore, sa mère et son père se promener, ils allaient dans les parcs, le centre de Paris... et toujours ils restaient ensemble.

A cette époque, quiconque aurait vu cette famille se serait dit qu'ils étaient heureux, formidablement heureux et la personne aurait eu raison, ils étaient heureux.

Pendant neuf ans, ils avaient eut l'air d'une famille de rêve. Et c'était presque le cas.

Lionel Larson était presque un père idéal, et sa femme, Sophie, l'était tout autant.

Mais lorsque le drame s'était produit, le père avait peu à peu sombré dans une folie pure, et Sophie avait été forcée de l'interner en hôpital psychiatrique.

Un traumatisme de plus pour cette famille qui n'en était plus une. Un nouveau drame à surmonter pour une mère dépressive et sa fille harcelée et brisée par la vie.

Les deux femmes auraient pu se rapprocher, mais petit à petit, elles s'étaient éloignées, et chacune était devenue seule, trop seule.

Emma était la, juste assise, et se replongeant avec une douloureuse nostalgie dans les souvenirs de son enfance. Chaque nouveau souvenir venait se loger dans son cœur, créant une petite fissure et petite fissure après petite fissure, son cœur se brisait, et finissait par n'être qu'un tas de douleurs et de tristesses...

Elle aurait voulu retrouver sa mère, sa sœur, et son père... mais deux d'entre eux ne reviendraient jamais, quand à la troisième, elle serait bientôt incapable de s'occuper de sa fille.

De nouveau, la sonnerie sonna, et sous les rires de ses camarades moqueurs, elle se rendit en classe, les larmes encore aux yeux et ceux-ci toujours rougis.

Assise à sa place, elle essaya d'écouter le cours, sans succès, elle ne pourrait pas, elle n'y arriverait pas, elle n'arrivait plus à suivre.

Elle reste donc, la tête ailleurs, le regard dans le vide, un crayon dans sa main, mais celui-ci ne résolvait pas les exercices, il dessinait, un gribouillage, mais ces traits entremêlés semblaient représenter Emma en cet instant.

Un amas de tristesse, de colère, de confusion et de peur se mélangeant sans aucune grâce, car le malheur n'est pas beau, ni attrayant. C'est simplement des êtres brisés par la vie, qui essayent de s'en sortir, tant bien que mal.

Depuis quatre ans elle faisait parti de ce groupe de malheureux.

Pourquoi moi ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant