Vendredi

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    Chûya était assis sur un banc, juste à côté du théâtre Bolchoï. Il lisait un livre avec attention tout en tenant une cigarette dans sa main droite, qui était gantée. C'était un recueil de poésie écrit par Baudelaire. Il attendait patiemment que Fyodor finisse sa répétition. Le vent frais soufflait et lui donnait quelques frissons, mais il n'avait pas très froid. Il apporta son bâton de nicotine à ses lèvres et il inspira avant de souffler un petit nuage de fumée. C'était plutôt agréable.
    – Bonjour, s'exclama soudain une voix en russe.
    Chûya sursauta et il releva la tête. Il tomba nez à nez avec un jeune homme aux cheveux blancs. Une longue tresse tombait dans son dos. Il avait un long manteau noir et blanc ouvert, une chemise en soie blanc et un pantalon en tissu noir. Il ne devait pas être beaucoup plus âgé que Chûya. Il avait la sensation de l'avoir déjà vu, mais il ne se souvenait plus où. Le nouveau venu lui offrit un sourire charmeur. Par respect, il éteignit sa cigarette.
    – Je m'appelle Nikolaï, et toi ?
    
Nikolaï... C'était sûr, Chûya le connaissait. Mais d'où ? Il fronça un peu les sourcils.
    – Chûya...
    
Enchanté Chûya ! Que fait un si bel homme seul devant le théâtre ?
    
Chûya entrouvrit la bouche pour répondre mais aucun son de sa bouche. Que devait-il répondre ? Il prit quelques instants avant de parler.
    – Hum... Je lis ?
    
En plus d'être magnifique, tu es un littéraire ! C'est merveilleux ! Puis-je, demanda-t-il en montrant la place à côté de lui du doigts.
    Chûya acquiesça avec lenteur et il l'observa avec un peu plus d'attention. Nikolaï avait un visage fin avec des yeux clairs. Il était légèrement maquillé, un mince trait rouge allongeait son regard, et sous son œil gauche était dessiné un petit cœur rouge. Ses cheveux retombaient en bataille sur son front, et sa longue tresse se balançait dans son dos lorsqu'il bougeait. Chûya put d'ailleurs voir qu'il avait un tatouage sur sa nuque. C'était quatre petits symboles : un cœur, un trèfle, un carreau et un pique.
    Ce fut en voyant ce tatouage qu'il le reconnut. Nikolaï Gogol, le pianiste de la troupe qui s'était cassé le bras en descendant de scène. Fyodor lui avait beaucoup parlé de lui.
    Instinctivement, Chûya baissa le regard sur ses bras et constata que l'une de ses manches de manteau pendait.
    – Tu as un plâtre, murmura Chûya en japonais avant de relever le regard vers son visage. Tu es le pianiste de l'orchestre symphonique de Tokyo, pas vrai ?
    Nikolaï ouvrit grand la bouche lorsqu'il entendit sa question. Ses yeux brillèrent de joie et il acquiesça vivement.
    – Je ne pensais pas croiser un japonais ici, s'exclama-t-il. Encore moins quelqu'un qui me connaîtrait ! Je suis honoré !
    Chûya esquissa un sourire et haussa un sourcil, l'air amusé.
    – Je n'ai pas l'air d'un japonais ?
    – Tu sais, ce qui compte ce n'est pas de quoi tu as l'air... Le plus important, c'est que tu sois extrêmement sexy !
    Un rire passa la barrière des lèvres de Chûya alors qu'il détourna le regard.
    – Nikolaï, tu devrais t'arrêter là.
    – Pourquoi ? Je pourrais te surprendre tu sais, dit-il avec d'un air entendu.
    Fyodor lui avait dit que Nikolaï était quelqu'un de lunaire, mais il avait oublié de lui dire qu'il était aussi dragueur que drôle ! Chûya n'arrivait pas à savoir s'il était sérieux ou non. Devait-il rire ? Devait-il répondre sincèrement ? Devait-il pleurer ? Il ne savait pas.
    – Je suis déjà en couple, lui répondit-il en souriant.
    – Qui est ce malotru ?! Je vais te prouver que je vaux mieux que lui Chûya ! Et tu sais pourquoi ? Je suis un artiste, je te ferai la cour, je te ferai des poèmes et des chansons !
    Chûya ne put retenir un rire alors que Nikolaï vint prendre ses mains dans les siennes. Il encra ses pupilles dans celles bleu ciel de Chûya.
    – Les diamants de tes yeux me guident, jamais je ne m'en lasserai, commença-t-il. Ô Chûya, accepte donc ma pr...
    Il n'eut pas le temps de finir son poème improvisé qu'une voix retentit non loin d'eux.
    – Mais qu'est-ce que tu fous, Niko ?
    Fyodor s'approcha d'eux, un air dépité plaqué sur le visage. Nikolaï détourna son regard de Chûya et le regarda. Ses lèvres étaient étirées en un large sourire, relevant ses pommettes.
    – J'essaie de conquérir ce charmant jeune homme !
    Fyodor soupira. Derrière lui, Sigma était là avec Dazai, ils se retenaient tous les deux de rire.
    – Pourrais-tu, s'il te plaît, arrêter d'essayer de conquérir mon petit ami, demanda alors Fyodor en regardant Nikolaï.
    Nikolaï écarquilla les yeux. Il regarda tour à tour Chûya et Fyodor avant de se lever d'un bond.
    – Oh mon dieu ! Je ne savais pas que vous étiez ensemble !
    – Tu ne m'as même pas laissé parler, rit Chûya en se levant à son tour.
    Fyodor vint lui prendre la main en lançant un regard suspicieux à Nikolaï, qui faisait la moue. Il y eut un silence entre les cinq jeunes hommes, qui dura une bonne minute. Soudain Dazai leva la main en l'air en sautillant légèrement. Ses yeux brillaient et un grand sourire était dessiné sur son visage. Il semblait avoir une idée... Tous tournèrent le regard vers lui.
    – Et si on trouvait quelqu'un pour Nikolaï, proposa-t-il avec sérieux.
    Sigma et Fyodor se regardèrent un instant puis ils tournèrent la tête vers Nikolaï, le regardant d'un air sérieux. Chûya les regarda, silencieux.
    – Pourquoi pas Jôno, proposa Sigma.
    Fyodor écarquilla les yeux et se tourna vers lui. Il avait l'air de se retenir de rire.
    – Jôno ? Tu blagues ?
    – Je suis plus que sérieux !
    Le rire de Dazai retentit.
    – Jôno la seule chose qu'il fera c'est taper Nikolaï ! Il est trop énergétique pour lui !
    – Je suis d'accord avec la momie, s'exclama Fyodor. Jôno ne le supporterait pas. Et puis, il est déjà avec Tetchô.
    Sigma fronça les sourcils.
    – Tetchô ? L'ingé' son, demanda-t-il avec surprise.
    – Oui, acquiesça Fyodor. Ils sont ensemble depuis un peu plus d'un an je crois...
    – Je savais pas...
    Les trois jeunes hommes se remirent à réfléchir sous les regards perdus de Chûya et Nikolaï. Ils étaient dans leur monde, comme s'il n'y avait qu'eux. Mais, Fyodor n'oubliait pas son petit ami. Il tenait Chûya contre lui. Ses bras entourait sa taille et il avait posé sa tête sur le haut de son crâne. Comme Chûya était plus petit que lui, il se plaçait souvent comme ça. Ils se sentaient tous les deux bien dans cette position, ils pouvaient sentir la chaleur corporelle de l'autre. C'était apaisant.
    Chûya vint prendre ses mains dans les siennes, lui caressant le dos de ses mains avec ses pouces. Même avec des gants, il arrivait à sentir à quel point la peau de Fyodor était froide.
    – Atsushi, proposa Fyodor.
    – Alors là, non, s'exclama Dazai avec conviction. Le petit Atsushi est pour Akutagawa ! J'essaie de les mettre ensemble, hehe !
    Sigma leva les yeux au ciel sans pouvoir s'empêcher de sourire.
    – Et pourquoi pas Higuchi, continua Dazai.
    – Higuchi aime Akutagawa, ça ne marchera pas, murmura Sigma.
    Le silence se réinstalla entre eux et dura un petit instant. Chûya lança un regard à Nikolaï, qui n'avait pas bougé. Il ne semblait pas savoir quoi dire ou quoi faire, il avait même l'air un peu gêné. Chûya lui offrit un petit sourire.
    – Tachihara n'a personne, s'exclama soudainement Fyodor.
    Sigma et Dazai acquiescèrent puis ils se mirent tous les trois à rire de bon cœur. Finalement, Sigma se tourna vers Nikolaï et il lui sourit.
    – Et sinon, est-ce qu'il y a quelqu'un qui te plaît ?
    Nikolaï fit mine de réfléchir alors que ses joues prirent une teinte rouge. Il ferma un instant les yeux et un fin sourire étira ses lèvres. Puis, il rouvrit les yeux et posa son regard sur Sigma.
    – Ça, c'est mon secret !
    Puis, il tourna sur lui-même avant de partir en sautillant légèrement, leur disant au revoir d'un geste de la main. Dazai, Sigma, Fyodor et Chûya rirent légèrement. Fyodor se décala légèrement de Chûya et regarda ses amis.
    – Bon, nous on va y aller, dit-il en leur offrant un sourire. Bonne soirée à vous. Et pas de bêtise, hein ?
    – Parle pour toi, s'exclama Dazai. Au moins on ne dérange pas nos voisins de chambre d'hôtel durant la nuit !
    Sans même prendre le temps de lui répondre, Fyodor commença à marcher, gardant la main de Chûya dans la sienne. Ils restèrent silencieux un instant, avant qu'il ne prenne la parole.
    – Excuse-moi, tu ne t'es pas trop senti gêné tout à l'heure ?
    – Comment ça, demanda Chûya, l'air perdu.
    – Quand je parlais avec les autres... Et puis Nikolaï est venu te parler, avant ça.
    – Oh, ça va, tu sais. En vrai, c'était drôle de vous entendre chercher qui pourrait bien aller avec Nikolaï... Il est amusant.
    Fyodor sourit et acquiesça.
    – Je sais qui est la personne qui lui plait.
    Chûya le regarda, intrigué. Fyodor regardait en face de lui, un fin sourire collé au visage. Il avait vraiment l'air heureux, et ça avait le don de réchauffer le cœur de Chûya. Le sourire de Fyodor était l'une des choses les plus importantes pour lui.
    – Vraiment ? Et qui est-ce ?
    – Il aime Sigma.
    Chûya écarquilla légèrement les yeux.
    – Mais... Sigma, il...
    – Il aime Dazai. Ouais... Je connais Niko. Si Dazai rend Sigma heureux, il va simplement lui souhaiter du bonheur. Par contre, si Sigma souffre... Il ne faudra pas s'étonner si Dazai disparaît !
    Chûya rit légèrement. Il serra un peu plus la main de Fyodor dans la sienne et s'arrêta. Fyodor le regarda avec étonnement.
    – Il faut qu'on trouve une nouvelle personne pour Nikolaï alors, s'exclama-t-il avec sérieux.
    – Il n'y a personne à l'orchestre qui est fait pour lui. Tu sais, j'y ai déjà réfléchi...
    – Mais je connais beaucoup de personnes, moi aussi !
    Fyodor esquissa un sourire.
    – Et à qui penses-tu ?
    – D'abord, il faut que tu me parles plus de Nikolaï !
    Fyodor acquiesça et réfléchit un instant. Ils recommencèrent à marcher.
    – Niko est très énergétique. Il est un peu bordélique aussi... Mais il a un grand cœur. Il essaie toujours de faire rire les autres et il adore donner de l'amour. D'ailleurs, il en donne tout le temps, même à ses amis. Mh... Il est un peu perché, et drôle aussi.
    Chûya réfléchit lui aussi.
    – Il faudrait que je lui fasse rencontrer Seishu...
    – Seishu, demanda Fyodor avec étonnement. C'est pas ton collègue ? Celui qui aime son petit ami plus que tout au monde et qui en parle tout le temps ?
    – Si, mais Hajime est parti il y a trois mois... Seishu est tellement triste, j'essaie de lui remonter un peu le moral... Je suis sûr que Nikolaï et lui pourraient s'entendre ! Et au pire, ils pourront être amis.
    Fyodor esquissa un sourire et acquiesça. Il déposa un baiser sur le haut du crâne de Chûya.
    – Tu as raison ! J'ai hâte de voir ça...

Surprise au théâtre BolchoïOù les histoires vivent. Découvrez maintenant